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Antony Géros, à l’affût du gouvernement : « On attend de voir venir »

©CP/Radio1

Antony Géros était l’Invité de la rédaction de Radio1 ce mardi. Le président de l’assemblée de la Polynésie française exprime des regrets sur la manière dont a été adoptée la loi fiscale en fin d’année dernière. L’expression « éléments de langage » revient souvent dans sa bouche, que ce soit sur les dissensions avec l’exécutif, les propos « borderline » de certains membres de l’assemblée ou les alliances de circonstance avec des pays peu recommandables, comme si la langue de bois était la panacée. Le prochain face-à-face entre majorité et gouvernement, ce sera sur les réformes de la PSG et de la fiscalité et malgré le discours policé, Antony Géros est clairement prêt à toutes les éventualités.

Il l’avait dit dès qu’il etait remonté au perchoir en mai 2023 : Antony Géros affirmait la primauté du législatif sur l’exécutif, et la déclaration n’était pas passée inaperçue dans un pays habitué à un régime ultra-présidentiel. « Effectivement, c’est de cette institution que découle tout le reste, le président du Pays, son gouvernement… » dit-il. Un président de l’assemblée sûr de son fait, qui s’est présenté comme le gardien de l’orthodoxie Tavini, mais à la tête d’une majorité composée de nouveaux venus inexpérimentés, face à un président du Pays tout aussi sûr de lui mais également à la tête d’un gouvernement de débutants, la formule promettait du spectacle. On l’a vu lors de l’adoption aux forceps de la loi fiscale, en fin d’année dernière : le texte avait été amendé en commission puis retiré, le temps d’un lavage de linge sale en famille mais aussi en public, puis présenté à nouveau avec des amendements similaires signés cette fois du gouvernement… La méthode vaut à Antony Géros un recours en Conseil d’État. « Je regrette cette dissonance qu’il y a eu entre le gouvernement et le ministre de l’Économie et du Budget et la commission, et parce que nous aurions dû nous entendre sur les éléments de langage, dit aujourd’hui Antony Géros. Malheureusement, il y a une prise de position de part et d’autre, d’ailleurs assez rigide, qui fait que la majorité qui m’accompagnait n’a pas pu être solidaire de la proposition faite par le gouvernement. Et je regrette vraiment ce qui s’est passé et le risque que ça fait encourir. Parce qu’effectivement on est toujours en attente d’une décision qui risque d’être préjudiciable à l’assemblée. »

Antony Géros regrette aussi la manière dont a été supprimée la « TVA sociale ». Il répète qu’il ne l’aurait pas fait « si précipitamment », et déplore surtout l’approche parcellaire du gouvernement : « On est venu devant nous avec non pas une réforme fiscale, mais avec un patchwork, des petites mesures pour essayer de renflouer, d’ailleurs on n’est pas arrivé à renflouer 9 milliards et c’est la raison pour laquelle je déplore cette précipitation. »  Et aussi parce que le « matelas fiscal » qui a amorti les derniers mois est réduit à peau de chagrin.

Réforme de la PSG et réforme fiscale : l’assemblée sur la réserve

En avril débutera la session administrative au cours de laquelle sont attendues les réformes de la Protection sociale généralisée et de la fiscalité. Antony Géros se refuse à parler des orientations qu’il aimerait voir sur ces sujets : « On va attendre le séminaire qui doit se tenir dans deux semaines, il y aura la journée des perspectives économiques à laquelle nous allons assister. Ensuite, à l’assemblée, de manière plus politique, nous allons prendre nos positions par rapport à ce que le gouvernement va nous présenter. » On ne peut pas dire que la confiance règne.

