Sao Paulo (AFP) – Des manifestations d’une ampleur historique ont rassemblé dimanche plus de trois millions de personnes dans tout le Brésil pour réclamer le départ de la présidente de gauche Dilma Rousseff, embourbée dans une crise politique majeure.
Dans la seule ville de Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil, 1,4 million de personnes ont défilé aux cris de « Dilma dehors », selon un chiffre du secrétariat à la Sécurité publique qui a évalué le nombre de participants à 1,8 million dans l’Etat de la capitale économique.
Avant cette estimation, le nombre total de manifestants dans le reste du géant d’Amérique latine était estimé à 1,4 million, selon des données de la police, ville par ville, compilées par le site d’informations G1.
Et ce sans compter la grande manifestation de Rio de Janeiro, ville hôte des Jeux Olympiques en août prochain. Des centaines de milliers de Cariocas (au moins 700.000 selon les organisateurs) y ont défilé le long de la célèbre plage de Copacabana.
D’importantes manifestations ont également eu lieu dans la capitale Brasilia (100.000 participants, Curitiba (200.000), Recife (120.000), etc.
Ce raz-de-marée est un très sérieux coup de semonce pour la présidente Dilma Rouseff, qui est sous la menace d’une procédure parlementaire et voit sa coalition voler en éclats.
Le Brésil est paralysé depuis plus d’un an par une crise politique majeure, envenimée par les révélations continues du méga-scandale de corruption autour du géant étatique pétrolier Petrobras, sur fond de profonde récession économique.
– « Marre » de tant de corruption –
Le gouvernement du Parti des travailleurs (PT), au pouvoir depuis 2003, apparaît totalement paralysé. Il ne parvient pas à faire adopter devant un parlement rebelle ses mesures d’austérité, alors que la 7e économie mondiale entre dans sa deuxième année de récession. Le PIB brésilien a chuté de 3,8% en 2015, sur fond d’inflation de plus de 10% et d’envolée des déficits publics.
« C’est le chaos au Brésil et cela nous affecte tous », a commenté, amer, à une journaliste de l’AFP l’architecte Sergio Sampaio, 61 ans, dans la foule des manifestants de Sao Paulo.
« Nous avons besoin d’un Macri ici » pour relancer l’économie, avait déclaré plus tôt à Rio Luis Adolfo Dabkiewicz, 57 ans, admirateur du nouveau chef de l’Etat argentin Mauricio Macri, un libéral qui a succédé à la présidente de gauche Cristina Kirchner.
« Je n’aurais jamais imaginé être un jour jaloux des Argentins », pouvait-on lire sur la pancarte de cet admirateur.
Les manifestations étaient convoquées par des mouvements citoyens marqués à droite, à l’origine de trois actions de protestation similaires en 2015, dont la plus importante avait mobilisé jusqu’à 1,7 million de personnes en mars. Les partis de l’opposition s’étaient pour la première fois ralliés officiellement aux manifestations de dimanche.
Le chef de l’opposition Aecio Neves, rival malheureux de Dilma Rousseff au second tour de la présidentielle de 2014, a notamment participé à la marche de Sao Paulo.
Les manifestants ont aussi apporté en nombre leur soutien au juge Sergio Moro, chargé de l’enquête sur le dossier de corruption Petrobras, qui éclabousse jusqu’à l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010).
A Brasilia, les détracteurs de Dilma Rousseff avaient gonflé une grande poupée en plastique représentant Lula, mentor et prédécesseur de l’actuelle présidente, en tenue de prisonnier à rayures blanches et noires.
Icône de la gauche brésilienne, Lula a été mis en cause ces derniers jours par des procureurs de Sao Paulo qui réclament des poursuites contre lui pour « occultation de patrimoine » et son placement en détention dans un volet du scandale Petrobras.
« J’en ai marre de tant de corruption et pour protester contre le désordre généralisé dans ce pays », a expliqué à l’AFP Rosilene Feitosa, une retraitée de 61 ans, à Sao Paulo. « J’ai déjà voté pour le PT. Mais jamais plus je ne le ferai. J’ai été avec Lula, mais je ne veux plus rien savoir de ce corrompu indécent », a-t-elle ajouté.
L’opposition espère que la mobilisation monstre décidera les députés qui hésitent encore à voter contre la destitution de la présidente, visée depuis décembre par une procédure parlementaire. Celle-ci a été déclenchée par l’opposition qui accuse son gouvernement de maquillage de comptes publics en 2014, pour favoriser sa réélection.
Freinée par le Tribunal suprême fédéral (STF), cette procédure à l’issue incertaine devrait être réactivée dès que la haute juridiction aura fixé, mercredi, les règles précises de son déroulement.
© AFP NELSON ALMEIDAManifestation contre la présidente du Brésil Dilma Rousseff, le 13 mars 2016 à Sao Paulo