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Après Teahupo’o, la tour des juges enflamme Tarahoi


L’assemblée étudiait ce matin un projet de loi qui doit permettre d’accélérer les travaux dans le lagon du PK0. L’occasion pour le Tavini de pointer que c’est Édouard Fritch et son exécutif qui avaient refilé à la majorité actuelle cette « patate chaude » à « 500 patates » et qui seraient donc à l’origine de toutes les difficultés actuelles sur le dossier. L’ancien président, accusant en retour le camp indépendantiste de « gémir » plutôt qu’agir et d’utiliser cette tour pour « semer la zizanie », a trouvé un soutien inespéré en la personne d’Oscar Temaru, qui a appelé ses troupes à arrêter à la polémiques pour relever le défi des Jeux olympiques. 

En plus de trois mois de polémique sur la tour des juges, le débat avait eu lieu entre Teahupo’o, Paris et la présidence, dans la presse locale ou internationale, mais ne s’était que très peu exporté vers l’assemblée. Ça a été le cas ce lundi matin, en séance plénière, à l’occasion de l’étude, à Tarahoi, d’un projet de loi qui vient « réajuster » les moyens du Pays autour de ce projet. Le texte a surtout pour objectif d’accorder au chantier de la tour des dérogations aux règles de marchés publics. L’idée est d’éviter de nouveaux appels d’offres ou des temps de pause dans les travaux qui, après les essais de la semaine dernière, doivent commencer « au plus vite » dans le lagon du PK0. Il s’agit donc ne pas risquer de mettre en danger le planning de construction, déjà rendu très serré par les protestations et les accidents sur le platier. Mais plus que sur ces arrangements juridiques, les débats ont avant tout porté sur la responsabilité de l’imbroglio actuel.

Tour « hors normes, « hors de prix », « tour infernale », « digne de Jurassic Park »

Malgré les appels aux discussions « sereines » et « de paix » formulés par le gouvernement en début de séance – esprit de Noël oblige – c’était bien le Tavini qui était à l’offensive. Avec un objectif : rappeler que lors de la prise de pouvoir de la majorité bleu ciel, Teahupo’o avait déjà été sélectionnée pour les JO depuis plus de trois ans, et la tour en alu était « déjà en construction ». Et que le Tapura devrait donc assumer seul la responsabilité de « cette tour hors norme et hors de prix », « cette structure métallique digne de Jurassic Park avec ses fondations gigantesques que ne peut supporter le platier de Hava’e », cette « tour infernale » comme la décrit la rapporteure Tavini Odette Homai.

Les bleus ciels avaient concertés leur offensive, reprise par Heinui Le Caill ou Maurea Maamaatuaiahutapu. Des élus qui dénoncent une « opacité organisée » sous la précédente mandature autour d’une projet « mal préparé » et menée « dans la précipitation », une « vraie patate chaude », à « 500 patates », le manque d’écoute des « solutions alternatives » mises sur la table… « Nous voilà à devoir valider une énième modification de loi pour favoriser un projet initié par les rouges, éloigné de nos identité et de notre âme, lance la présidente de la CCBF, qui n’hésite pas à tracer un lien avec le fait nucléaire. Avons-nous le droit de souiller les entrailles de notre fenua pour quelques pièces et quelques jours de faste, hypothéquant l’avenir de nos enfants ? ».

