Une affaire d’escroquerie à particulièrement occupé le tribunal ce mardi. Il s’agissait d’un septuagénaire qui, se faisant passer pour un négociant de perles, achetait des lots à des producteurs sans que ceux-ci ne voient jamais la couleur de son argent, ou si peu. Il a été condamné à 36 mois de prison dont 30 avec sursis. Sous le coup de la récidive légale, sa peine a été alourdie à 12 mois de prison.
L’escroc, 71 ans, en récidive légale pour le même type de faits, n’est pas ce que l’on pourrait appeler un démuni. Il touche une retraite relativement correcte de 280 000 fcfp et est propriétaire d’un appartement qu’il loue. Pour autant il s’est de nouveau lancé dans une arnaque avec l’appui d’au moins un complice qui se faisait passer pour le gérant du compte bancaire de l’accusé. Il émettait aussi des faux récépissés de virement.
L’entourloupe consistait pour l’accusé à se mettre en contact avec des producteurs de perles désireux de vendre leur production, et leur proposer d’acheter leurs lots. À l’aide d’une fausse carte de négociant, il discutait le prix des perles et donnait à l’achat une petite partie de la somme en liquide, le reste devant se faire par virement. Si certains se montraient peu enclins à accepter le deal, pour les convaincre l’accusé les mettait en contact avec son faux gérant de compte bancaire. Ce complice affirmait aux producteurs que l’accusé avait 100 millions sur son compte courant. De quoi les rassurer.
Trois producteurs tombent dans le panneau
Au total ce sont trois producteurs qui se sont fait berner par l’homme pour un montant de 23 millions. À noter que l’indélicat, histoire d’appâter les vendeurs, leur proposait un prix d’achat au-dessus du prix du marché. Évidemment ceux-ci ne voyait jamais la couleur de l’argent et quand ils contactaient l’escroc, il leur montrait un faux récépissé de virement sur lequel était indiqué que la somme due était en cours de virement.
Il allait ensuite vendre les perles à une bijoutière qui les lui rachetait à un prix nettement inférieur. Une bijoutière elle aussi présente à la barre, car inculpée de recel. Elle achetait les perles sans vérifier si le vendeur avait en sa possession les papiers nécessaires à la vente, comme sa carte de négociant et le contrôle de qualité des perles, obligatoire pour les transactions. Des perles qui partaient ensuite pour Hong-Kong ou étaient revendues sur le marché local.
Sur les trois producteurs arnaqués seul un a touché un peu d’argent, soit un million sur quatre attendus. Les deux autres attendent toujours des montants allant de 700 000 fcfp à près de 15 millions.
Un dossier emblématique de pratiques opaques
Pour le Pays qui s’est porté partie civile, cette affaire est grave d’autant que des réglementations ont été mises en place suite à la crise qu’a connu la profession de perliculteur en 2000. Des réglementations comme l’obligation d’un contrôle qualité des perles et la mise en place d’un encadrement de la profession de négociant. Pour le Pays, le prévenu « a exercé illégalement la profession de négociant » et la bijoutière « a acheté des lots qui ne sont pas passés par le contrôle de qualité. » Le Pays demande une condamnation solidaire des deux prévenus à une amende de 700 000 fcfp.
Pour l’avocate des victimes, cette arnaque a eu un impact énorme pour les familles. « l’une de mes clientes n’a pu payer les études et le pensionnat de son fils qui a du suivre des cours par correspondance. » Elle réclame le remboursement des sommes dues par l’escroc et la condamnation des deux prévenus à payer au titre du préjudice moral la somme d’un million.
La procureure de son côté estime que ce dossier est emblématique d’un système « où certaines pratiques ne sont pas tout à fait normales » et réclame à l’encontre des accusés trois ans de prison avec sursis et le dédommagement des victimes.
Après en avoir délibéré le tribunal a condamné l’homme à 36 mois de prison dont 30 avec sursis. Sous le coup de la récidive légale c’est 12 mois de prison qu’il devra toutefois effectuer. Il devra aussi rembourser les victimes à hauteur de 4,5 millions. La bijoutière a été condamnée à 6 mois de prison avec sursis et à 150 000 Fcfp d’amende. Les deux sont également condamnés de manière solidaire à rembourser 14,5 millions à leurs victimes.