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Air Tahiti : « Avant de monter sur ses grands chevaux M. Bouissou devrait discuter », dit Cyril Le Gayic

Cyril Le Gayic © Archives Radio 1

Le bras de fer entre Air Tahiti et le Pays fait réagir. Pour Cyril Le Gayic, le ministre en charge des transports interinsulaires Jean-Christophe Bouissou, qui a tenu un discours très ferme à l’égard de la compagnie, hier, fait erreur en entrant dans un rapport de force. Se rangeant résolument du côté de la direction, le chef de file de la CSIP, un des syndicats majoritaires d’Air Tahiti, invite le Pays au dialogue avec la compagnie et son personnel. Quant à la menace de création d’un transporteur concurrent, elle « n’est pas raisonnable », estime-t-il.

Hier, le ministre en charge des transports interinsulaires, Jean-Christophe Bouissou, avait fermement condamné la « décision unilatérale » d’Air Tahiti, de ne pas reprendre l’exploitation de certaines lignes déficitaires, faute de capacités financières. Parlant de « chantage » aux subventions publiques et de « prise d’otage » des habitants des îles, le responsable a « convoqué » le directeur général d’Air Tahiti Manate Vivish, accusé de rompre ses engagements quant à la reprise de la desserte des 48 îles du réseau.

Pour Cyril Le Gayic, ce bras de fer aurait pu être évité par de réelles discussions sur le financement de ces lignes déficitaires. “Ça fait longtemps qu’Air Tahiti met le sujet sur la table« , rappelle le syndicaliste, évoquant notamment les recours déposés depuis 2016 devant le tribunal administratif. Le secrétaire général de la CSIP, qui s’affirme comme syndicat majoritaire parmi le personnel d’Air Tahiti, dit « soutenir les décisions prises par la direction ». Et invite le ministre à prendre en compte les arguments de Manate Vivish.

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À l’entendre, donc, Jean-Christophe aurait dû, « avant de monter sur ses grands chevaux », discuter avec la direction d’Air Tahiti, mais aussi avec les représentants du personnel. « On est aussi concernés », insiste-t-il, rappelant qu’une bonne partie des salariés a consenti à des réductions de salaire et de temps de travail. S’y ajoute le projet de plan social dans la filiale Air Archipels, qui serait « en discussion en ce moment même ». Les syndicats et la direction travailleraient à des plans de reconversion ou de reclassement pour « un maximum de monde«  parmi la quinzaine de postes sur la sellette.

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Le ministre a pourtant fait des propositions concrètes, pour aider la compagnie privée à passer le cap de la crise : un tour de table des actionnaires ou, à défaut de participation des partenaires privés, une montée du Pays au capital. « Toutes les options financières sont envisageables », commente Cyril Le Gayic, qui rappelle tout de même que résoudre les difficultés de trésorerie d’Air Tahiti – le chiffre de 5 milliards de déficit est évoqué pour l’année 2020 – ne dispense pas de travailler sur la rentabilité des lignes.

Jean-Christophe Bouissou a aussi menacé, « en dernier recours », et si Air Tahiti ne reprenait une desserte minimale des 27 destinations aujourd’hui abandonnées, de proposer au gouvernement la création d’une compagnie domestique concurrente, en s’appuyant notamment sur Air Tahiti Nui. « Je ne pense pas que ça soit une solution raisonnable » tempère le syndicaliste. « Air Tahiti est déficitaire, je ne vois pas pourquoi une nouvelle société sortirait des bénéfices, estime-t-il. Le Pays sera derrière à subventionner ».

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Un commandant de bord appelle le Pays à « laisser Air Tahiti proposer des tarifs décents »

Autre réaction, même soutien de la direction. Dans une lettre ouverte très partagée sur les réseaux sociaux, William Toofa,  commandant de bord chez Air Tahiti, se dit « excédé » par le discours « électoraliste et démagogue » du ministre. Il interpelle entre autres sur les conséquences du manque de cadre réglementaire à la mission de service public d’Air Tahiti sur le prix des billets. Pointant l’inaction du Pays « depuis 2009 » pour régler la question, le salarié rappelle que ce sont les clients des lignes les plus fréquentées d’Air Tahiti qui financent, par péréquation interne, l’exploitation des lignes déficitaires. « Il est temps pour le Pays d’assurer entièrement la part financière de service public financée par notre clientèle, exhorte le salarié de la compagnie. Il est temps de laisser Air Tahiti proposer des tarifs décents à sa clientèle pour asseoir cette ‘économie polynésienne au sein des archipels’ que tous les acteurs du tourisme attendent ».