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Bientôt un tanker à « turbovoiles » dans le port de Papeete

L’armateur français Socatra va faire installer des « rotor sails », concept proche de celui des « turbovoiles » du commandant Cousteau, sur un de ses nouveaux pétroliers qui doit desservir la Polynésie. Deux cylindres d’une trentaine de mètres installés sur le pont doivent utiliser l’effet Magnus pour faire économiser 8% de carburant au navire.

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Elles ressemblent à s’y méprendre aux cheminées des vieux paquebots à vapeur, mais ce sont bien des « voiles » qui vont équiper le Alcyone. Ce pétrolier de 180 mètres et 50 000 tonnes à charge, un « medium range » comme on dit dans le secteur, a repris le nom d’un vieux navire de la flotte de l’armateur français Socatra, mais il s’agit bien d’un tanker neuf, tout juste sorti des chantiers. Et il devrait y retourner dès cette année pour accueillir ces « rotor sails », parfois appelées « turbovoiles » en français, cylindres géants montés sur le pont et qui tournoient pour créer une propulsion. Objectif : économiser 8% de carburant. Pas rien pour un navire qui doit notamment enchaîner les traversées entre la Corée du Sud et la Polynésie, comme l’écrit l’armateur dans un communiqué.

Dans les années 20, déjà… 

Le principe n’a rien de neuf : dès le début du XXe siècle, les ingénieurs navals avaient proposé d’utiliser l’effet Magnus comme moyen de propulsion. Il s’agit du même effet qui influe sur la trajectoire d’une balle liftée au ping-pong ou d’un tir brossé au football : la rotation d’un objet dans l’air engendre une poussée. C’est ainsi qu’étaient apparus, dans les années 20 et 30, de grands cylindres abritant des rotors, solidement fixés sur le pont de cargos, pour soulager leurs hélices. À l’époque, le coût de construction élevé, dans un contexte de développement de la performance des moteurs et de prix très bas du carburant avait eu raison de la technologie… Qui, sans surprise est revenue dans les bureaux d’étude avec les années 80 et les chocs pétroliers. Le commandant Cousteau s’y était notamment intéressé et avait fait construire en 1986 un navire expérimental doté de « turbovoiles », un concept proche, mais distinct de celui des voiles rotors. Le navire océanographique, qui dispose aussi de moteurs diesel et qui est toujours en état de fonctionnement dans le port de Caen, avait été baptisé… l’Alcyone. Une coïncidence de nom pas si étonnante quand on sait qu’il fait référence, dans la mythologie grecque, à celui d’une fille d’Eole, dieu du vent.

Le Buckau, un des premiers navires équipés des rotors de l’ingénieur Flettner, et l’Alcyone commandé par la fondation Cousteau.

Les rotors font tourner les têtes

Mais c’est dans les années à venir que les turbovoiles devraient connaitre leurs véritables heures de gloire. Lutte contre le changement climatique, nouvelles règlementations sur le transport maritime international, volatilité des cours du pétrole… Pour les armateurs, les économies de carburant sont un passage obligé, et les bureaux d’étude ont des propositions. Ailes de kite, qui équipent certains rouliers, voiles rigides, annoncés dans plusieurs projets de cargos, et bien sûr rotor sails. Le Français Socotra a choisi de signer avec une société spécialisée finlandaise, Norsepower Oy Ltd, qui s’est affirmée comme un des leaders de ce nouveau marché ces dernières années. L’entreprise a même créé une version inclinable de ses rotor sails pour permettre aux cargos équipés de passer les ponts et remonter les fleuves. Et beaucoup d’autres ont déjà investi sur la technologie, comme le rappelle Mer et Marine : les chantiers navals géants de Hyundai ont présenté leur propre modèle de voile rotor, le britannique Anemoi vise jusqu’à 30% d’économie de carburant, les Allemands d’EcoFlettner ont déjà équipé plusieurs caboteurs, le Français Crain Technologie a testé un nouveau prototype de turbovoile sur le port de La Rochelle…

L’Alcyone, qui bat pavillon tricolore, devrait être équipé dès la fin 2023  de deux « voiles » de 35 mètres de haut dans les ateliers chinois du fournisseur. Opéré par TotalEnergies, il devrait ensuite être mis en service sur les lignes d’approvisionnement en carburant de la Polynésie, courant 2024. D’après Norsepower, ce sont jusqu’à 2 000 tonnes de CO2 par an dont l’émission pourrait être évitée grâce à cette technologie. « Le succès de ce projet pourrait ouvrir la voie à une adoption plus large de la propulsion assistée par le vent pour la flotte de TotalEnergies » a déclaré Jérôme Cousin, « senior vice-président shipping » du groupe pétrolier.

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