Vienne (AFP) – Les Autrichiens ne connaîtront que lundi le nom de leur nouveau président, au terme d’un « thriller politique » inattendu entre l’extrême droite de Norbert Hofer et son rival écologiste Alexander Van der Bellen.
Si M. Hofer, 45 ans, l’emportait sur le candidat des Verts, il serait le premier président d’extrême droite élu dans l’Union européenne.
Le scrutin, très observé dans une Europe confrontée à la montée des populismes, sera arbitré par les quelque 900.000 électeurs qui ont demandé à voter par correspondance, soit plus de 14% du corps électoral, un record.
En tentant de prendre en compte ce vote par correspondance, la télévision publique ORF arrivait à une égalité parfaite entre les deux candidats. Le vote par correspondance est d’ordinaire défavorable au FPÖ.
Sur les seuls bulletins déposés dimanche dans les urnes, donc sans les votes par correspondance, Norbert Hofer était en tête avec 51,9% des suffrages contres 48,1% pour son adversaire.
Aucun candidat ne se risquait à revendiquer la victoire dimanche soir, optant pour un appel au rassemblement des Autrichiens que ce scrutin a profondément divisés.
« Le président, quel qu’il soit, devra être le président de tous les Autrichiens », a déclaré Norbert Hofer, vice-président du parlement, à la télévision publique. A ses côtés sur le plateau, Alexander Van der Bellen a appelé les forces politiques à « travailler ensemble le mieux possible ».
« Ce scrutin a montré à quel point la société autrichienne est déchirée », a observé Karin Cvrtila, analyste de l’institut OGN interrogée par l’AFP.
Les deux camps, qui avaient préparé des rassemblements en plein air à Vienne, ont fait patienter les militants avec de la musique par une chaude soirée de printemps.
A la soirée du FPÖ, Henriette Hakl, 72 ans, une militante de longue date, se félicitait du score de son candidat: « on s’est enfin débarrassé des clichés sur le parti. Quand on dit que je suis d’extrême droite je me sens offensée (…). Pourquoi nous renvoie-t-on toujours l’image de nazis, j’en ai plus qu’assez », confiait celle qui se décrit comme « une enfant de l’après-guerre ».
– « Thriller politique »
La satisfaction, et l’espoir de l’emporter, étaient aussi patents dans le camp Van der Bellen: « Très peu de monde pensait que je pourrais y arriver », a lancé dimanche soir cet ancien universitaire de 72 ans qui dit avoir senti « un élan parmi les électeurs » durant les deux dernières semaines de campagne.
Les partis social-démocrate (SPÖ) et conservateur (ÖVP), au pouvoir depuis la Seconde guerre mondiale, ont subi une déroute historique au premier tour, sur fond de crise migratoire et de morosité économique. Ils n’avaient pas donné de consigne de vote, même si plusieurs responsables s’étaient prononcés individuellement.
Pour l’analyste Karin Cvrtila, « une bonne campagne » entre les deux tours a permis à l’ancien chef des Verts de remonter son retard, aboutissant à un véritable « thriller politique ».
Quelque 6,4 millions d’électeurs étaient appelés à désigner un successeur au social-démocrate Heinz Fischer, qui achève son second mandat.
La participation estimée, à plus de 70%, était en hausse par rapport au premier tour, le 24 avril.
M. Hofer était alors arrivé largement en tête avec 35% des suffrages, meilleur score à un scrutin national de son parti, le FPÖ. M. Van der Bellen avait recueilli 21,3% des voix.
En Autriche, le président n’intervient pas dans la gestion quotidienne du pays mais dispose de prérogatives importantes comme celle de révoquer le gouvernement, une option que n’a pas exclu le candidat du FPÖ « en dernier recours ».
– « Président actif » –
Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a exprimé sa crainte d’une victoire de « la droite pure et dure et l’extrême droite », une perspective applaudie en revanche par le Front national (FN) français.
En 2000, l’entrée au gouvernement autrichien du FPÖ, alors dirigé par Jörg Haider, avait provoqué des sanctions européennes.
M. Hofer s’est gardé pendant la campagne des dérapages ouvertement xénophobes qui avaient fait la marque de son parti par le passé.
Militant depuis sa jeunesse au FPÖ, ce député policé a principalement axé son discours sur l’emploi et le niveau de vie des Autrichiens, assurant qu’il n’entendait pas voir son pays quitter l’UE, à moins que la Turquie n’y adhère.
Mais M. Hofer, un proche conseiller du chef du FPÖ Heinz-Christian Strache, a prévenu qu’il entendait être un « président actif ».
Il pourrait en théorie nommer M. Strache à la chancellerie et provoquer ainsi de nouvelles élections. M. Strache a d’ores et déjà réclamé des législatives anticipées, que son parti espère remporter.
Le nouveau président, élu pour un mandat de six ans, prendra ses fonctions le 8 juillet.
© AFP JOE KLAMAR
Les candidats à la présidentielle autrichienne Alexander Van der Bellen (à gauche) et Norbert Hofer à Vienne le 22 mai 2016