Une motion de défiance ? « C’est pas le but », mais « on verra bien »

Alors que l’idée d’un remaniement ministériel fait son chemin, on se souvient qu’Antony Géros déplorait l’an dernier de ne pas avoir été consulté sur la composition du gouvernement. Mais ce n’est « pas vraiment » le cas cette fois-ci non plus, dit-il, « on attend de voir venir. » Quant aux rumeurs de motion de défiance, le président de l’assemblée minimise : « C’est de l’incompréhension, on peut pousser des coups de gueule, mais ce n’est pas pour autant qu’on va déposer une motion de censure. Oui, on a 38 élus et quelques petits collègues de la minorité. Ça pourrait se faire, mais c’est absolument pas le but. »

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Et qui, si une motion était tentée, mettre sur le siège de chef du gouvernement (le statut impose que la motion comporte le nom du président suivant) ? Une personnalité placée tout en haut de l’assemblée ? « Peut-être tout en haut de l’assemblée, ou même au milieu, ou même en bas de l’assemblée, répond Antony Géros, on ne sait pas trop. On verra bien. »

Parce que ce n’est pas si simple. La majorité Tavini à l’assemblée compte 3 politiciens chevronnés et 35 novices. « On essaie de les accompagner dans leurs interrogations, sur ce qu’ils peuvent faire, ce qu’ils ne peuvent pas faire. Parce que quand on donne du pouvoir à quelqu’un qui en abuse… des fois c’est pas qu’ils en abusent, mais sans se rendre compte qu’à chaque fois, ne serait-ce que quand ils interviennent, ils sont borderline. On a besoin de leur apprendre le métier. »

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Avec les changements apportés au règlement intérieur, Antony Géros a clairement voulu imprimer sa marque. La limitation du temps de parole du gouvernement et du rapporteur lors du débat budgétaire ? « Oui, parce que bon, on est là effectivement pour écouter, mais pas pour s’écouter. Et on a le temps nécessaire pour laisser place au débat. » Les comptes-rendus des travaux de commission qui doivent être plus détaillés ? « Effectivement, nous avons constaté qu’il y avait des comptes-rendus qui étaient assez limités dans l’explication du débat ». Une façon aussi de demander aux élus d’assumer leurs propos ? « C’est exactement ça. »

Décolonisation : une commission « club privé » et des accointances douteuses

La commission de décolonisation nouvellement créée, elle, a un règlement particulier : son président, Antony Géros, peut demander le huis clos et dans ce cas c’est lui qui décide qui reste dans la salle ou pas. Ce qui fait dire à l’opposition qu’il a créé un club privé dont il est le videur. « C’est une contestation qui vient de l’opposition, mais qui ne veut pas siéger. Alors bon, il faut savoir ce qu’ils veulent. » Que va penser l’ONU de cet exercice démocratique ? « Ce que souhaite l’ONU, c’est d’avoir un élément de langage qui soit incontestablement issu d’une majorité démocratique, répond Antony Géros, puisque c’est ce qui va être imprimé dans le projet de résolution que nous allons soumettre au président du Pays. » Faut-il continuer à faire miroiter un processus d’accession à l’indépendance que la majorité des anciennes colonies n’a pas utilisé, ce qui est rarement expliqué à la population ?  « L’ONU, à travers ses résolutions, construit quand même le droit international » répond Antony Géros qui espère voir la France « amorcer le dialogue » au prochain séminaire du Comité des 24, le 15 mai à Caracas.

L’assemblée de Polynésie est également membre de l’assemblée parlementaire de la Francophonie, qu’on peut qualifier d’instrument du soft power tricolore. Le maître de Tarahoi y voit simplement un forum international de plus, composé de pays qui ont la particularité d’utiliser le français, « mais c’est pas pour autant que vous en faites la promotion. » La preuve, « l’Azerbaïdjan veut intégrer la francophonie. » L’Azerbaïdjan, destination que plusieurs membres du Tavini ont récemment découverte, car il était jusqu’en janvier à la tête des pays non-alignés dont le Tavini demande le soutien à l’ONU. Bakou, critiquée par Paris pour ses incursions militaires chez ses voisins, en a profité pour médiatiser des contre-vérités sur la relation entre la Polynésie et la France. « On est assez grands pour prendre nos décisions », rétorque Antony Géros, pour qui la fin justifie clairement les moyens.  On verra donc sans doute des membres du Tavini prochainement en Ouganda, qui a pris la tête du mouvement des non-alignés, et dont le titre de gloire le plus récent est d’avoir instauré la peine de mort pour les homosexuels.