C’est un des caps fixés par la présidence au nouveau PDG d’Air Tahiti Nui : trouver un nouvel actionnaire, ou du moins un nouveau « partenaire » pour aider à redresser la compagnie. À la sortie d’un conseil d’administration ce mardi, Moetai Brotherson explique qu’un acteur « qui connait l’aérien international et qui connait notre région » est aujourd’hui identifié. Le rapprochement pourrait même se « concrétiser d’ici trois mois ». Pas de précision sur ce partenaire « qui a des avions », et pas d’assurance qu’il monte au capital pour l’instant. De ce côté-là, la subvention à 3,2 milliards validée ce matin à Tarahoi laisse un peu de temps.
Air Tahiti Nui n’a pas fait parler qu’à Tarahoi ce mardi. Quelques heures après l’étude – et la validation – en commission de l’Économie et des finances d’un collectif budgétaire qui réserve 3,2 milliards de francs de subvention d’équilibre à ATN, c’est à la présidence que s’est réuni son conseil d’administration. La réunion était annoncée comme importante, dans le contexte de difficultés financières de la compagnie du Pays : il s’agissait notamment de préciser les options choisies par la direction en matière « d’ajustement de lignes, de dispositifs commerciaux et de partenariats », comme l’expliquait en fin de semaine dernière Moetai Brotherson.
Des options qui n’ont pas toutes été prises, ou en tout cas pas toutes été révélées dans le contexte « hautement concurrentiel » – et donc confidentiel – de l’aérien international. Mais le président s’est tout de même félicité, à la sortie de la réunion, des avancées sur un des caps importants qu’il avait fixés au nouveau PDG : la recherche de nouveaux « partenaires », voire de nouveaux actionnaires. Ce que demandait la présidence avant même la prise de fonction de Philippe Marie, en juillet dernier, ce sont des « partenaires qui ont de l’expérience dans l’aérien international, pour qu’ils apportent non pas seulement du capital, mais un savoir-faire qui puisse bénéficier à la compagnie ».
Un « partenaire » qui « a des avions »
Un nom est désormais sur la table, confirme ce mardi le chef du gouvernement, et les discussions seraient même bien avancées. « Cette volonté de faire entrer d’autres partenaires est toujours là, la direction a travaillé dessus, ça avance très bien et ça devrait se concrétiser dans les trois mois qui viennent, reprend le président. On a identifié un partenaire sérieux avec lequel on a envie de travailler. L’idée, c’est d’avoir un partenaire qui connaisse l’aérien international, qui connaisse notre région, c’est dans ce sens que la direction a travaillé et ils ont bien travaillé ».
Pas de précision sur la nature exacte de la relation qui pourrait être établie. Trois mois, c’est bien sûr très court pour revoir l’actionnariat de la compagnie aux 33 milliards de francs de chiffre d’affaires et aux 700 collaborateurs. L’idée pourrait donc être d’abord de former ou solidifier des partenariats commerciaux avec ce futur coéquipier, avant de travailler à une montée au capital, qui aura forcément des implications sur la gestion et la direction de la compagnie. Un temps urgente, la recapitalisation d’Air Tahiti Nui – qui passe nécessairement par des apports de fonds privés, le Pays ayant atteint la limite d’actionnariat dans cette Sem – s’est donné un peu de temps avec la subvention à 3,2 milliards de francs qui semble en bonne voie pour être votée lundi en plénière de l’assemblée.
Pas de précision non plus, toujours au nom du contexte concurrentiel, sur le nom de ce « partenaire ». « Il a des avions », lance seulement le président. Hormis les codeshares avec Aircalin, Air New Zealand ou tout récemment Air Rarotonga, c’est du côté de l’alliance OneWorld que Air Tahiti Nui a noué des liens ces dernières années. La compagnie au tiare travaille déjà avec Qantas, Japan Airlines, American Airlines – déjà contacté par le passé pour entrer au capital d’ATN et qui avait jusqu’à présent décliné -, ou encore Alaska Airlines, particulièrement active à Seattle. Ce pourrait être dans cette alliance – qui compte aussi en son sein British Airways, Qatar Airways, Cathay Pacific et, d’ici l’année prochaine, Fiji Airways – qu’un candidat plus impliqué a été identifié.
Seattle en sursis
Le Conseil d’administration a aussi été l’occasion de parler de l’avenir de la ligne vers Seattle, inaugurée voilà deux ans et étendue vers Paris six mois plus tard. Si les premiers résultats étaient encourageants – « 16 000 touristes » transportés en un an – les derniers décomptes le sont moins. ADT parle ainsi de 8909 passagers en provenance de la ville du Nord-Ouest américain entre janvier et septembre de cette année. Le Conseil d’administration a toutefois décidé de la maintenir au moins un an de plus en renforçant la communication sur ce marché. « Il y a eu un manque de coordination avec Tahiti Tourisme au lancement de cette ligne », explique un proche du dossier. « La ligne de Seattle n’est pas remise en question dans son intégralité, la question qui se pose est sur son format », confirme Moetai Brotherson. Une baisse de fréquence dès 2025 est déjà évoquée.
Avant son départ de la tête d’ATN, en juin dernier, Michel Monvoisin avait prévenu que la suppression de cette ligne« serait une ânerie monumentale ». Pas seulement du fait de ses résultats précisait l’ancien PDG : c’est elle qui a permis un rapprochement « qui fait vendre beaucoup de billets » avec Alaska Airlines, compagnie qui vient de finaliser son absorption de Hawaiian Airlines.
Réagencement des cabines
Pas de grands virages pour l’instant, donc, pour ATN qui doit, d’après le président du Pays profiter de sa nouvelle subvention pour « inverser le trend » (la tendance, ndr) de la dégradation des résultats. « C’est le pari qu’on fait, et les éléments qu’on nous a présenté aujourd’hui sont rassurants, ils vont dans ce sens là, reprend le chef du gouvernement. Cette subvention d’équilibre doit permettre de lever tout doute qu’il pourrait y avoir sur la solidité des réserves par rapport aux charges, et ça va surtout permettre à la compagnie de faire les investissements stratégiques qui vont permettre d’améliorer le produit et d’améliorer les revenus ».
Des investissements « pas forcément lourds » et qui touchent entre autres à « de nouveaux agencements » des cabines. Là non plus pas question d’en dire plus.
Quant aux hausses de fréquences demandées par Air France et Delta Airlines pour le milieu d’année prochaine, elles devaient faire l’objet d’une discussion entre la direction d’ATN et le Pays-actionnaire-régulateur. Ce point de l’ordre du jour a finalement été remis à plus tard, mais la présidence connait bien la position de sa compagnie sur cette question : cette concurrence supplémentaire « n’est pas opportune » vu le marché actuel. « C’est leur position, mais c’est le Pays qui va se positionner, précise Moetai Brotherson. Ça va se faire certainement dans la semaine ou dans la semaine suivante ».