ACTUS LOCALESCULTURE Benjamin Teikitutoua raconte les Marquises « sans rien cacher » Lucie Rabreaud 2024-04-30 30 Avr 2024 Lucie Rabreaud Né au début des années 1950, Benjamin Teikitutoua, appelé Ben, est une figure incontournable des Marquises. Avec d’autres personnalités, il est à l’origine de l’association Motu Haka, moteur du renouveau culturel marquisien. C’est une conversation à bâton rompu menée par Loïc Josse, qui est reproduite dans le livre Ben, Tuhuka de Ua Pou, paru chez Au Vent des îles. Le quotidien, les gendarmes, les curés, Mgr Le Cléac’h, Cousteau… Le tout rythmé par le rire de Ben. Il se rendra dans quelques jours au festival Étonnnants voyageurs à Saint-Malo pour parler des Marquises et présenter son livre. C’est grâce à une rencontre que ce livre a vu le jour. Benjamin Teikitutoua, appelé Ben, était encouragé depuis plusieurs années à écrire toutes les histoires qu’il aimait raconter. Mais ne se sentant pas le courage d’écrire en français, il attendait de trouver la bonne personne, capable de l’écouter et d’écrire. Loïc Josse est arrivé. Cet ancien journaliste, enseignant, cadre dans l’industrie et libraire à Saint-Malo, qui passe beaucoup de temps aux Marquises, notamment sur l’île de Tahuata, a partagé de nombreuses soirées et quelques nuits blanches un peu arrosées, à écouter Ben raconter sa vie. Ça commence par l’enfance, dans les années 1950, où la culture marquisienne est délaissée et méconnue. D’ailleurs, avec ses copains, quand ils voient des personnes danser ou chanter, ça les fait rire. « Mais qu’est-ce que c’est ce truc-là, que font ces vieux ? Ils font le maha’u, la danse du cochon, ils étaient plus ou moins éméchés pour se donner du courage je crois. Tous les chiens du village aboyaient en même temps. C’était bizarre, on rigolait. Mais c’était les bribes de notre culture qui étaient là et qui sont toujours là. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/04/BEN-MARQUISES-1.wav Jusqu’à ce qu’arrive monseigneur Le Cléac’h… Cet évêque catholique breton est nommé dans le diocèse de Taiohae de 1973 à 1986. Et contrairement aux discours de certains curés de l’époque qui n’hésitaient pas à parler de « païens » en désignant les Marquisiens, comme le raconte Ben Teikitutoua, Mgr Le Cléac’h va s’intéresser à l’histoire marquisienne, apprendre la langue et surtout accompagner les habitants de l’archipel à faire revivre leur culture. « Il s’est documenté, il s‘est imprégné des écrits des navigateurs, des missionnaires, de cette culture magnifique. Il a vu le côté positif. C’est vrai qu’il y avait les danses lascives nues, la danse du deuil avant que le mort parte, il y a une fille nue qui danse. Il nous a dit je ne vous demande pas de reproduire ce qu’il se passait autrefois, il n’y a pas que ça, vous avez des danses magnifiques, des chants magnifiques, qui frisent l’érotisme, c’est de l’art. Il a changé notre mental car on était imprégné de la culture française et des conseils de l’église car nous sommes des enfants de l’église. » https://www.radio1.pf/cms/wp-content/uploads/2024/04/BEN-MARQUISES-2.wav C’est au début des années 1980, quand l’enseignement du reo Tahiti devient obligatoire à l’école, que Ben, accompagné de personnalités comme Georges Teikihuupoko, connu sous le nom de Toti, et Étienne Hokaupoko, vont aller voir Mgr Le Cléac’h lui demandant son aide. Car pas question pour ces Marquisiens d’enseigner le reo Tahiti à l’école, ils veulent enseigner leur propre langue. Ils créeront l’association Motu haka qui va être à la base du renouveau culturel marquisien et remporter leur bataille pour l’enseignement de la langue marquisienne à l’école. Le livre revient également sur des rencontres de personnalités comme Cousteau à qui ils feront une démonstration de la pêche aux dauphins pratiquée autrefois, Brel que les enfants aimaient embêter en jetant des cailloux sur le toit de sa maison car ils n’aimaient pas ses chansons ou encore des anecdotes croustillantes comme cette combine avec les gendarmes pour s’approvisionner en gazole, alcool et nourriture. L’important pour Ben était de garder sa voix intacte, en conservant sa façon de parler malgré les fautes grammaticales ou de syntaxes, et de partager toutes ces histoires, en restant le plus authentique possible. « Je voulais ne rien cacher, ça fait partie de la mémoire. » Une mémoire qu’il va partager loin de la Polynésie car il se rendra dans quelques jours au festival Étonnants voyageurs à Saint-Malo qui se déroulera du 18 au 20 mai, avant de continuer une tournée qui passera à Paris et à Rochefort notamment. Au festival, qui attend plus de 150 participants venant de plus de 30 pays différents, il animera trois conférences sur la culture et la société marquisienne et l’inscription des Marquises sur la liste du patrimoine de l’Unesco et il présentera et cosignera son livre avec son auteur, Loïc Josse. Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)