« Nous ne sommes pas des mendiants ». Oscar Temaru a expliqué ce mardi lors d’une conférence de presse qu’il fallait refuser « l’aumône de 477 millions » obtenue par les sénateurs polynésiens pour les collectivités du Pacifique. Entouré d’Anthony Géros et Éliane Tevahitua il a aussi pris la défense de l’église protestante Maohi, accusée par le Tapura de déclarations mensongères ou partisanes lors de son dernier synode.
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« Nos sénateurs sont des mendiants, complices d’un gouvernement faible et avachi ». C’est le commentaire, pas tendre, du président du Tavini à propos de l’action de Teva Rohfritsch, et au passage de Lana Tetuanui. Lors de derniers jours très chargés de session parlementaire à Paris, le sénateur Tapura avait annoncé avoir fait adopter, avec son groupe RDPI, un amendement à la loi de finance rectificative de l’État. Un amendement qui débloque 477 millions de francs, à répartir entre les collectivités du Pacifique, pour le financement d’aides alimentaires aux ménages modestes. Une façon d’étendre l’effort de l’État de lutte contre la vie chère aux collectivités océaniennes, qui ne sont pas concernées par les mesures nationales. Mais pour le parti bleu ciel, c’est surtout une façon de plus d’être dépendant de la métropole. « Nous ne sommes pas des mendiants, monsieur le Sénateur, nous sommes un peuple fier et bientôt libre » écrit l’ancien président dans un communiqué.
Des subventions pour la « malbouffe »
Entouré de Tony Géros et Eliane Tevahitua ce matin, Oscar Temaru invite ainsi Teva Rohfritsch à « rencontrer les députés Tavini » – ce qui a déjà été le cas à plusieurs reprise, notamment le 24 juin, quelques jours après leur élection – et à soutenir avec eux « les différentes résolutions adoptées à l’ONU qui reconnaissent notre droit de souveraineté et de propriété sur les ressources » de la Polynésie. « C’est ça qu’il faut faire pour aider le pays » pointe Oscar Temaru. Le maire de Faa’a regrette en outre que les sommes de l’aide alimentaire, même faibles, serviront à acheter des « produits nocifs » importés dans les magasins. À cette « malbouffe », l’élu oppose une solution : le retour à la terre. Le développement de l’agriculture local, estime-t-il, fonctionnerait « s’il y avait une réelle volonté politique derrière ».
Le Tavini ne rejette toutefois pas toutes les aides d’État. Lors de la même conférence de presse, le Tavana de Paea Tony Géros a suggéré de « transformer la dette Covid en subvention eu titre de la solidarité ». Soit quelque 60 milliards de francs de dette à effacer. Une demande que le président du groupe bleu ciel à l’assemblée voudrait voir remonter « au plus haut niveau », comme celle qui concerne le remboursement des 100 milliards de francs de dépenses de la CPS pour les maladies radio-induites (la somme fait l’objet d’un travail d’estimation au sein de la caisse).
« Merci à l’église protestante maohi car c’est grâce à elle qu’on parle encore notre langue »
Autre point de discorde entre les partis bleu ciel et les rouge et blanc : les prises de position de l’église protestante maohi (EPM), depuis longtemps partisane de l’indépendance. Après le 137e synode de fin juillet, dont les recommandations attaquent directement le gouvernement d’Édouard Fritch, le Tapura était monté au front pour défendre le gouvernement sur l’enseignement du fait nucléaire, la politique financière, la protection des océans ou encore l’immigration. Un « acharnement » pour Oscar Temaru qui a préféré exprimer ses remerciements à l’EPM : c’est grâce à elle si « on parle encore notre langue aujourd’hui », estime-t-il.
À entendre l’ancien président, le Tapura est seulement à la recherche d’un bouc émissaire pour expliquer sa cuisante défaite électorale du mois de juin. Loi sur l’obligation vaccinale à laquelle certains membres du gouvernement ne se sot pas soumis, loi pour la protection de l’emploi locale non encore applicable, dette nucléaire toujours pas honorée par l’État… Le parti d’Édouard Fritch – qui aurait lui-même « perdu sa légitimité » le jour où il a « avoué devant tout un peuple qu’on lui a menti pendant 30 ans » – s’est « tiré une cartouche dans le pied tout seul ». « Vous croyez que la population est amnésique ? interroge le leader indépendantiste. La population a des yeux, des oreilles, un cerveau qui réfléchit également, et ils vont encore réfléchir l’année prochaine ».