TROUBLES DU COMPORTEMENT ALIMENTAIRE – Une étude de l’Inserm démontre le rôle d’une protéine bactérienne dans la régulation de l’appétit.
Dérèglement de l’alimentation. Et si les troubles du comportement alimentaire étaient liés à une bactérie intestinale ? Jusqu’ici résumés à des troubles psychiques, l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie (épisode de crise à répétition qui se distingue de la boulimie par l’absence de contrôle du poids) pourraient être mieux compris et donc mieux soignés à l’avenir. Une étude de l’Inserm publiée mardi dans la revue Translational Psychiatrydémontre en effet le rôle d’une protéine bactérienne dans la régulation de l’appétit.
Les explications du professeur Pierre Déchelotte à écouter à partir de 1’38 :
Copie conforme de l’hormone de satiété. Des chercheurs de l’Inserm/Université de Rouen) travaillent depuis des années sur les rapports entre l’intestin et le cerveau. Et ils viennent d’identifier une protéine qui s’est révélée être le sosie parfait de l’hormone de la satiété, appelée aussi la mélanotropine. Son nom de code ? ClpB.
Des informations fausses au cerveau. Cette protéine est fabriquée par certaines bactéries comme Escherichia coli qui sont naturellement présentes dans notre flore intestinale. Normalement, l’organisme produit des anticorps contre cette protéine. Mais ces anticorps « vont aussi se lier à l’hormone de la satiété du fait de son homologie de structure et donc modifier l’effet satiétogène de l’hormone », précise l’Inserm dans son communiqué.
Conséquence ? Notre cerveau enregistre des informations contradictoires. « Cette protéine trompe notre système immunitaire », explique à francetvinfo le professeur Pierre Déchelotte. « Cela renforce le sentiment de satiété dans le cas de l’anorexie ou de faim dans le cas de la boulimie », poursuit-il.
Des thérapies spécifiques. Grâce à cette découverte, va-t-on vers une meilleure prise en charge de l’anorexie et de la boulimie ? « Nous travaillons actuellement au développement d’un test sanguin basé sur la détection de la protéine bactérienne ClpB. Si nous y arrivons, il permettrait la mise en place de thérapies spécifiques et individualisées des troubles du comportement alimentaire », précisent Pierre Déchelotte et Sergueï Fetissov, les deux auteurs de l’étude. Les chercheurs effectuent par ailleurs des tests sur les souris afin de savoir s’il est possible de neutraliser la fameuse protéine bactérienne.
Une meilleure prise en charge possible, donc mais qui ne prétend pas tout régler. « ‘Il ne faut pas oublier que ces pathologies sont aussi associées à des troubles psychologiques qu’il faut prendre en compte », rappelle Sergeï Fetissov. Selon les spécialistes, l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie – touchent de 5 à 10 % de la population générale. Une proportion qui atteindrait même 15 à 20 % des adolescents et des adultes jeunes.