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Affaire Boiron : la « maquerelle » face à l’homme d’affaires

©Pascal Bastianaggi

L’affaire Sabine Boiron est finalement devant le tribunal correctionnel de Papeete. Elle est accusée d’être à la tête d’un réseau de prostitution impliquant des jeunes filles mineures. L’homme d’affaires Thierry Barbion doit répondre de recours à la prostitution de mineur et de corruption de mineur. Huit autres personnes sont aussi sur le banc des accusés, toutes pour trafic de stupéfiants, en l’occurrence de l’ice.

Le personnage central de cette affaire est Sandrine Boiron. La justice la soupçonne d’avoir attiré de jeunes filles en détresse, toutes mineures, en leur procurant de l’ice, drogue dont elle était elle-même consommatrice.

Selon des témoignages, une fois les filles bien « accroc’ » à la méthamphétamine, elle les prostituait en les livrant à des dealers, en général contre de l’ice, mais aussi lors de soirées « libertines » qui se tenaient dans les bureaux de l’homme d’affaires Thierry Barbion, à l’époque son amant.

Sabine Boiron, « la diablesse »

Parmi les mineures tombées sous la coupe de « la diablesse » ou « la maquerelle », comme la surnommaient les jeunes filles, il y a Alice, 17 ans au moment des faits.

Dans sa déposition, elle indiquait s’être prostituée pour Sabine Boiron qu’elle a connue par l’intermédiaire d’une de ses amies. Selon elle, c’est avec Sabine Boiron qu’elle a fait la connaissance de Thierry Barbion, avec qui elle a eu trois rapports sexuels. « Elle m’a proposé un trip chez un copain à elle, on a bu, elle m’a donné un cachet puis on a eu du sexe tous les trois. » déclarait-elle lors de ses auditions. Si Sabine Boiron recevait de l’argent de la part de l’homme d’affaires, Alice n’en voyait pas la couleur.

Sabine Boiron, voyant que Barbion la délaissait et s’intéressait de plus en plus à Alice, a ensuite prostitué la jeune fille à des dealers de drogue. Sa santé s’en est fortement ressentie. Elle était constamment sous ice et ne s’alimentait quasiment plus. « Sabine s’est débarrassée de moi, elle m’a livrée à Diaz (NDLR : Diaz Nogueira,« cerveau » de la Mexican Connexion), elle a recruté d’autres filles et m’a dit une fois qu’elle était protégée par quelqu’un de haut placé. Toute ma vie a basculé avec Sabine, elle a gagné de l’argent et de l’ice. C’est une diablesse.» Une femme qui n’hésitait pas à envoyer des sms à ses clients masculins :  « J’ai ramassé une moule sur la route en jupette ». Réponse du correspondant : « C’est qui la moule ? Fraîche ?»

À la barre ce matin, Sabine Boiron a nié les faits, alors que lors des auditions elle les avait reconnus, déclarant : « Je collabore malgré que mes déclarations peuvent nuire à ma sécurité dans le futur. » À la question du juge, « Qu’entendiez-vous par là ? »,elle répond : « J’avais peur des représailles des gens qui sont là dans la salle, des trafiquants d’ice et des protections que certaines personnes ont, dont Barbion. »

« Il est attiré par les jeunes et moi j’avais 33 ans. Il m’a manipulée »

Sabine Boiron a nié avoir recruté Alice pour la prostitution. « C’était juste des trip ice et sexe. ». S’agissant de ses rapports avec Thierry Barbion, elle a reconnu qu’ils étaient amants mais qu’il l’avait délaissée, « Il est attiré par les jeunes et moi j’avais 33 ans. Il m’a manipulée ». Elle l’a accusé de savoir qu’Alice était mineure, ce qui ne l’a pas empêché d’avoir des relations sexuelles avec elle, lors de soirées libertines ou en privé.

Quant aux accusations de fournir en ice la jeune fille, « c’est faux, il y a beaucoup d’exagération. ». Sur les accusations de pousser les filles à la prostitution, même défense.

Assurant qu’à l’époque, elle n’était pas elle-même, elle affirme à la barre, « j’étais dans un état second », consommant un gramme par jour d’ice. L’un de ses surnoms était d’ailleurs « le gouffre », rapport à cette consommation. Ce à quoi la procureure de la République rétorque : « Un état second n’est pas une circonstance atténuante, c’est votre responsabilité. »

Pour Me Des Arcis, son avocat, « son état d’alors n’est pas une circonstance atténuante, c’est une explication. » Pour lui, il faut être prudent, les témoignages à charge émanent de personnes qui étaient aussi sous l’emprise de stupéfiants.

Thierry Barbion, pour sa part, est accusé de recours à la prostitution de mineur et de corruption de mineur. Il ne nie pas avoir eu des relations sexuelles avec Alice. Il a précisé lui avoir demandé son âge « Elle m’a dit avoir 19 ans. ». Elle en avait 17. « Je demande systématiquement leur âge aux filles que je rencontre, car je ne veux pas de problèmes. »

« À Tahiti dès que vous avez de l’argent, on vous colle un tas d’histoires sur le dos »

Concernant l’accusation de recours à la prostitution de mineur, il a affirmé n’avoir jamais payé. Il a reconnu avoir donné effectivement de l’argent à Sabine Boiron, « mais c’était dans une relation amant-maîtresse. » Il nie aussi avoir jamais vu Sabine et Alice consommer de l’ice. « J’attache de l’importance à deux règles. Pas de drogue, pas de mineures, » expliquant : « à Tahiti dès que vous avez de l’argent, on vous colle un tas d’histoires sur le dos, on est accusé de tous les maux. La preuve, je n’ai eu dans ma vie que deux à trois semaines de libertinage, et j’ai été emmerdé 7 ans. Comme cette histoire à fait la une des médias, on m’a retiré mon visa pour les USA et je suis obligé de passer par le Japon pour venir ici. J’ai raté des événements concernant mes enfants. Passer pour un gars qui prostitue des gamines, c’est pas terrible.»

A noter qu’au fil de ses déclarations à la barre il a toutefois reconnu savoir qu’Alice prenait de l’ice, mais jamais devant lui. « Ce n‘est pas parce qu’elle m’a rencontré qu’elle s’est mise à l’ice, elle était déjà dedans 5 mois avant que l’on se rencontre. »

Il réfute l’accusation de corruption de mineure, sur la personne de Lara, 13 ans à l’époque, et qui aurait assisté à ses rapports avec Alice. Négation confortée par le témoignage de Marc Ramel.

Barbion à la barre avait réponse à tout. Sûr de lui, méthodique, connaissant parfaitement le dossier, il a démonté toutes les accusations, allant même jusqu’à faire parvenir au juge d’instruction un tableau style Excel. Sur celui-ci, il a noté par colonnes,  les dates, la ou les personnes avec qui il se trouvait, le signe + désignant s’il y avait eu rapport sexuel et le / précisant si il y avait des personnes invitées.

Le procès se poursuit demain avec les auditions des dealers qui gravitaient autour de Sandrine Boiron.

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