Bora Bora a renouvelé pour 20 ans, avec la Polynésienne des eaux, le contrat de gestion des eaux usées de la commune et de son réseau d’eaux industrielles retraitées unique au fenua. Le contrat prévoit 450 millions de francs de travaux de renouvellement d’équipements et d’investissements pour maintenir l’assainissement de la Perle du Pacifique à la pointe de l’innovation. Dans le même temps, la société spécialisée et le tavana Gaston Tong Sang ont inauguré la nouvelle usine de dessalement de l’eau, nécessaire vu l’activité hôtelière de l’île.
À la Polynésienne des eaux, on ne parle pas d’un « renouvellement », mais d’une « reconquête ». Celle du contrat de gestion des eaux usées et industrielles de Bora Bora, qui, après la préparation d’un nouveau cahier des charges, une procédure de mise en concurrence et de longues négociations, a été réattribué, pour 20 ans, à la filiale du groupe Suez. La Polynésienne des eaux gère l’assainissement de plus de 65 000 Polynésiens, l’eau potable de 120 000 d’entre eux. Mais cette concession, dans un atoll où l’activité touristique a fait de l’eau et de l’environnement des sujets hautement stratégiques, n’est pas un contrat parmi d’autres.
La Perle du Pacifique avait été la première, au fenua, à mettre en place à un réseau d’assainissement sous pression, la première à installer des canalisations sous-marines vers ses motu hôteliers… La première aussi, à mettre en service, dès 2005, un système d’ultrafiltration et de retraitement qui permet de réutiliser une partie des eaux usées pour l’activité « industrielle » – celle des grands hôtels, que ce soit pour l’arrosage, le nettoyage ou les blanchisseries. Ce réseau parallèle de distribution, inauguré dès 2005, était même innovant sur le plan national, puisque la métropole, dont plusieurs régions sont confrontées à un « stress hydrique » de plus en plus préoccupant, étudie en ce moment la généralisation de tels réseaux. Bref, Bora Bora a toujours été « à la pointe » en la matière, et a bien l’intention de le rester.
Surveillance numérique et boule d’égouts
Le contrat, signé jeudi par le tavana Gaston Tong Sang et le directeur général de la Polynésienne des eaux Mathieu Desetres, prévoit ainsi plus de 350 millions de francs de travaux d’entretien et de renouvellement des équipements et 100 millions de plus pour « l’amélioration de l’efficacité du système ». Le tout sur l’enveloppe de la concession. Compteurs intelligents pour surveiller le réseau et repérer les fuites, télérelève pour aider à maîtriser la consommation, travaux anti-odeurs dans les stations d’épuration et meilleure gestion et valorisation des boues produites… « Il y a eu des très gros investissements qui ont été faits il y a plusieurs décennies, mais pour continuer à être performants, il fallait continuer à investir, rester en avance de phase », explique Mathieu Desetres.
Bora Bora, au terme du contrat, va profiter d’une nouvelle « première » polynésienne : l’utilisation de la Sewerball, boule concentrée en technologies, et qui, une fois lancée au fil des eaux usées dans les canalisations, va permettre d’inspecter les réseaux et de détecter d’éventuelles anomalies. « Elle va permettre d’identifier les secteurs qui sont problématiques, qui nous apportent des eaux parasites, qui dégradent le patrimoine, qui peuvent causer des débordements », détaille le directeur général, en poste depuis 2021. La Polynésienne des eaux se félicite aussi que ce contrat de 20 ans dispose d’un « volet important en matière de sensibilisation et d’environnement ». Un fonds de communication doit notamment permettre de mieux informer les usagers sur les enjeux de l’assainissement, et la collaboration se poursuivra au moins sur cinq ans avec le Criobe, chargé d’étudier l’impact de l’assainissement sur les eaux du lagon de Bora, notamment en matière de « microplastiques et de micropolluants ».
Les osmoseurs, pas une solution pour tout le monde
La Polynésienne des eaux, aux travers de sa filiale ad hoc Vaitehi, gère aussi l’eau potable de l’île, et là encore l’heure est à l’investissement. Gaston Tong Sang et Mathieu Desetres ont d’ailleurs profité de la journée d’hier pour inaugurer les nouveaux osmoseurs mis en service voilà quelques semaines. Ils représentent 321 millions de francs d’investissement – entièrement portés par le contrat de concession et « sans subvention du Pays » – pour des machines dernière génération et l’achèvement du local de l’usine de dessalement de Faanui qui les abrite. Entre autres améliorations : une hausse de la capacité de production – 1 500 mètres cubes d’eau potable par jour contre 1 000 auparavant -, une qualité de traitement améliorée, et une consommation d’énergie légèrement amoindrie.
Reste que ces osmoseurs, qui suscitent régulièrement l’intérêt d’élus de certaines îles éloignées, sont très gourmands en électricité. L’eau potable dessalée produite coûte ainsi « 10 à 20 fois plus cher » que celle qui est tiré d’un forage ou d’une rivière, et le système nécessite des compétences importantes sur place pour garantir le fonctionnement et la maintenance des machines… Bref si ces équipements sont aujourd’hui « indispensables pour les besoins touristiques et de la population de Bora Bora », où la ressource en eau est notoirement rare en période sèche, ils ne sont viables que dans le contexte d’une activité touristique soutenue. Et même sur la Perle du Pacifique, « avant de mettre en place les osmoseurs, il faut être sûr que les réseaux ne sont pas fuyards et que les usagers sont vigilants sur la consommation, précise Mathieu Desetres, pour éviter la surutilisation des osmoseurs et de la ressource. »
À noter que Bora Bora a aussi de grands projets du côté de l’énergie, avec le programme Ianos, qui bénéficie depuis 2020 d’un accompagnement européen. Un programme qui, aux dernières nouvelles, prévoyait le développement, avec la société Akuo, d’importantes unités de production photovoltaïque associés à de l’agriculture et de l’aquaculture. Mais aussi la mise en place d’un réseau de transport « zéro carbone » et une centrale d’énergie thermique des mers.