Quatre élus du groupe Tapura travaillent sur une proposition de loi visant à instaurer un étiquetage particulier sur les emballages de produits jugés trop sucrés, trop salés, trop gras ou trop caloriques. Le modèle est calqué sur celui du Chili, qui mène depuis 2016 une politique offensive face aux mauvaises habitudes alimentaires et aux maladies qui en découlent. Une présentation applaudie au Cesec.
Bientôt des gommettes en forme d’avertissement sur les bouteilles de sodas, les paquets de céréales, de chips, de sucreries ou de plats préparés ? C’est l’idée des élus du groupe Tapura Cathy Puchon, Simplicio Lissan, Pascale Haiti-Flosse et Tepuaraurii Teriitahi. Ils mûrissent une proposition de loi, présentée ce jeudi au Cesec.
Une mesure de prévention
L’idée n’a rien de révolutionnaire, « c’est une petite rivière, une action parmi tant d’autres, pour lutter contre la malbouffe et l’obésité », souligne Tepuaraurii Teriitahi. Et ce, alors que 70% de la population adulte est en surpoids, et que 45% des Polynésiens présentent des risques importants de développer du diabète, des maladies cardiovasculaires ou certains cancers, en raisons de leur mauvaise hygiène de vie. Ces statistiques ne sont pas sans conséquences pour les caisses du Pays : 43 milliards de francs de dépenses de santé sont imputables à l’obésité et aux maladies qui en découlent.
Alors que le ministre des Finances projette d’augmenter la TVA à 16% sur les produits sucrés en 2025, et que son homologue de la Santé invite à « repenser le système », via l’embauche de « coachs » spécialisés dans la santé, l’alimentation et le sport, la proposition des autonomistes veut « faire réfléchir les gens ». En s’inspirant du modèle chilien, pays qui mène une intense politique de lutte contre l’obésité, il s’agit d’apposer des étiquettes directement sur les emballages.
Des seuils à ne pas dépasser
Quatre gommettes sont prévues pour les produits trop gras, trop sucrés, trop salés et trop caloriques. Une appréciation déterminée selon un seuil à ne pas dépasser, là encore en suivant la politique chilienne. Trois niveaux figurent dans la proposition de loi. Si les plus drastiques sont adoptés, un produit contenant au mois 10g de sucre pour 100g devra être étiqueté. Même chose pour un produit contenant 400 mg de sel, 4g de graisse saturées ou 275 kilocalories. Ces limites sont aussi définies pour les produits liquides, sur la base de 100 ml : pour éviter l’étiquetage, il faudra compter moins de 5g de sucre, de100mg de sel, de 3g de graisses et de 70 kcal. Les produits ne respectant pas plusieurs de ces taux pourront se voir apposer autant d’estampilles que nécessaire, sur la face avant du packaging, pour contrer l’usage marketing qui veut que les composants soient affichés au verso.
Au Chili, cette mesure votée en 2016, accompagnée d’autres décisions fortes notamment sur la publicité, a permis de faire baisser de 27% l’achat de produits riches en sucre, de 36,7% l’achat de ceux à haute teneur en sel et de 23,8% les achats de produits riches en matières grasses. Plus efficace que le « Nutriscore » européen, trop limité selon les élus.
Une mesure non chiffrée, mais des économies espérées pour la CPS
Si la proposition a suscité l’enthousiasme au Cesec, le représentant du Syndicat des industriels (SIPOF), Jean-François Benhamza, a posé la question du coût de cet étiquetage, qui impactera selon lui les importateurs et distributeurs, et donc in fine les consommateurs. Les porteurs de la proposition ont reconnu ne pas l’avoir chiffré. La conseillère Maiana Bambridge a de son côté fait remarquer que l’utilisation d’étiquettes existait déjà dans le circuit de la grande distribution, notamment pour traduire en français certains produits venus de l’étranger. Tepuaraurii Teriitahi s’est dit « consciente de l’impact financier » et a expliqué vouloir traiter avec le gouvernement pour un accompagnement « par exemple en finançant les étiquettes ou la main d’oeuvre ». De son côté, Patrick Galenon a sorti sa calculatrice. Avançant un recul de l’obésité de 3% au Chili, il a affirmé que de tels chiffres ramenés au fenua permettraient de faire une économie de « 2,5 milliards ». Quoi qu’il arrive, des consultations seront lancées avec la CCISM, les industriels, la FGC ou les professionnels de santé, pour tenter de faire aboutir cette proposition, ont assuré les élus.