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Affaire de la citerne d’Erima en appel : l’avocat général demande l’inéligibilité à vie contre Gaston Flosse

©CP/Radio1

Gaston Flosse et Édouard Fritch, condamnés en juin 2019, faisaient tous deux appel de leurs condamnations. Une QPC rejetée plus tard, l’avocat général a demandé la confirmation des peines infligées en première instance à Gaston Flosse, avec un différence de taille, l’inégibilité à vie. Quant à Édouard Fritch, les faits ont été requalifiés en « négligence » et l’amende requise a été revue à la baisse.

« Pirae, c’est toujours votre adresse ? » demande la juge. « Non, j’habite Papeete », répond le Vieux lion. « Vous avez déjà été condamné ? » « Je loue… » « Vous avez été condamné à 8 reprises, entre autres pour des affaires de prises illégales d’intérêt » « 4 rue François Cardella ! » termine Gaston Flosse. « Monsieur le bâtonnier, dit la juge à Me Quinquis, est-ce que vous êtes sûr qu’on va se comprendre avec votre client ? » « Oui, oui, il y a un petit décalage mais… » assure l’avocat. L’affaire avait déjà été renvoyée car Gaston Flosse avait contracté le Covid.

Ainsi a débuté ce jeudi matin l’audience d’appel de l’affaire de la citerne d’Erima, dans laquelle les deux hommes sont poursuivis en tant qu’anciens maires de Pirae pour « soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou un de ses subordonnés ». En clair, pour avoir fait supporter à la commune de Pirae, de 1989 à 2008, les coûts d’une station de pompage nécessaire à l’adduction d’eau du lotissement Erima, à partir d’une citerne de 30m3 installée par Gaston Flosse qui avait là son domicile. Des coûts estimés à 87 millions de Fcfp.

Pour rappel, en première instance, Gaston Flosse avait été condamné à deux ans de prison avec sursis, trois ans de mise à l’épreuve, trois ans d’inéligibilité et interdiction définitive d’exercer une fonction publique, ainsi qu’à une amende de 10 millions de Fcfp. Édouard Fritch avait, lui, été condamné à cinq millions de Fcfp d’amende. Les sœurs Handerson, sur le terrain desquelles passaient les canalisations, faisaient également appel de leur condamnation pour recel qui leur avaient valu des amendes de 10 et 5 millions Fcfp.

Une petite QPC pour la route

Me Quinquis a dégainé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), sur le délai de prescription des faits en matière pénale qui (avant une réforme de 2017) ne pouvait pas excéder 12 ans ; si l’action publique n’est pas engagée dans ce délai, le ministère public n’est plus à même de poursuivre.  L’instruction de cette affaire avait débuté en 2014, mais Me Quinquis estime que le ministère public ne pouvait ignorer les déclarations publiques, dès 1989, de plusieurs résidents d’Erima – notamment Mario Banner, l’ancien substitut Belloli, et même le maire de Arue Philip Schyle dont les parents habitaient là.  Le tribunal a refusé de transmettre la QPC « qui ne présente pas un caractère sérieux », au Conseil constitutionnel. Qu’à cela ne tienne, Me Quinquis a bien l’intention de ressortir sa QPC devant la Cour de cassation si son client devait être à nouveau condamné en appel.

Gaston Flosse et Édouard Fritch ont repris le fil de leur défense en première instance : service à la population pour le premier, qui a décidé seul, dit-il : « J’allais pas réunir le conseil municipal pour discuter d’un accord écrit. C’était pour le bien de la commune ». Édouard Fritch, lui, dit qu’au moment de prendre ses fonctions de tavana, il savait que la station existait mais pas qu’elle fournissait de l’eau à quelques personnes au frais de la commune. Il reconnaît qu’il a tardé à agir et que des « difficultés politiques » entre Arue et Pirae ont empêché la résolution du problème.  (c’est finalement Béatrice Vernaudon, élue en 2008, qui sera la première à demander le recouvrement des sommes dues).

Concernant le président du Pays, les faits ont été requalifiés en « négligence » et l’avocat général a demandé que l’amende soit ramenée à 1,5 million Fcfp. En revanche les réquisitions contre Gaston Flosse sont plus lourdes : toujours 2 ans de prison avec sursis, 3 ans de privation des droits civiques, civils et de famille, une amende de 10 millions et le remboursement de plus de 35 millions à la commune, mais surtout l’inéligibilité à vie. Contre Olga et Hilda Handerson, les mêmes peines d’amende ont été demandées.

Le délibéré sera rendu le 10 décembre prochain.