Le président de l’assemblée a transmis ce lundi aux élus une proposition de résolution par laquelle l’institution appellerait officiellement l’État à « ouvrir le dialogue de décolonisation avec la Polynésie sous l’égide de l’ONU ». Une exigence que Tony Géros transmettra ensuite à Paris. En cas de refus ou de silence de l’État, le chef de file du groupe Tavini demande aussi, dans une proposition de délibération conjointe, à être habilité à « ester en justice devant toutes les juridictions françaises ou internationales », de même que devant les organismes onusiens.
Les deux textes sont arrivés ce mardi sur le bureau des élus de l’assemblée, et promettent d’animer les débats dans les dernières semaines de l’année. Tony Géros y propose d’abord une « résolution appelant l’État à ouvrir le dialogue de décolonisation, sous l’égide de l’Organisation des Nations-Unies, avec la Polynésie française ». Tout est dans le titre, qui fait en plus référence au paragraphe 12 de la dernière résolution de l’ONU sur la Polynésie. Un paragraphe où l’assemblée générale de l’organisation « prie la puissance administrante d’engager un dialogue avec le nouveau gouvernement de la Polynésie français afin de favoriser la mise en place rapide d’un processus d’autodétermination ».
Le texte de la proposition de résolution, très court, évoque aussi plusieurs déclarations et pactes internationaux signés par la France sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et son exposé des motifs offre un beau résumé des onze années d’échec du mouvement indépendantiste à faire évoluer le discours de l’État sur la décolonisation depuis la réinscription de 2013, de la politique de la chaise vide aux récentes déclarations des ambassadeurs français à New York ou Genève. « Au-devant des instances onusiennes compétentes en matière de décolonisation et de droits de l’homme, la France considère officiellement que les Nations-Unies n’ont aucun rôle dans la relation institutionnelle bilatérale entre l’État et la Polynésie française, et que le territoire de la Polynésie française n’a pas sa place sur la liste des territoires non-autonomes des Nations-Unies, résume le texte signé par Tony Géros. Une telle posture est de nature à porter atteinte au droit fondamental et inaliénable du peuple de la Polynésie française (…) Ce sont donc les représentants élus dudit peuple de la Polynésie française qui entendent faire valoir un tel droit présentement, et de manière solennelle ».
Faire « cesser » la violation du droit à l’autodétermination
Si cette proposition est votée à Tarahoi dans les semaines à venir – et elle le sera probablement, grâce à la nette majorité Tavini dans l’hémicycle – l’État sera donc « solennellement » interpellé. De même que les Nations-Unies, puisque la résolution doit être officiellement transmise, après publication au Journal officiel, à l’Elysée, à l’Assemblée nationale et au Sénat, mais aussi secrétariat général de l’ONU, à son comité de décolonisation et à celui des droits de l’homme. Mais le président de l’assemblée vise plus loin que ce coup d’éclat parlementaire. Dans une deuxième proposition, de délibération celle-là, Tony Géros demande aux élus de l’habiliter « à déposer un recours préalable auprès de l’État et, au besoin, à ester en justice devant toutes les juridictions françaises et internationales et les organismes onusiens compétents, en vue de faire cesser la violation du droit du peuple Polynésien à l’autodétermination ».
Là encore, les deux articles de la proposition ne sont pas beaucoup plus longs que le titre, mais l’exposé des motifs court lui sur quatre pages. On y lit que la position de la France depuis la réinscription, son refus de transmettre des renseignements au secrétariat général des Nations-Unies sur le dossier polynésien, ou le refus d’accueillir au fenua une « mission de visite » de l’Onu – qui est d’ailleurs, aujourd’hui, acceptée dans le principe par les autonomistes – « constituent, à moyen terme, une entrave à l’efficacité des mécanismes onusiens ». Et une « violation d’un droit fondamental », comme l’a récemment suggéré le comité des droits de l’homme basé à Genève. C’est pour faire « cesser » cette violation que le président de l’assemblée envisage d’engager « un recours administratif contre l’État français ».
Un recours préalable auprès de l’État, avant des procédures devant les juridictions
En clair, Tony Géros va tout simplement demander à l’État d’appliquer la résolution votée par l’assemblée, et de se conformer aux décisions de l’ONU sur l’ouverture d’un dialogue de décolonisation. Et c’est la réponse de Paris – ou son silence, qui équivaudrait à un refus tacite – à ce recours préalable, si elle n’est pas « satisfactoire », qui pourra ensuite être attaquée. Pas de précisions pour l’instant sur la stratégie que le vice-président du Tavini, épaulé par l’ancien sénateur et ancien avocat Richard Tuheiava, son directeur de cabinet, veut adopter. Mais la délibération, si elle est votée, l’autorise à saisir les juridictions nationales (à commencer par le tribunal administratif) internationales (dont la Cour européenne des droits de l’homme qui exige avant toute saisine l’épuisement des voix de recours nationales) et même les « organismes relevant de l’Onu », comme le Conseil des droits de l’homme.