Le remorqueur du port autonome pourrait être immobilisé plusieurs mois. Or il est indispensable à la manœuvre des plus gros cargos qui entrent dans la passe de Papeete. Après les péripéties du Cap Jervis, resté au large trois jours, deux autres gros porteurs ont décidé de sauter l’étape de Papeete, empêchant la livraison d’une grande quantités de marchandises, y compris des produits frais. Une première solution alternative a été trouvée par la CMA-CGM, avec un délai. Mais les distributeurs s’inquiètent tout de même de leur approvisionnement pour les fêtes.
Début octobre, le Cap Jervis, ses 264 mètres et ses 300 conteneurs destinés au fenua, avait dû attendre trois jours au large de Papeete avant d’enfin pouvoir entrer dans la rade. En l’absence du Aito Nui II, le plus moderne des deux remorqueurs du port autonome, ce sont des navires de la Marine, le Maroa et le Manini, beaucoup moins puissants, qui avaient dû prêter main forte au vénérable Aito Nui. Une manœuvre difficile dans cette configuration, plusieurs fois reportée à cause de la météo, mais qui avait pu être menée à bien. Le Seattle Express, lui n’aura pas cette chance. Comme l’a appris Polynésie la 1ere, cet autre porte-conteneur, encore plus imposant avec ses 294 mètres a tout simplement annulé son escale du 16 octobre à Papeete : le Aito Nui II est toujours en panne, et le port ne peut tout simplement pas lui garantir un accostage en sécurité. « Avec cette taille, c’est impossible, même en condition parfaite », souffle-t-on sur les quais.
Une alternative trouvée par CMA-CGM
Chez les importateurs et distributeurs du fenua, c’est l’inquiétude : le port autonome, toujours en attente d’expertise, ne peut pas dater le retour en service de son remorqueur qui doit bientôt être monté sur cales pour analyse. « On nous parle de plusieurs mois », explique un professionnel, qui, comme d’autres sait la période critique. Les magasins et entreprises attendent d’être livrés pour le Black Friday, Noël et plus généralement pour la période de fin d’année toujours très porteuse sur le plan commercial. L’annulation de l’escale du Seattle Express n’est pas isolée : le Mate et ses 228 mètres, attendus début novembre, a lui aussi annoncé qu’il ne passerait pas à Papeete, pour cette rotation, et jusqu’à nouvel ordre.
Des centaines de conteneurs, transbordés depuis l’Asie ou remplis directement en Nouvelle-Zélande, et dont certains accueillent des produits frais, attendent donc d’être embarqués à Tauranga ou Auckland. La CMA-CGM, plus gros transporteur de fret desservant le fenua, a annoncé à ses clients avoir trouvé une solution alternative : un autre bateau, plus petit, devrait rejoindre Papeete le 6 novembre. Le Sofrana Surville ne mesure « que » 143 mètres, son accostage devrait donc pouvoir être géré par les remorqueurs en activité. Et il devrait emporter une bonne partie du stock de conteneurs « en souffrance ».
Pas de visibilité et peu de communication du port autonome
Une solution de secours saluée par le Medef, mais qui ne règle pas le problème de fond. Dans une lettre officielle à la présidence – la deuxième en trois semaines – l’organisation patronale dénonce d’abord le silence du port, qui ne communique qu’a minima vers les entreprises et n’offre « aucune visibilité » au monde économique. Surtout, les patrons s’interrogent sur le « manque d’anticipation » de l’établissement public.
« On s’étonne que le port autonome n’ait pas de plan pour remplacer ses remorqueurs, dont un a plus de 20 ans, et peut nous lâcher à tout moment », précise un cadre de l’organisation. La crainte, c’est que ces perturbations perdurent, désorganisent l’approvisionnement du fenua, et, au final, aient des conséquences sur l’activité économique. « Ça a déjà commencé », précise un distributeur. Cinq gros bateaux doivent normalement approvisionner la Polynésie d’ici la fin d’année. Deux ont déjà été annulés. « Et il suffit qu’il y ait des mauvaises conditions pour qu’un autre saute l’escale », précise-t-on au Medef.
Et le creusement de la passe ?
D’où l’autre question, là encore posée au gouvernement, et là encore sans réponse : à quand un élargissement de la passe de Papeete pour permettre des entrées dans la passe plus aisées et des tailles de bateaux plus importantes ? « Les études devaient être menées en 2024 et 2025, pour des travaux d’ici 2026 ou 2027, on ne voit rien venir et on a aucune info », précise un responsable patronal. Si le directeur du Port autonome assurait en début d’année que le chantier était toujours au programme, le président Moetai Brotherson lui, avait émis des doutes, y préférant un système de transbordement et d’armateur public depuis la Nouvelle-Zélande… Une alternative mise sur la table à la mi-2023, et qui n’a plus été discutée publiquement depuis lors.