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ATN : « même si on transportait des passagers gratuitement, on ne pourrait pas remplir les avions »


Pas de raisons de paniquer, mais de vraies réflexions à mener. C’est, en substance, le message de Michel Monvoisin, qui a présenté en conseil d’administration d’Air Tahiti Nui hier, une prévision de déficit de 4,8 milliards de francs pour l’année 2023. Et pourtant, la compagnie affiche de bons taux de remplissage et jouit d’une position de leader confortée sur le marché. Le problème, pour le PDG : des hausses de prix du carburant qui ne peuvent pas être répercutés sur les billets, et surtout un trop-plein de sièges disponibles pour aller à Tahiti  par rapport à ce que peut réellement absorber le parc hôtelier de la Polynésie.

Il avait eu les rumeurs, les pronostics sur un remplacement, probablement quelques candidats de l’ombre… Mais Michel Monvoisin reste bien le PDG d’ATN. La question de sa succession n’a même pas été évoquée lors du Conseil d’administration qui a eu lieu ce mardi, et qui était surtout consacré, comme à chaque fin d’année, aux prévisions de résultats 2023 et au prochain budget de la compagnie aérienne du Pays. À la sortie de la réunion, le président Moetai Brotherson l’avait dit tout de go au micro de Tahiti Infos : avec 4,8 milliards de francs de déficit projetés cette année, la situation est délicate pour le transporteur au tiare.

Pour expliquer ce résultat négatif, Michel Monvoisin met d’abord en avant les hausses des cours des hydrocarbures, qui malgré l’accalmie de ces derniers mois restent nettement au dessus du niveau d’avant-Covid. « En 2019, la facture carburant pour ATN, c’était 7 milliards. En 2023, c’est 10 milliards pour un programme pratiquement identique », détaille le PDG, qui précise que les charges de carburant représentent aujourd’hui un tiers du chiffre d’affaires de la société.

Du remplissage, des parts de marchés, mais trop de concurrents pour « adapter le prix des billets »

Le taux de remplissage des avions relativement élevé, 77% sur l’année, le maintien de la position de leader sur le marché – environ 40% des passagers internationaux transportés – n’y peuvent donc rien : « les performances d’ATN, cette année, elles sont pratiquement passées dans le carburant ». Quant au prix des billets, il n’a « jamais été aussi bas », assure le PDG, du fait de la concurrence exacerbée sur les lignes USA – Papeete.

Air France et ses hausses de fréquences, l’arrivée de Delta, partie, mais qui reviendra, United et French Bee bien installés en cinq année d’exploitation… « La destination Polynésie aujourd’hui a une offre  de plus d’un million de sièges et ça n’est pas en adéquation avec les capacités réceptives du pays, analyse le dirigeant. Aujourd’hui, on est parti pour faire entre 250 000 et 260 000 touristes dans l’année, ce qui est un record. Et les Polynésiens, c’est à peu près 50 000 voyages par an ». Soit un peu plus de 600 000 sièges pour 1 à 1,2 millions de places disponibles. « Vous comprenez bien que mathématiquement, quand bien même on transporterait des passagers gratuitement, on ne pourrait pas remplir davantage les avions ».

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Michel Monvoisin l’avait déjà déclaré, il le martèle : il est urgent de développer le parc hôtelier. « Chambres, hôtels, pensions de famille , Airbnb… Tout ce qui peut accueillir des touristes, il faut l’ouvrir » répète-t-il, précisant au passage que, malgré l’absence d’inflation sur le prix des billets d’avion, « la destination Polynésie n’a jamais été aussi chère ». Les bénéficiaires de ces « transferts de marges », c’est dans les rapports de l’ISPF qu’il faut les trouver : entre 2019 et 2023, le revenu moyen par chambre d’hôtel au fenua est passé de 36 000 à 57 000 francs.

1,7 milliards de francs provisionnés pour des frais de maintenance anticipée

Mais cette estimation de 4,8 milliards de francs de déficit, reflèterait aussi, d’après le PDG, la « prudence budgétaire » de la société. 1,7 milliard de francs auraient ainsi été provisionnés pour des opérations de maintenance avancées sur les moteurs des quatre Boeing 787 de la compagnie au Tiare. Leur constructeur, General Electrics, a émis un bulletin de service recommandant le changement prématuré de certaines aubes – des pales internes au turboréacteur.

« C’est-à-dire que ce qu’on nous avait étalé, nous, sur 2025-2026, il faut le faire en 2024, précise Michel Monvoisin. 1,7 milliard ça n’est pas neutre, mais dès qu’on est dans l’aérien, les chiffres vont très vite. Ce n’est pas de notre faute, donc il va falloir discuter avec celui qui va faire le travail, avec General Electrics, discuter de ce que nous allons réellement payer, ce qui va être pris en charge par les uns et par les autres… Par prudence, on a provisionné. Après, les provisions se lèveront quand effectivement les charges seront moindres parce qu’on aura bien négocié avec les fournisseurs ».

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Déficits absorbés sans nouvelle subvention « pour 2023 et pour 2024 »

À l’issue du conseil d’administration, Moetai Brotherson avait précisé à Tahiti infos que le Pays, qui avait déjà injecté 8 milliards de francs dans la société pendant la crise Covid, ne débloquerait pas de finances supplémentaires pour ATN en 2023 ou 2024. « Je n’ai rien demandé pour l’année prochaine », précise Michel Monvoisin, qui assure qu’ATN garde des reins et une trésorerie solides. Faudra-t-il tout de même de nouveau solliciter le budget du Pays avant de pouvoir stabiliser les comptes ? « On n’en est pas là », balaie le dirigeant. « 2023 sera absorbée, 2024 aussi, mais à un moment, il y aura une stratégie à mettre en place sur le futur, parce qu’un moment donné on ne pourra pas décemment continuer à vendre des billets d’avion Los Angeles Papeete au prix d’un Paris -Nice », il faut le comprendre.

Cours du pétrole, du dollar, évolution de la concurrence – Moetai Brotherson semble opposé à toute nouvelle demande de fréquences depuis les États-Unis – développement du réceptif… Les facteurs seraient trop nombreux pour dater, dès à présent, un retour à l’équilibre. Et si les déficits continue de s’accumuler, les solutions sont nombreuses, précise Michel Monvoisin : subvention, mais aussi augmentation ou ouverture de capital… « Aujourd’hui on en est pas là, mais le moment venu, les discussions auront probablement lieu ».

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Les PGE, près de 300 millions de francs par an de charge

En plus des subventions territoriales de la pandémie, Air Tahiti Nui avait pu profiter d’aides d’État sur la prise en charge de ses coûts fixe, environ deux milliards de francs. Mais surtout, elle s’était endettée, là aussi à hauteur de 8 milliards de francs, au travers des PGE. Des prêts « à taux variables, indexés sur l’Euribor » et dont la charge augmente donc, à 250 ou 300 millions de francs cette année. « C’est une belle affaire pour l’État et pour les banques, pour nous, ça pèse dans nos comptes », pointe le responsable, qui regrette que d’autres compagnies et notamment Air France, aient eu accès à des prêts à taux zéro et plus globalement « des aides d’un niveau bien supérieur au nôtre ».