ACTUS LOCALESJUSTICE

« Blanchissement » du fenua : Mitema Tapati mis en examen

L’ancien pasteur et actuel représentant Tavini à Tarahoi était convoqué ce lundi devant le juge d’instruction Thierry Fragnoli, qui lui a signifié sa mise en examen pour provocation à la discrimination ou à la haine raciale. Ses propos sur le « blanchissement » de la population du fenua avaient fait polémique en octobre 2023. Son avocat Me Stanley Cross se dit « serein », notant que son client avait pu expliquer au juge le vrai sens de ses propos, « tronqués » selon lui par le Tapura, à qui il reproche « d’instrumentaliser la justice ». 

Mitema Tapati vient d’être mis en examen ce lundi pour provocation à la discrimination ou à la haine raciale. Fin octobre, l’ancien pasteur avait suscité un tollé à l’assemblée, après avoir tenu, en reo tahiti, des propos jugés racistes par l’opposition. Il avait expliqué que « si la France a noirci, notre fenua, lui aussi, a blanchi ». Des déclarations confirmées dans la foulée par l’intéressé, dans une lettre envoyée à Tahiti Infos, dans laquelle il invitait les sceptiques à « faire le tour de Punaauia à Mahina, dans les supermarchés, dans les restaurants ». « Vous allez me dire dans quel pays vous semblez être ? (sic) » avait-il martelé.

Entretemps, le président du Tapura Édouard Fritch s’était emparé de l’affaire, en signalant ces déclarations au procureur de la République, et celles du ministre de l’Éducation Ronny Teriipaia. Celui-ci avait expliqué que les propos de l’ancien pasteur ne relevaient « pas de racisme », mais « de la réalité ». « En France, on dit bien qu’il y a l’invasion de toutes ces communautés arabes, c’est exactement pareil », avait ajouté Ronny Teriipaia, des propos qui lui avaient, lui aussi, valu une mise en examen début août, pour provocation à la discrimination ou à la haine raciale par personne dépositaire de l’autorité publique, des faits passibles de 3 ans de prison et de 8,9 millions de francs d’amende.

« Ça n’a jamais été à l’adresse des popa’a »

Pour l’avocat de Mitema Tapati, Me Stanley Cross, cette audition a permis à son client d’éclaircir ses propos, très surprenants de prime abord, au vu du solde migratoire négatif du territoire. « Il a bien précisé que ça n’a jamais été à l’adresse des popa’a ou d’une quelconque population. Il a dit que son propos était d’expliquer que la société polynésienne, en elle-même, et que les Polynésiens, dans leur façon de penser et de dire les choses, dans leur conception des choses, sont devenus blancs », raconte le conseil après l’audition.

« C’est plus dans cet esprit-là, plutôt que ce qui a été mis en exergue par le Tapura, qui a monté tout ça en épingle », poursuit Me Cross, pour qui c’est « un petit peu fort de café qu’on puisse trouver quelque chose à redire sur les propos de Mitema Tapati, qui ont été tronqués par le Tapura, qui à mes yeux, instrumentalise la justice ».

Son avocat invoque Aimé Césaire

Stanley Cross, lui-même cadre du Tavini, cite l’exemple d’Aimé Césaire, figure politique de la Martinique et du courant littéraire de la Négritude, qui « avait tenu des propos très durs lors d’un discours qui n’ont jamais fait l’objet de poursuites pénales ». Il relate le discours en question (« Martiniquaises et Martiniquais, le processus est commencé : regardez vos plages, regardez vos rues, regardez vos administrations, regardez les banques, regardez les grands magasins, regardez les grandes surfaces, regardez la préfecture ! Parfois, c’est en vain que vous chercherez une tache de couleur, une tache sombre dans le paysage, tout est blanc, tout est blanc ! Il ne s’agit pas de racisme mais de l’équilibre d’une société menacée dans son identité et dans sa survie ») estimant que les propos de son clients sont bien moins « forts ». « Il n’y a pas photo ! Mitema Tapati a rappelé au juge et a été très clair sur le fait qu’il considérait comme  »un enfant du pays », un popa’a qui vient ici, qui aime ce pays, qui aime cette population et qui veut y rester ».

La question des traductions

Pour l’avocat cette procédure de mise en examen est « intéressante ». « Mon client reste présumé innocent, et je vais enfin pouvoir avoir accès au dossier et avoir connaissance de la lettre d’Edouard Fritch à la procureure ». Et surtout, il se réjouit de pouvoir accéder aux copies des différentes traductions qui ont été faites. S’il avait déjà connaissance de celle, rendue publique, du Tapura, il ne sait rien de la version de l’interprète sollicité par les gendarmes, ni de celles des deux traducteurs utilisés par le juge d’instruction. « La traduction es importante, tout le problème est là, on a joué sur les termes de la langue, au-delà de la vision de Mitema Tapati ».

« Serein » quand à la suite des évènements, Stanley Cross explique avoir « l’intention d’ajouter une note au dossier pour expliquer la position de monsieur Tapati. Il est infondé et faux de lui reprocher la provocation à la haine et à la discrimination raciale, et ils auront des difficultés à apporter la preuve sur ce point-là ».

Article précedent

Le nouveau procureur général promet "écoute et prudence", à ne pas confondre avec "indécision"

Article suivant

Ceci est l'article le plus récent

Aucun Commentaire

Laisser un commentaire

PARTAGER

« Blanchissement » du fenua : Mitema Tapati mis en examen