Besançon (AFP) – Soupçonné d’avoir « empoisonné avec préméditation » sept patients à Besançon, dont deux sont morts, un médecin anesthésiste de 45 ans a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. Mais ce « professionnel reconnu » nie catégoriquement les faits.
« Mon client conteste fondamentalement tout empoisonnement que ce soit. Il dit passer sa vie à réanimer les gens, pas à les tuer », a dit tard dans la nuit de lundi à mardi à l’AFP l’avocat de l’anesthésiste, Me Randall Schwerdorffer, à l’issue de son passage devant le juge de la détention et des libertés, qui a ordonné un placement sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer sa profession et l’obligation de verser une caution de 60.000 euros.
Mais selon le parquet – qui avait demandé un placement en détention – les « indices graves et concordants » existent, et permettent de « présupposer l’administration volontaire de substances mortelles. Il s’agit de faits gravissimes », a estimé la vice-procureur de Besançon, Christine De Curraize, auprès de l’AFP.
Entre 2008 et janvier 2017, sept patients, opérés à la Clinique Saint-Vincent et à la Polyclinique de Franche-Comté, ont été victimes d’un arrêt cardiaque dû à une « injection de substances à dosage létal », selon les premiers éléments distillés par Mme De Curraize, qui n’a pas précisé la nature de ces substances.
Deux d’entre eux n’ont pu être réanimés: un homme de 53 ans, décédé en 2008 pendant une opération des reins, et une femme de 51 ans, décédée en 2016 au cours d’une opération pour une fracture.
L’anesthésiste, « reconnu » par ses pairs pour ses qualités professionnelles, est soupçonné d’être à l’origine de ces intoxications, a dit Mme De Curraize. Mis en examen pour « empoisonnement avec préméditation », il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.
– « Accusation ahurissante et fragile » –
Depuis sa présentation au juge, le médecin « est dans l’incompréhension totale des accusations portées à son encontre », a expliqué Me Schwerdorffer.
« C’est un professionnel archireconnu, de grande qualité, qui pratique 2.000 anesthésies par an, et dont le métier est plus qu’un métier, c’est une passion », a-t-il affirmé, dénonçant une « accusation ahurissante et fragile ».
Selon le parquet, les victimes présumées, quatre femmes et trois hommes âgés de 37 à 53 ans, « n’avaient pas de prédispositions ou de fragilités particulières ».
Une première information judiciaire avait été ouverte pour « homicide involontaire » afin de déterminer les circonstances du premier décès en 2008, puis la Clinique Saint-Vincent et l’Agence régionale de santé ont signalé « deux incidents graves ayant entraîné des problèmes cardiaques imprévus » au bloc opératoire de la clinique les 11 et 20 janvier derniers, entraînant l’ouverture d’une nouvelle instruction début 2017.
La direction de la clinique a déposé plainte contre X après que les investigations ont « permis de déterminer les causes (ces) deux incidents », qui ont lieu en janvier, et dont elle n’a pas révélé l’origine.
– « La communauté médicale sous le choc » –
À la Clinique Saint-Vincent, où le médecin anesthésiste exerçait jusqu’à sa présentation devant le juge, « une très grande partie du programme opératoire, non urgent, a été annulé aujourd’hui, car l’information a provoqué un choc émotionnel parmi les personnels qui doivent absorber le vif émoi que ça suscite », a confié la directrice de l’établissement, Valérie Fakhoury.
Plusieurs infirmières travaillant avec le praticien et souhaitant garder l’anonymat ont estimé que « c’est un bon anesthésiste, quelqu’un de bien, avec qui on aimait travailler ».
Mais certains infirmiers étaient « inquiets » de « ces incidents inexpliqués ».
Du côté de la Polyclinique de Franche-Comté, où le médecin a exercé « sur une courte période en 2009 », « les circonstances de ces événements graves ont donné lieu à une enquête médicale interne », a indiqué dans un communiqué la commission médicale.
L’établissement avait à l’époque averti « les autorités savantes du Centre hospitalier régional universitaire de Besançon et l’Agence régionale de santé », avant de déposer plainte.
Depuis les incidents de 2009, « aucun fait de cette nature n’a été à déplorer à la Polyclinique de Franche-Comté », souligne l’établissement dont « la communauté médicale, sous le choc, se tient à disposition des enquêteurs ».
Le parquet de Besançon a annoncé la tenue d’une conférence de presse à 14H30.
© AFP/Archives JACK GUEZ
Un médecin anesthésiste de 45 ans est suspecté d’avoir « empoisonné avec préméditation » sept patients à Besançon, dont deux sont morts