La Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer a rassemblé à la présidence les différentes associations et structures qui luttent pour aider les malades et leurs proches. 17% des personnes de plus de 75 ans sont touchées. Le ministre de la Santé Cédric Mercadal a annoncé une meilleure prise en compte de cette maladie dans le prochain Schéma d’organisation sanitaire, et le remboursement de certains médicaments pour soulager les malades.
Les acteurs de la lutte contre cette maladie neuro-dégénérative étaient réunis samedi matin à la présidence, l’Association Polynésie Alzheimer en tête, pour célébrer avec un peu de retard (la date officielle est le 21 septembre) la Journée mondiale dédiée, en présence de son ancienne présidente, Teave Chaumette, aujourd’hui élue à l’assemblée de la Polynésie, et de sa présidente actuelle Yolande Chevouline. Mieux faire connaître la maladie, faire connaitre les acteurs publics et privés qui viennent en aide aux malades et à leurs aidants familiaux, notamment en dispensant des formations, insister auprès des pouvoirs publics pour faire comprendre l’importance et l’urgence de l’action alors que la population du fenua vieillit, étaient les objectifs principaux de cette réunion.
Première cause d’entrée en institution des personnes âgées
Le médecin gériatre Sandra Jourdaa a fait une présentation de cette maladie pour l’instant irréversible, qu’on a longtemps confondue avec le processus naturel de vieillissement. Mais la maladie d’Alzheimer – du nom du médecin allemand qui l’a diagnostiquée pour la première fois dans les années 1890 – n’a véritablement été caractérisée que dans les années 80, dit-elle, et sa connaissance a fait de gros progrès dans les 15 dernières années. C’est aujourd’hui la première cause de troubles cognitifs progressifs, et la première cause d’entrée en institution des personnes âgées. Sauf qu’en Polynésie, si les malades ou leur famille n’ont pas les moyens de s’offrir une place dans une structure privée, ils sont condamnés à rester à domicile. « Un véritable problème de santé publique », avec selon l’Organisation mondiale de la santé un doublement du nombre de malades tous les 20 ans. En Polynésie les derniers chiffres connus datent de 2014, lorsqu’on recensait 200 cas et 210 troubles apparentés, mais le médecin estime que la maladie est largement sous-diagnostiquée.
10 ans d’espérance de vie en moyenne
Les symptômes surviennent généralement après 65 ans mais les premiers signes de l’atrophie du cerveau – plaques amyloïdes entre les neurones et accumulation anormale dans les neurones d’une protéine qui entraine leur dégénérescence et leur mort – s’observent parfois une quinzaine d’années avant le déclenchement visible de la maladie. L’espérance de vie est ensuite d’une dizaine d’années. Une dizaine d’années difficile à vivre pour le patient, mais aussi pour son entourage. Aux premiers troubles cognitifs légers, comme des pertes de mémoire, s’ajoutent ensuite des troubles du raisonnement, comme la difficulté à organiser son quotidien ou à se repérer dans le temps, puis des troubles du comportement, du langage et des gestes, qui s’accompagnent souvent d’anxiété et de dépression, mais aussi de comportement obsessionnels ou d’apathie, voire d’hallucinations.
Le Dr Jourdaa insiste sur la nécessité de pratiquer des examens cliniques complets dès les premiers symptômes, notamment pour éliminer d’autres causes possibles, comme une tumeur cérébrale, un diabète mal équilibré ou des micro AVC chez les hypertendus. Une « consultation mémoire » faisable en hospitalisation de jour au CHPF et remboursée à 100% est également recommandée. Ces bilans doivent être faits, insistent les professionnels, en présence des aidants de la personne pour être certain que l’état du malade est bien compris et les soins bien anticipés.
Il n’existe pas de remède à la maladie d’Alzheimer, mais de nouvelles molécules se montrent prometteuses pour inhiber la progression des lésions du cerveau et stabiliser ainsi le patient. D’autres traitements à visée comportementale – antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères – peuvent également être nécessaires, ainsi que des traitements non médicamenteux, comme l’orthophonie oula psychomotricité. Enfin, car les structures d’accueil sont rares au fenua, les aidants familiaux peuvent se former, comme par exemple au CFPA, ou se faire relayer par des services d’aide à la personne.
Un grand retard à rattraper
Le Pays, représenté ce samedi par le ministre de la Santé Cédric Mercadal, qui a confié que sa famille est confrontée elle aussi à cette pathologie, veut se saisir du problème, notamment par une meilleure prise en compte de la maladie et ses conséquences dans le prochain schéma d’organisation sanitaire. La Polynésie doit se doter de structures adaptées, dit Cédric Mercadal.
Le ministre prévoit de rendre éligible au remboursement les médicaments les plus récents, qui « permettent de perdurer plus longtemps dans un état correct ». Il reconnaît aussi le retard pris par le Pays – l’hôpital n’a toujours pas de service de gériatrie.
Le Pays subventionne l’association Polynésie Alzheimer et continuera de le faire, assure le ministre, « parce que c’est de la prévention de terrain, ce sont eux qui font tenir les choses, qui soutiennent les familles, et pour la plupart ce sont des bénévoles qui ont connu cela, ils font un travail magnifique. »
Parmi les partenaires de Polynésie Alzheimer présents ce samedi, citons l’association de soins palliatifs Mania Te Miti, l’Association polynésienne d’aide à la personne, SOS Suicide, Tutelger, le collège des psychologues de Polynésie française, l’Association polynésienne de psychomotricité, l’Association des diététiciens de Polynésie française, l’Institut Synapse, les services de soins à domicile, ou encore le CFPA, qui offre des formations de deux semaines pour les aidants. Dernier partenariat en date, celui conclu avec Taputea Ora, l’association pour la santé mentale.