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Après la brèche de leur monopole, les architectes locaux interpellent le Pays

Le conseil de l’Ordre des architectes de Polynésie a officiellement réagi à la décision du Conseil d’État qui estimait que les professionnels extérieurs pouvaient exercer ponctuellement dans le pays. Seulement « pour assurer certaines phases et sous certaines conditions », et sous le « contrôle » de l’ordre, rappellent les représentants des cabinets locaux, en bataille depuis des années contre les intervention d’architectes métropolitains qui auraient « montré leurs limites ». Il serait donc urgent pour l’ordre de faire aboutir la loi du Pays qui doit moderniser le droit local… et solidifier son monopole.

Les architectes polynésiens comptent bien garder la main sur les projets locaux. C’est le sens du communiqué diffusé cette semaine par le bureau du conseil de l’Ordre des architectes de Polynésie. Un texte qui fait suite à la décision du Conseil d’État du 24 juillet qui semblait faire vaciller le traditionnel monopole des cabinets du fenua sur les projets locaux. Les juges parisiens, saisis dans l’affaire du marché de la construction de la future cité judiciaire à Vaiami, avaient estimé que les architectes métropolitains pouvaient exercer « ponctuellement » sur le territoire, et donc répondre à des appels d’offres sans mandataire local.

Le Conseil d’État, constatant un zone grise dans la règlementation du Pays, avait pour cela dû se référer à des textes des années 40, les seuls à régir clairement, en Polynésie, les possibilités d’intervention d’architectes extérieurs. Mais la juridiction suprême explique aussi, comme le relèvent les architectes locaux qu’il est, selon ces mêmes textes « bien de la responsabilité de l’Ordre des architectes de Polynésie française d’exercer un contrôle sur l’intervention ponctuelle d’un architecte métropolitain ».

Les interventions métropolitaines « ont montré leurs limites »

Or le conseil de l’ordre n’est bien sûr pas favorable à ces « interventions opportunistes et ponctuelles de professionnels extérieurs ». « Les architectes locaux œuvrent quotidiennement au développement du pays dans des conditions parfois difficiles notamment au regard des difficultés grandissantes lors de l’instruction des permis de construire », rappelle le communiqué. Permis de construire qui doivent, comme le précise le Code de l’aménagement, bien être signés par un architecte inscrit au tableau de l’ordre local. Preuve que le monopole est loin d’être balayé par cette décision.

« L’intervention ponctuelle d’un architecte de métropole n’est donc possible que pour assurer certaines phases et sous certaines conditions », continue le bureau du conseil de l’ordre. Qui juge que ces interventions ponctuelles « ont largement montré leurs limites », citant, « la qualité de certains projets, pour beaucoup avortés ces 10 dernières années », ou l’impact sur « l’emploi local » au profit « de professionnels métropolitains ayant déjà accès à un marché européen quasiment illimité ».

Une loi, et vite

Mais plus que de préciser les effets de cette décision, le bureau du conseil de l’ordre a voulu interpeller le Pays. « Le Conseil d’État lors des échanges en séance, a bien rappelé la compétence du Pays en la matière et la nécessité de créer une loi de Pays adaptée pour ne pas voir subsister un texte ancien datant de plus de 80 ans » écrivent les représentants des architectes locaux.

Le texte, qui était déjà en préparation sous la mandature d’Édouard Fritch, et qui a été repris par le gouvernement Brotherson, doit donc être adopté et « mis en place rapidement ». « Cela permettra enfin de moderniser un texte datant du 31 décembre 1940. L’emploi et le cadre de travail des professionnels seront ainsi protégés et sécurisés, tout en apportant davantage de garanties aux consommateurs sur la qualité des constructions dans le contexte local » , assure le conseil.