Plutôt qu’une vague bleue ciel, ou qu’un plébiscite pour l’indépendance, le parti d’Édouard Fritch voit dans les résultats des législatives la victoire d’un « front anti-Tapura ». Reconnaissant que certaines « erreurs » et « hésitations », dans la crise Covid notamment, ont pesé sur le scrutin, le président du Pays promet de « tirer des conséquences » de cette défaite. Mais estime tout de même que le Tapura reste « le premier parti » de Polynésie.
« Ça n’est pas complètement une surprise ». Au siège du Tapura samedi soir, on relativise le choc de la défaite dans les trois circonscriptions. Beaucoup, et notamment le président Édouard Fritch, expliquent qu’ils « s’attendaient à ce que le scenario des présidentielles se répète ». En avril, Emmanuel Macron, soutenu par le parti rouge et blanc, était arrivé en tête du premier tour. Comme le Tapura le 4 juin. Mais les soutiens des candidats déçus s’étaient ensuite mobilisés contre le président de la République, qui n’était sorti en tête du scrutin que dans deux circonscriptions polynésiennes sur trois. Pour le Tapura, le résultat est encore plus décevant ce dimanche, mais la dynamique, à entendre les cadres du parti, est la même : plutôt qu’une vague bleue ciel, le parti au pouvoir voit dans ces scores la victoire d’un « front anti-Tapura ». « Toutes les voix de l’opposition se sont reportées contre nous », confirme Édouard Fritch qui évoque « l’hypocrisie » de certains candidats malheureux. Pas cités, mais dans le viseur, A here ia Porinetia et le Amuitahiraa – arrivés au coude-à-coude pour la troisième place – qui ont respectivement, et officiellement, laissé la « liberté de vote » à leurs électeurs et appelé à l’abstention… mais qui auraient d’après lui battu campagne « pour faire battre le Tapura ».
Mariage, vaccination, inflation
Pas question, pour autant, de pousser la défaite sous le tapis. Pour Édouard Fritch aucun doute, la politique du gouvernement a pesé sur le scrutin « et il faudra bien sûr en tirer des conséquences ». Pour le maire de Pirae, c’est notamment la gestion de la crise Covid, ses « hésitations », et ses errements « personnels » qui sont en cause. Le président cite sans hésitation l’affaire du mariage de Tearii Alpha, présent avec les autres cadres au siège du parti, hier soir, ou celle de la vaccination de son ex-vice-président et du président de l’Assemblée, Gaston Tong Sang. « Peut-être que nous n’avons pas été fait exemplaires », reconnait le président, « mais nous avons tout fait pour protéger la population, dans la crise sanitaire, et aujourd’hui dans la crise de l’inflation ».
Les candidats Tapura ont-ils payé pour les polémiques du gouvernement ? Ni Tepuaraurii Teriitahi, ni Nicole Bouteau, qui avait pourtant quitté l’exécutif en raison de certaines « manque de cohérence » pendant la crise sanitaire, ne veulent rejeter la faute. « Mais on s’est peut-être trompé d’élection concède la première, candidate malheureuse dans la deuxième circonscription. En face, les électeurs se sont peut-être cru aux territoriales, ont voulu sanctionner l’action du gouvernement et peut-être envoyer un message en disant que les décisions du gouvernement sont impopulaires et peut-être mal comprises ». Pas question en revanche de remettre en cause le programme commun des trois candidats rouge et blanc ou leurs thèmes de campagnes. « Les thématiques étaient quasi-similaires (à celles du Tavini, ndr) : protection de l’emploi, du foncier, cherté de la vie », précise la présidente du groupe à l’assemblée.
« Ce ne sont pas les voix du Tavini »
Pas question non plus de s’avouer vaincu à moins d’un an des territoriales. « Aujourd’hui nous sommes porteurs de nos voix, nous savons exactement ce que nous valons au niveau de la Polynésie, et l’opposition ne peut pas en dire de même, explique Nicole Bouteau, qui passe à un peu plus de 600 voix d’un siège de député. Ce ne sont pas les voix du Tavini Huiraatira, c’est l’ensemble de l’opposition qui a fait front. Donc je suis encore pleine d’espoir sur 2023 parce que nous savons où nous en sommes et nous n’avons pas à rougir des résultats que nous avons réalisés ».
Édouard Fritch va plus loin en assurant que le Tapura reste, après ce scrutin, « le premier parti de Polynésie ».
Une « catastrophe » pour la gestion de la crise
Un parti qui aura plus de mal mener sa politique sans l’appui de députés acquis à sa cause. « Ca aurait été tellement plus efficace d’envoyer à Paris des députés du même bord » s’agace le président. « C’est catastrophique pour moi, nous allons envoyer en métropole trois députés Tavini qui vont aller parler de souveraineté, d’indépendance, de l’Onu, qu’est ce que cela peut rapporter au Pays quand on sait que nous arrivons au bout de nos moyens pour soutenir les hydrocarbures, les produits alimentaires ? interroge le président et fondateur du Tapura. Nous allons vivre une crise économique importante et je ne peux pas compter sur les trois députés qui vont être dans l’opposition à la majorité présidentielle. Comment voulez-vous que je puisse travailler dans de bonnes conditions ? »
Quant au débat sur l’indépendance proposé par Oscar Temaru, Édouard Fritch l’écarte tant « qu’il n’aura pas de feuille de route », et « au moins des esquisses de solutions pour se substituer à l’apport de l’état dans ce pays ». À l’entendre, le projet indépendantiste développé pendant la campagne « nous plonge dans quelque chose de nébuleux ». « Ce n’est pas ce dont nous avons besoin aujourd’hui » lance le président du Pays.