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Affaire Sarah Nui : Tane Hopu minimise son rôle dans le trafic d’ice

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Tane Hopu et Thomas Buchin, tous deux incarcérés dans le cadre de l’affaire dite « Sarah Nui » passaient devant la cour d’appel ce jeudi. Si pour l’un, Thomas Buchin, il s’agissait juste de réclamer la restitution d’un véhicule appartenant à son père, pour Tane Hopu, c’était d’une remise de peine qu’il s’agissait. Le délibéré sera rendu le 23 avril.

En première instance lors de cette vaste affaire qu’est le dossier Sarah Nui, vaste par les quantités d’ice importées mais aussi par le nombre de personnes impliquées -14 prévenus pour le premier volet, et plus d’une vingtaine attendus pour le deuxième dans le courant de l’année – Tane Hopu s’était vu condamné à 4 ans de prison et Buchin à 5 ans.

Tane Hopu s’était montré agressif envers le tribunal en première instance, niant les faits et allant jusqu’à pousser un grand cri lors du délibéré, le condamnant à 4 ans ferme et confisquant tous ses biens. Ce jeudi, l’homme de 58 ans semblait plus calme, moins arrogant et ses interventions nettement plus mesurées. Physiquement aussi, quelques changements se sont opérés. Remplumé, le visage nettement moins émacié et le regard moins brouillé.

Cette fois il a reconnu une partie des faits. Avoir servi d’intermédiaire et avoir fourni à sa maîtresse au total 120 grammes de meth pour qu’elle les écoule. « Je n’étais qu’un consommateur et je n’avais aucun contact dans le milieu. » De l’ice qui lui a été donnée par un certain Elton rencontré à Hawaii et remis en main propre à Moorea. En échange Hopu devait lui remettre l’argent de la vente et au passage se prendre une commission.

De nombreuses contradictions

Le problème qui se pose pour la justice, c’est que le quinquagénaire s’est contredit plusieurs fois lors de ses nombreuses auditions en garde à vue. Et le tribunal n’a pas manqué de les lui rappeler, le soupçonnant d’avoir écoulé plus d’ice qu’il ne l’avoue.

Alors qu’il était placé sur écoute, de nombreuses conversations entre lui et des lieutenants d’Alfonsi, autre protagoniste de cette affaire qui sera jugé dans le deuxième volet, ont révélé qu’il se renseignait sur les méthodes de change d’espèces de celui-ci pour passer la douane sans être inquiété. Ce que lui fait remarquer la juge. « On cherche toujours des méthodes pour payer moins cher », avance-t-il benoîtement. « D’accord, mais là c’est à Alfonsi que vous vous adressez. Un trafiquant d’ice international. Ce n’est pas monsieur Tout-le-monde. »

De l’argent de provenance inconnue

Autre point de suspicion, pour quelqu’un qui déclare avoir des revenus mensuels de 450 000 Fcfp provenant de loyers, ses nombreux voyages aux Mexique et à Hawaii. Et aussi les coquettes sommes d’argent retrouvées chez lui en liquide, et sur des comptes en banque qu’il possède en Nouvelle-Zélande, aux USA et à Tahiti.

Des sommes d’argent dont il n’arrive pas à expliquer la provenance. Du moins, il n’apporte pas les preuves que c’est de l’argent propre. 80 000 dollars US, soit 8 480 000 Fcfp, sur un compte aux USA qu’il explique par l’héritage d’un oncle dont il ne connait pas le nom. Sans compter les sommes d’argent trouvées à ses domiciles, près de trois millions.

Possédant la double nationalité, française et américaine, il explique qu’il a travaillé comme indépendant aux États-Unis, mais là pareil, sans en apporter la preuve. Ce qui a sensiblement agacé la juge et la procureure. « Pour quelqu’un qui jongle avec plusieurs comptes en banque, qui a la double nationalité, qui a travaillé en Amérique, il est curieux que vous n’apportiez aucune preuve de ce que vous avancez. Pas de fiche de paie, pas de justificatifs d’imposition etc… »

Il s’en défend en invoquant le fait d’être en prison la difficulté d’avoir ces pièces justificatives. « Mais c’est lors de l’instruction qu’il fallait nous apporter ces preuves. Vous auriez pu charger votre avocat de s’en occuper ou bien quelqu’un de votre famille », lui rétorque la juge.

Un Borsalino comme couvre-chef

Lui n’en démord pas, on veut lui faire porter un chapeau trop grand pour lui. « C’est un Borsalino, le chapeau que vous dites porter, monsieur, lui lance la procureure faisant preuve d’une culture cinématographique, votre ex-maîtresse a avoué avoir vendu pour vous, votre rôle est prouvé dans ce trafic ainsi que votre relation avec de nombreux trafiquants dont Alfonsi. De plus le nombre de vos voyages au Mexique, à Tijuana où Hawaii est impressionnant. Comment faites vous pour financer de tels voyages ? » Estimant que sa condamnation en première instance n’était pas exagérée, elle a requis à son encontre cinq ans ferme avec la confiscation de tous ses biens.

Quant à la demande de Thomas Buchin réclamant qu’on restitue le véhicule de son père qui avait été confisqué, la procureure a estimé que la garder reviendrait plus cher à la justice et ne s’oppose donc pas à sa demande.

« On ne fait pas de quelqu’un de désagréable un coupable. »

Pour la défense de Tane Hopu, son avocat Me Bennouar reconnait qu’en première instance, son client n’a pas eu « un comportement approprié et que cela a excédé le tribunal. » Pour autant, « On ne fait pas de quelqu’un de désagréable un coupable. » Évoquant l’accusation d’association de malfaiteur, il botte en touche affirmant que « si elle était avérée on le retrouverait assis à côté d’Alfonsi dans le volet 2 de Sarah Nui. »

Sur le train de vie qui lui est reproché, « les voyages qu’il a fait au Mexique et à Hawaii, il les payait avec l’argent de sa mère qu’elle a sur son compte aux USA et c’est pour cela qu’il a de la peine à l’avouer. » Ainsi il réclame une peine aménagée avec sursis et mise à l’épreuve. Quant à la confiscation de la totalité de ses biens, terrains, maison etc.., il interroge : « Est-ce que pour 120 grammes d’ice on peut en confisquer l’intégralité ? Une décision juste avec une confiscation proportionnée me semble plus recevable. Elle lui laisse une porte entrouverte sur son avenir, sinon il dort sous les ponts. » Et de conclure, « On ne peut pas bannir et tuer socialement quelqu’un ! ».

Le délibéré sera rendu le 23 avril.