« Vous pouvez arrêter les jeux, pourquoi vous ne le faites pas ? »

Un long réquisitoire balayé par l’opposition Tapura. D’abord du côté de Teura Iriti qui parle d’un gouvernement qui « avance à l’aveugle », peine à prendre des décisions pour sauver une épreuve olympique pourtant soutenue par la population. Mais c’est Édouard Fritch, principale cible des critiques du Tavini qui répondra le plus longuement : « J’ai envie de vous rappeler que vous êtes au pouvoir, vous rappeler que vous êtes maître de la situation, qu’il faut arrêter de gémir, de chercher la mort du petit rouge… Vous ne faites que cela : trouver des bobos, trouver tout ce qu’on peut reprocher au gouvernement Tapura, parce que vous êtes incapables de prendre la moindre décision, tacle le chef de file Tapura. Vous avez la possibilité d’arrêter les Jeux, pourquoi vous ne le faites pas ? D’autres communes sont déjà prêtes à prendre notre relève. Pourquoi vous ne le faites pas ? »

Pour l’ancien président, la réponse est simple : le gouvernement Brotherson et la majorité Tavini, malgré les apparences, connaissent les intérêts de l’organisation olympique au fenua. « Un opportunité qui ne se présentera qu’une seule fois », comme le montre le refus du Los Angeles 2028 d’exporter ses épreuves vers Hawaii, et une opportunité justement, de « de rappeler au monde que la Polynésie est le berceau du surf » détaille le chef de file autonomiste. Mais à l’entendre, le Tavini cherche à « semer la zizanie » et la « division » à des fins purement politiques.

La ministre des Sports Nahema Temarii, interpellé dans son rôle au sein du comité Paris 2024 avant d’entrer au gouvernement – elle était « seulement prestataire de service » en communication, sans « accès aux différents éléments du dossier » – a quant à elle précisé, comme l’avait déjà fait Moetai Brotherson, que l’abandon de l’épreuve des surf représenterait « des pénalités financières qui viendraient augmenter le budget ». Un changement site équivaudrait à « prendre l’argent du peuple et du pays et financier cette même organisation ailleurs, ça n’aurait pas de sens » explique-t-elle. Une analyse contestée par l’opposition, mais une solution, quoiqu’il arrive, voulue par personne dans l’assemblée.

« Le corail, ça repousse »

Dans cette contre-offensive, Édouard Fritch va trouver un allié plutôt inattendu en la personne d’Oscar Temaru, qui remercie, devant l’assemblée, l’ancien gouvernement autonomiste pour l’organisation de cette épreuve de surf olympique. « La polémique n’a plus sa place dans le débat que nous avons à organiser. Les Jeux c’est dans 6 mois » a-t-il rappelé, expliquant que ni un camp politique ni les associations n’ont le « monopole du cœur » : « Nous aimons tous notre pays ». Le leader indépendantiste reconnait des « difficultés », rappelle que d’autres projets, comme celui de l’aéroport de Faa’a, dont les travaux ont détruit beaucoup de fonds marins et privé la commune d’accès au littora,l ont eu beaucoup plus d’impact que la tour. « Le corail, ça repousse, ayons le courage » d’avancer, précise-t-il en reo.

La majorité Tavini avait quoiqu’il arrive prévue de voter le texte – mais « le cœur lourd » pour Heinui Le Caill – et accorder les dérogations aux règles de marché public à la tour. Au total, l’épreuve de surf des Jeux Olympiques de 2024 devrait représenter un investissement de 3,561 milliards de francs pour le Pays, en comptant les travaux de la marina de Teahupo’o et les nouveaux aménagements de bord de mer à la Presqu’île, auxquels s’ajoute 815 millions pour l’État et 1,1 milliard de coût de fonctionnement.

Un coût qui peut paraître « effarant » reconnait  Nahema Temarii, qui se dit toutefois plus choquée par le projet de centre aquatique d’Aorai « à 8 milliards » qu’elle a écartée pour Tahiti 2027. « Mais il ne faut pas oublier que c’est de l’économie circulaire : c’est de l’argent que nous investissons dans notre économies », avec, par exemple, quatre entreprises locales qui sont bénéficiaires du marché de la tour. Les retombées locale de l’organisation sont, elles, toujours chiffrées à plus de 1,2 milliard de francs pour les prestataires de transport, d’hébergement et les collaborateur embauchés pour les compétitions toujours programmées fin juillet.

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