Berlin (AFP) – Le parti conservateur d’Angela Merkel a enregistré dimanche le pire résultat de son histoire pour des élections régionales à Berlin, dans un climat de mécontentement croissant sur l’immigration dont continue de profiter la droite populiste.
Il s’agit du deuxième revers électoral consécutif en deux semaines lors d’un scrutin régional pour l’Union chrétienne-démocrate (CDU) de la chancelière allemande, devancée début septembre par le mouvement anti-migrants et anti-islam Alternative pour l’Allemagne (AfD) dans le nord-est du pays. Et ce à un an des prochaines élections législatives.
A Berlin, la CDU n’a recueilli que 18% environ des suffrages, en recul de plus de 5 points par rapport au dernier scrutin de 2011, tandis que l’AfD fait son entrée dans le parlement local de la capitale allemande avec plus de 12% des voix, selon les projections des chaînes de télévision publique.
Jamais dans l’histoire de Berlin, celle de Berlin-Ouest après la Deuxième guerre mondiale, puis celle de la ville réunifiée après 1990, la CDU n’avait connu pareille débâcle.
Le piètre score de la CDU à Berlin va très probablement renvoyer le parti sur les bancs de l’opposition dans la métropole de 3,5 millions d’habitants, alors qu’il faisait jusqu’ici partie d’un gouvernement de coalition avec les sociaux-démocrates.
– L’AfD comparée aux nazis par le maire –
Le parti social-démocrate (SPD) essuie lui aussi à Berlin de lourdes pertes mais il reste le premier parti de la ville avec un peu moins de 23% des voix.
Bien qu’affaibli, cela devrait permettre au maire actuel, Michael Müller, membre de ce parti, d’être reconduit dans ses fonctions.
Il privilégie désormais une coalition de gauche avec les écologistes, crédités d’un peu plus de 16% des voix, et la gauche radicale de Die Linke, autre parti protestataire en Allemagne, issu de l’ancien parti communiste de RDA, qui recueille un score similaire et progresse de quatre points.
L’irruption de la droite populiste dans le parlement régional berlinois a valeur de symbole : métropole cosmopolite, branchée et ouverte sur le monde, la capitale allemande au statut d’Etat-région se faisait fort jusqu’ici de résister aux tendances populistes.
Le maire avait cherché à dramatiser les enjeux durant la campagne, avertissant qu’un score supérieur à 10% pour l’AfD serait « interprété dans le monde entier comme le signe d’une renaissance de l’extrême droite et des nazis en Allemagne ».
L’AfD ne s’est du coup pas privé de saluer « une résultat fantastique ». « Dans une ville tellement à gauche comme Berlin, notre score supérieur à 10% est un grand succès », a déclaré l’un de ses présidents, Jörg Meuthen.
Même si la CDU est depuis 15 ans traditionnellement faible à Berlin, son nouveau recul vient compliquer un peu plus la tâche de la chancelière, critiquée dans sa propre famille politique.
Le chef de file malheureux du parti à Berlin, Frank Henkel, a reconnu un résultat « pas du tout satisfaisant ». Il a parlé d' »un jour noir » pour les partis traditionnels dans leur ensemble et s’est dit « alarmé » de voir « un quart des électeurs voter pour des partis protestataires ».
– Pression accrue sur Merkel –
L’allié bavarois de la CDU, la CSU, risque de réclamer avec encore plus de véhémence une politique beaucoup plus restrictive en matière d’immigration. Il se refuse pour l’heure à dire s’il soutiendra Mme Merkel dans la bataille pour chancellerie dans un an.
Grâce à son succès de dimanche, L’AfD, née il y a trois ans, va entrer dans un dixième parlement régional, sur les seize que compte le pays.
Son score enregistré à Berlin est du reste proche de celui dont le crédite au niveau national un sondage publié ce week-end : 14%. Sauf retournement, l’AfD est bien partie pour faire son entrée dans un an à chambre des députés, ce qui serait une première pour un parti de droite populiste dans l’histoire d’après-guerre de l’Allemagne.
« Nous sommes désormais un parti établi » et « en bonne voie » pour entrer au Bundestag, a jugé une des responsable du parti à Berlin, Beatrix von Storch.
Ses succès contribuent à la fragmentation et à la recomposition accélérée du paysage politique en Allemagne, dont sont victimes tant la CDU et le SPD, à la tête d’un gouvernement de coalition au niveau fédéral à Berlin.
« Les partis traditionnels, ceux du centre, sont victimes d’un phénomène d’érosion et cela créée une nouvelle dynamique politique », juge Lothar Probst, politologue à l’université des Brême. Son collègue Karl-Rudolf Korte, de l’université de Duisbourg, s’est montré encore plus net dimanche soir sur la chaîne ZDF: « Nous n’avons plus de grands partis en Allemagne ».
© dpa/AFP Michael Kappeler
Georg Pazderski (d), candidat de l’AfD, et le codirigeant du parti populiste Joerg Meuthen célèbrent le score de leur parti le 18 septembre à Berlin