ACTUS LOCALES Avec le développement du solaire, la Tep à la croisée des chemins Charlie Réné 2024-12-20 20 Déc 2024 Charlie Réné La société d’économie mixte, gestionnaire du réseau de transport électrique de Tahiti, a suivi de très près et a participé au raccordement des grandes fermes solaires ces dernières semaines. Cet important apport d’énergie, renouvelable mais intermittente, depuis le Sud implique beaucoup d’adaptations, mais le PDG de l’établissement assure qu’au terme d’un cycle d’investissement à 13 milliards de francs mené depuis 2017, le réseau est parfaitement apte à le gérer. En revanche, il faudrait d’autres travaux pour développer de nouvelles centrales photovoltaïque dans la Presqu’île et ses environs. Ce qui pourrait pousser le gouvernement a orienter son prochain appel à projets vers le Nord. Quatre grandes fermes solaires inaugurées ces dernières semaines, et une deuxième vague de chantiers qui se prépare. Le gouvernement dit « finaliser » son cahier des charges pour la deuxième tranche d’appel à projets photovoltaïques, un temps promise « avant la fin de l’année », désormais repoussée à janvier ou février. Les promoteurs, déjà aux manettes, ou qui sont restés malheureux lors de la dernières procédures, bouillent d’impatience. Mais les regards se tournent aussi du côté de la Tep, gestionnaire du réseau de transport et aussi responsable règlementaire, depuis 2022, de l’équilibre général du réseau électrique, géré avec les techniciens d’EDT. Deux activités qui sont rendues plus « complexes » par le développement du renouvelable, comme l’explique le président de la société d’économie mixte, Hervé Dubost-Martin. « Changement de paradigme » sur le réseau D’abord du côté de la gestion du réseau, longtemps mise en avant pour mettre en garde contre le développement massif du photovoltaïque, vu le côté « fatal » et très intermittent de son énergie. L’adjonction de grandes batteries au sein même des fermes – une obligation du premier appel à candidatures qui est remise en question pour le second – a rendu « la pénétration du solaire plus facile », rappelle le responsable. Elle permet de « lisser » la production, de corriger les à-coups des passages de nuages, de la rendre plus prévisible, et dans une certaine mesure de la faire durer en début de soirée, quand le soleil baisse et la consommation augmente. « On peut se permettre un taux de pénétration plus important. Est-ce que pour autant, ça règle tous les problèmes ? Non, reprend le PDG, qui devrait, d’ici six mois, voir ses fonctions adaptées à la nouvelle loi sur les Sem. Il y a toujours un élément de complexité supplémentaire, et il faut faire avec, explique le dirigeant de la société d’économie mixte. Je dirais que les réseaux deviennent de plus en plus complexes à gérer dans le monde entier par rapport au paradigme historique où il y avait une grosse centrale au milieu qui irradiait tout le monde en étoile. Là, aujourd’hui, on est dans un monde avec des productions beaucoup plus diffuses. Donc c’est un autre métier, ça s’équilibre autrement. » Mais la question se pose surtout du côté du transport électrique, cœur de métier de la Tep. « Historiquement, le Sud était déficitaire en énergie, puisque la production était au Nord, mis à part les centrales Marama Nui. Aujourd’hui, avec les grandes fermes vous avez 30 mégawatts de puissance solaire autour de Taravao, quand la pointe de consommation, dans le Sud, est toujours à 8 ou 9 MW. Donc, ces 20 MW excédentaires, on va les renvoyer vers la ville. On fonctionne dans l’autre sens, ce sont de nouveaux comportements de réseau. Ça veut dire que les gens qui sont au dispatching, ils vont voir des flux, des indicateurs totalement différents de ce qu’ils voyaient il y a quelques mois. Donc, il faut s’habituer, il faut les gérer. Les ennuis ne viendront pas toujours de là où ils venaient d’habitude. C’est une sorte d’apprentissage continu. » La Tep « finalise » son cycle d’investissements à 13 milliards Les infrastructures de transport actuelles sont-elles suffisantes pour prendre en charge cette nouvelle puissance venue du Sud ? Oui, répond Hervé Dubost-Martin. « La Tep a mené tout un programme de renforcement de réseau, où tout est passé en 30 000 volts, en changeant tous les postes du Sud. En élevant le niveau de tension, on a élevé les capacités de transit, on a sécurisé la ligne… Et donc on a créé les conditions pour que cette production puisse s’écouler vers la ville sans problème. » Comme le rappelle son dirigeant, la société d’économie mixte, appartenant désormais à 70% au Pays, à 20% au gestionnaire du réseau de transport national RTE, et pour les 10% restants entre OCI et l’AFD, « arrive au terme d’un programme de 13 milliards d’investissement depuis 2017 ». « C’est à peu près comparable aux investissements initiaux qui avaient pu faire la TEP dans les années 80 », note-t-il. Ces investissements comprenaient le passage du Sud en 30 000 volts, donc. Mais surtout la « boucle Nord », qui devait permettre de compléter la traversière de 90 000 volts Punaruu – Maroto jusqu’à Faatautia, à Hitia’a, et d’assurer tout le tour de côte par la zone urbaine. « On est vraiment sur les phases finales de raccordement, on doit encore rénover le poste Sud, en pleine montagne (poste 90 000 volts qui se trouve au fond de la vallée de la Papenoo, en aval du tunnel joignant Vahiria, ndr), et on a encore quelques investissements de renforcement à faire », précise l’ancien PDG d’EDT-Engie, revenu en Polynésie en 2020 pour prendre la direction de la société d’économie mixte. « S’il y avait d’autres centrales dans le Sud, il faudrait d’abord renforcer des infrastructures de transport » Aussi « considérables » soient-ils, ces travaux ne permettent toutefois pas d’envisager, en eux-mêmes, de raccorder de nouvelles fermes solaires d’une telle ampleur et dans la même zone. « S’il y avait d’autres centrales dans le Sud, il faudrait à nouveau renforcer, doubler certaines des infrastructures de transport, confirme Hervé Dubost-Martin. Difficile de promettre le bouclage de toute l’île en 90 000 volts, en revanche, il est envisageable, à moyen terme, de prolonger la ligne 90 000 volts depuis le poste Faatautia vers Taravao pour « aller chercher » davantage de puissance solaire. C’est là l’un des sujets de réflexion du gouvernement, sur le développement du photovoltaïque. Pour offrir aux promoteurs la possibilité d’utiliser le foncier, plus disponible et moins onéreux, de la Presqu’île et de ses environs, il faudra débloquer de nouveaux investissements pour le réseau de transport. Si l’exécutif se veut le plus discret possible sur l’appel à candidatures pour la deuxième tranche de fermes solaires, fort est à parier – quelles que soient les options techniques retenues sur le stockage d’électricité – que la procédure concernera certaines zones, déjà aptes à recevoir un surplus d’énergie sur le réseau, avant peut-être que ne soient lancées des nouvelles améliorations du réseau. La semaine dernière, le ministre des Finances en charge de l’énergie, Warren Dexter, rappelait que la « deuxième tranche » n’était « pas la seconde », et quoiqu’il arrive pas la dernière. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)