Devant le tribunal correctionnel, les deux Australiens agressés ce weekend à Papeete ont pu confier leur mal-être, leurs insomnies et leur sentiment d’insécurité depuis cette attaque. Mais pas débattre des faits, puisque le procès d’un de leur assaillant, âgé de 23 ans, a été renvoyé au 22 avril. Il n’est « pas le seul en cause » a rappelé son avocate. Outre le mineur de 17 ans qui doit lui aussi être présenté devant les juges, elle estime que des responsabilités sont à trouver dans le reste du groupe de cinq jeunes hommes qui ont suivi les deux touristes en pleine nuit, d’après elle pour les voler.
C’est accompagnés d’un interprète, de l’Apaj, association d’aide aux victimes, et même de la consul d’Australie, que les deux touristes agressés vendredi soir se sont présentés, ce lundi après-midi, devant le tribunal correctionnel. Visages encore tuméfiés ou à peine cicatrisés, ils s’attendaient à pouvoir raconter, devant les juges, leur version d’une attaque qui a eu un « impact ravageur » sur eux. Cela n’a pas été possible. Les deux quinquagénaires évoqueront bien, brièvement, à la barre, « l’impact très fort » qu’a eu cette fin de soirée sur leur quotidien, leurs insomnies, la peur d’être de nouveau pris à partie, leur sentiment d’insécurité permanent… « Je n’arrive plus à regarder les gens dans la rue », dit l’un d’eux avec une émotion palpable, après avoir servi un « Your honor » à la présidente du tribunal.
Mais pas question de s’exprimer sur les faits, si ce n’est à l’écrit, pour plus tard. À quelques mètres d’eux, un jeune homme de 23 ans interpellé ce soir là et placé en détention après sa garde à vue est pourtant bien dans le box des accusés. Poursuivi pour violences aggravées en réunion et avec préméditation et pour vol, il reconnait d’ailleurs être l’auteur de certains coups. Mais dès le début de l’audience, il avait annoncé ne pas vouloir être jugé immédiatement, comme la loi lui permet.
Laisser retomber la pression
Une décision prise sur conseil de son avocate, qui voulait se laisser le temps « d’avoir assez d’éléments » pour défendre ce jeune homme sans emploi, plus en formation et qui vit entre chez ses parents et ceux de sa compagne – avec qui c’est « compliqué ». Le temps surtout « d’avoir des débats sereins » sur cette affaire très médiatisée depuis qu’elle a été révélée par Tahiti Infos ce weekend. « J’ai vu beaucoup de commentaires sur les réseaux sociaux qui peuvent avoir aujourd’hui une certaine influence (…) Il me semblait important que la pression retombe pour qu’on puisse discuter avec plus de sérénité, explique Maître Karima Chouini. Je ne voulais pas, non plus, que ce jeune homme soit le seul dont on parle. Ils étaient cinq ce soir là, il n’était pas seul, il est hors de question qu’on le cloue au pilori ou qu’il porte la responsabilité de tout ce qui s’est passé ».
Cinq interpellés dont deux seulement ont pour l’instant été mis en cause, comme l’a confirmé ce lundi matin la procureure de la République Solène Belaouar. Un autre membre du groupe va être poursuivi pour violences aggravées. Mais, à quelques semaines de sa majorité, il a évité la détention et a seulement été placé en contrôle judiciaire, avant d’être présenté au juge des enfants le 29 avril. Les autres – au moins deux d’entre eux, un troisième pourrait voir sa situation évoluer – ne sont considérés par les enquêteurs que comme des « spectateurs » de cette scène de violence qui, d’après la procureure, prend sa source dans une « bousculade » de fin de soirée.
« Ils se sont montés la tête à cinq »
Une version qui ne convainc pas totalement la défense, plutôt axée sur une tentative de vol dans laquelle ce jeune homme « sans le sou » aurait été « entrainé »… Et qui aurait très mal tourné. « Il me dit qu’il était sorti, qu’il avait entendu dire qu’il y avait des car-bass à Fare Ute. Finalement la DSP les a délogés, lui est parti de son côté, il comptait rentrer et puis sur la route il croise des copains du quartier où il vit chez sa mère à Papeete, reprend maître Chouini. Il a discuté avec eux, ils étaient devant le Paradise et puis l’un d’eux – qui n’est pas mon client – a décidé de voyant les deux touristes de d’aller les voler. Il n’était pas question à la base de violence, il n’était pas question de les frapper. Il n’a pas su… C’est allé trop vite pour qu’il réalise et qu’il puisse prendre une décision en connaissance de cause ».
« Ils se sont montés la tête à cinq », « Il n’a pas il a pas su dire non », insiste l’avocate. Une version étonnante vu la gravité des coups assénés aux deux Australiens, bien plus loin sur le front de mer puisque l’agression a eu lieu au niveau du centre Vaima. Elle ne pourra, quoiqu’il arrive, pas être confrontée directement aux souvenirs – qui serait eux-mêmes relativement confus – des deux victimes. Les deux touristes australiens quittent le fenua le 3 avril. L’audience, elle, a été reportée au 22. En attendant, le jeune homme de 23 ans restera en détention.