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Arrivées de fonctionnaires d’État : « On a le goût du risque », lâche Jacques Raynal


Le ministre de la Santé Jacques Raynal a évoqué la question des rotations de fonctionnaires d’État prévues dans les prochains mois. Plus de 1 700 enseignants, gendarmes, militaires ou personnels de l’administration doivent d’après lui prendre leur poste d’ici la fin août, pour remplacer des agents sur le départ. Ces arrivées, jugées risquées d’un point de vue sanitaire par beaucoup, semblent animer une certaine friction entre le Pays et l’État. Mais ce seraient surtout les capacités et les coûts de quatorzaine qui feraient débat.

Jacques Raynal a indiqué lors d’un point presse ce lundi soir que la question de la réouverture du trafic aérien international ne se poserait pas avant la fin juin, même si aucun nouveau cas de coronavirus n’était signalé d’ici là. Après cette date, le Pays devrait continuer « encore pendant plusieurs mois » à « prendre des mesures de protection » contre une nouvelle importation du Covid-19. Grâce, notamment à une quatorzaine obligatoire des voyageurs. Pas de quoi rassurer les chefs d’entreprises, qui alertaient ce matin sur l’impact économique de la crise. Mais cette annonce pose aussi, encore un peu plus, la question des rotations de fonctionnaires.

Une bonne partie de la fonction publique d’État (enseignants, gendarmes, personnel administratif du Haussariat…) fonctionne sur des affectation de quelques années et la période de juin à septembre, « grandes vacances » obligent, est généralement privilégiée pour les mutations. D’après le ministre de la Santé 1 743 agents d’État doivent ainsi arriver au fenua d’ici la fin août et 1 600 doivent en repartir. « Notre souci ça n’est pas de les accueillir, c’est d’avoir les structures suffisantes pour le faire », insiste Jacques Raynal. Entre le centre d’hébergement des étudiants d’Outumaoro, les structures militaires et en comptant une autre structure « avec laquelle les négociations sont bientôt terminées », le Pays disposerait bien de 900 à 1 000 places de quatorzaine, comme le détaille la cellule de crise sanitaire. Mais ces places limitent déjà, semble-t-il, les arrivées de résidents polynésiens bloqués en métropole ou à l’étranger (lire ci-dessous).

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Problèmes logistiques et craintes sanitaires

Pour le ministre de la Santé, c’est au Haussariat de « s’occuper de ses troupes », et donc d’identifier et de financer des lieux d’accueil. Le sujet fait semble-t-il débat entre l’État et le Pays. Jacques Raynal concède que la DGEE pourrait prendre en charge la quarantaine des 344 agents relevant de l’enseignement (accompagnants compris), puisque la direction dépend de financements d’État. Mais aucun accord ne semble sur la table pour le reste des fonctionnaires arrivant, et notamment les agents administratifs (DGFIP…). La Polynésie « n’ a pas les capacités de logement » résume le ministre de la Santé. Surtout si ces arrivées s’intensifient à la fin juin, en même temps qu’une éventuelle hausse de la régularité des vols.

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Problématique logistique ? Pas seulement. Beaucoup craignent que ces arrivées de Métropolitains n’engendrent, quatorzaine ou pas, une reprise de l’épidémie de coronavirus en Polynésie. Près d’un millier de personnes a déjà signé la pétition « Non aux mutations des fonctionnaires d’État », diffusée depuis le 30 avril sur les réseaux sociaux et qui demande au Haussariat de « repousser ces mutations d’un an ». Une hypothèse déjà évoquée par le collectif syndicats enseignants-parents d’élèves, et  jugée « impossible » par la représentation de l’État. Le ministre de la Santé semble lui-même entretenir des réserves sur la question sanitaire. « On a le goût du risque » lâchait ce lundi soir Jacques Raynal, tout en rappelant que ces agents « viennent travailler pour le pays autant que pour l’État ».

Étudiants : s’ils en ont « réellement la nécessité »

Le ministre mêle d’ailleurs à sa réflexion la problématique du retour des étudiants polynésiens. Les chiffres sont « plus flous » en la matière, mais plus d’un millier d’entre eux, aujourd’hui répartis dans toute la France, pourraient être tentés de revenir au fenua avec la fin de l’année universitaire. « S’ils ont réellement la nécessité de rentrer au pays, ils doivent se faire connaitre » auprès de la Délégation polynésienne à Paris a rappelé le ministre. Mais le responsable interpelle surtout sur les difficultés auxquelles pourraient faire face ces étudiants : une quatorzaine à l’aller, une quatorzaine au retour, sans compter les attentes probables pour trouver un vol…

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Le gouvernement avait déjà appelé les étudiants polynésiens qui le pouvait à reconsidérer leur aller-retour, surtout s’ils reprenaient leurs études en septembre ou octobre en métropole. Des aides ont été prévues par l’État et le Pays à destination des étudiants boursiers bloqués loin de chez eux.

Retour de métropole : « Il n’y a pas de passe-droit »

La rumeur a agité les réseaux sociaux ce week-end. Certaines personnes à bord du vol de continuité territoriale arrivé dans la nuit de samedi à dimanche, « n’étaient pas des évacués sanitaires » de retour au Pays. Mais des résidents, attendant, comme des centaines d’autres, leur « rapatriement ». Dans une interview à TNTV, la député Nicole Sanquer a pointé ce lundi que certains d’entre eux n’avaient pas été placés en quatorzaine, laissant entendre qu’une certaine opacité était organisée autour de ces retours.

Faveurs ? Arrangements ? Jacques Raynal a voulu répondre à ces accusations, ce lundi soir. « Il n’y a pas de passe-droit » a insisté le ministre de la Santé. Le Paris-Tahiti transportait d’après lui, en plus des 15 tonnes de matériel médical, 26 personnes considérées comme en retour d’évacuation sanitaire (malades et accompagnants), ainsi que  7 « professionnels de santé », qui étaient inscrits sur les listes de demandes de retour de la délégation polynésienne à Paris et de la CPS. Or, certains de ces professionnels « peuvent profiter d’une mesure particulière prévue dans l’arrêté d’isolement, selon laquelle ils peuvent se confiner à domicile, sous contrôle des autorités » a expliqué le responsable, pointant des « erreurs » dans le discours de la députée.

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Reste que des centaines de Polynésiens sont bloqués en métropole et à l’étranger, pour certains dans des conditions précaires. Le ministre n’a encore une fois pas pu donner de calendrier sur leur retour, soulignant la capacité limitée des vols de continuité territoriale et des centres d’hébergement. La question de l’ajout de nouveaux vols pour ces rapatriements à été repoussée à fin juin. Le Pays et l’État, quoiqu’il en soit, continueront de prioriser les retours d’évacuations sanitaires dans les prochains vols de continuité territoriale. D’autres critères existent : précarité, urgence familiale… Mais au delà de ces cas particuliers, la règle du  « premier inscrit, premier élu », aura tout de même sa place, semble indiquer le ministre qui répète que les listes sont « colligées » (croisés) entre la délégation de la Polynésie à Paris et la CPS.

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