Après des complications dans la location du remorqueur de Koniambo Nickel, le port a reçu une « offre ferme » d’une autre société calédonienne, basée à Nouméa. Son navire, presque aussi puissant que le Aito Nui II, sera loué pour 6 mois et pour 200 millions de francs, le temps que le remorqueur du port autonome soit expertisé et réparé. Pas de précision, à ce stade, sur le coût de ce chantier. Pas de précision non plus sur les résultats de l’enquête interne menée par le port sur l’accident du 4 octobre dernier sur le récif de Hitia’a. Les affaires maritimes de l’État ont décidé de lancer leurs propres investigations dans ce dossier.
Quatre options étaient sur la table, l’une d’entre elles a été confirmée, ce mardi, au ministère des Grands Travaux. Jordy Chan, aux côtés de Jean-Paul Le Caill – dont il était l’adjoint voilà encore un an et demi à la direction du port -, a annoncé qu’une « offre ferme » avait été formulée par une société calédonienne pour louer au Pap un de ses remorqueurs.
La Société des remorqueurs calédoniens (Sora-Sorecal) avait dans un premier temps décliné la demande polynésienne, « par manque de disponibilité » de ses navires. Le port s’était donc tourné vers la SA Koniambo Nickel, au Nord du Caillou, et dont l’usine métallurgique est en sommeil. Les discussions avaient avancé, mais la licence du remorqueur ciblé, comme d’ailleurs certains certificats de l’équipage, ne permettaient pas d’emmener le bateau jusqu’au fenua et de l’exploiter localement en respectant le cadre règlementaire.
Le port avait donc lancé des perches tous azimuts, et notamment auprès d’une société locale de BTP, qui doit faire venir un remorqueur pour un chantier maritime, et d’un loueur australien dont un des navires devait faire escale à Tahiti sur le chemin du retour d’Amérique du Sud. C’est finalement la Sora-Sorecal, dont un des remorqueurs est depuis sorti d’une opération de maintenance, qui est revenu frapper à la porte du port et qui devrait se faire loueur pour six mois. Le temps des réparations du Aito Nui II, comme « l’espèrent » le ministre et le directeur du port.
Deux porte-conteneurs toujours susceptibles de ne pas pouvoir accoster
« Le port a trouvé une solution pour que ce remplacement se fasse le 10 décembre prochain, détaille Jordy Chan. D’ici là, les opérations de remorquage seront assurées par le remorqueur portuaire restant (le Aito Nui I, ndr), et par les deux pousseurs portuaires mis à disposition par la Marine Nationale (le Manini et le Maroe, ndr). Cela nous permet, d’après les prévisions d’escale des navires de faire accoster 14 des 16 navires qui sont prévus d’aujourd’hui au 10 décembre. Les deux autres pourront accoster si les conditions météorologiques sont favorables. »
Grâce à l’intervention de la Marine, seuls les porte-conteneurs de plus de 200 mètres souffrent de l’absence du Aito Nui II. Alors que deux d’entre eux ont annulé leur escale polynésienne ces dernières semaines, et qu’un autre avait dû patienter trois jours à l’extérieur de la passe de Papeete, pour que les conditions soient favorables pour une entrée, le gouvernement encourage donc les armateurs et importateurs à maintenir leurs rotations et leurs livraisons. Sans toutefois fournir de garantie : ce sont les pilotes du port qui valideront ou non la faisabilité des manœuvres d’entrée dans la rade et d’accostage lors de l’arrivée de ces deux grands navires.
L’État aussi veut des explications
Difficile pour l’instant de savoir combien cet épisode, qui a débuté le 4 octobre dernier, quand le Aito Nui II a heurté une patate de corail sur son retour d’Hitiaa, va coûter au port autonome. La location du remorqueur calédonien, à elle, seule, est estimée à 200 millions de francs, convoyage et équipage compris. Mais le coût des réparations n’a pas encore été évalué. Le navire polynésien, acheté en 2017 pour 800 millions de francs, doit être mis sur cale d’ici la fin de la semaine, et les experts internationaux mandatés par le port et les assurances sont « en train d’arriver » en Polynésie.
Quant au pourquoi de l’accident – improbable vu les équipements électroniques du remorqueur, la présence à bord de deux capitaines, et les dommages importants sur la coque et la quille du bateau – Jordy Chan et Jean-Paul Le Caill se montrent très peu loquaces. « L’enquête est en cours ». Ou plutôt les enquêtes. Car si le Pap a lancé des investigations en interne dès le retour du bateau – le directeur avait même fait sortir les ordinateurs de bord et déclaré mi-octobre que des « responsabilités personnelles » étaient recherchées – l’État cherche aussi des explications. Son service des affaires maritimes a donc informé le port qu’il lançait sa propre enquête.
Le ministre des Grands Travaux assure tout de même que le Pays et le port « tireront les conclusions » de cet accident et « prendront les décisions nécessaires ». Une de ces décisions est d’ores et déjà exclue : celle de se doter d’un troisième remorqueur portuaire pour éviter que l’indisponibilité d’un des deux Aito Nui ne trouble de nouveau la livraison du fret international, et donc l’activité économique. « En plus de 60 ans d’existence du port, c’est la première fois qu’un incident tel qu’il est arrivé survient », reprend Jordy Chan. Un troisième remorqueur devrait être immobilisé 99,9% du temps pour un investissement qui avoisinerait le milliard de francs. Et en plus de ça, il faudrait augmenter le nombre de marins qui permettrait de l’opérer. Aujourd’hui nous estimons que cet investissement ne serait pas pertinent au regard de son utilité. »
À noter que si les navires du port autonome n’avaient pas subi d’accidents majeurs jusque là, ça n’est pas la première fois que le service de remorquage est pointé du doigt. En 2019, un incident impliquant le Aito Nui avait eu lieu lors de la première tentative de réparation, puis de réinstallation, du Swac de l’Intercontinental Bora Bora Thalasso Spa. L’affaire fait l’objet d’un contentieux judiciaire potentiellement coûteux pour le port.