AFPINTERNATIONALPOLITIQUE Brésil: tension et insultes au vote sur la destitution de la présidente Rousseff AFP 2016-04-17 17 Avr 2016 AFP Brasilia (AFP) – Les députés brésiliens votaient dimanche soir à tour de rôle pour ou contre la destitution de la présidente de gauche Dilma Rousseff, accusée de maquillage des comptes publics, lors d’une séance historique et survoltée. Plus de 200 millions de Brésiliens divisés par des mois d’âpre dispute politique, étaient suspendu au dénouement de la lutte de pouvoir qui paralyse le géant émergent d’Amérique latine, au milieu d’un énorme scandale de corruption et de la pire récession économique depuis des décennies. L’honneur de monter le premier à la tribune pour annoncer son vote est revenu au député malade Washington Reis, qui avait obtenu une permission de ses médecins pour s’absenter de son hôpital de Rio de Janeiro. « Qu’à partir de demain, Dieu puisse répandre de nombreuses bénédictions sur le Brésil et notre peuple brésilien. Je vote pour », a lancé au micro ce député centriste L’opposition doit obtenir 342 votes (2/3) pour que la procédure soit renvoyée au Sénat qui aurait le dernier mot sur la destitution de Mme Rousseff, faute de quoi la présidente sauvera immédiatement son mandat. Le vote a commencé à 18H05 locales (22H05 GMT). Une heure plus tard, le score était de 128 voix pour et 34 contre. – ‘Canailles!’ – Chacun élu dispose de dix secondes à la tribune. Les députés de gauche minoritaires criaient « canailles! », « lâches! », « putschistes » à l’adresse de leur collègues conservateurs », qui les traitaient de « voleurs ». « En défense du vote populaire et des règles démocratiques je vote contre cet impeachment parce qu’il n’existe aucun crime » imputable à la présidente, a lancé la députée socialiste, Janete Capiberibe. « Dehors Cunha!, a-t-elle crié ensuite en direction du président du Congrès des députés, l’ennemi juré de la présidente qui mène les débats, malgré l’inculpation pour corruption qui pèse sur lui dans le cadre du scandale Petrobras. M. Cunha avait ouvert la séance quelques heures plus tôt dans un climat explosif d’invectives et d’empoignades entre parlementaires. « Je déclare la session ouverte, sous la protection de Dieu et au nom du peuple brésilien », avait-il solennellement proclamé sous les huées. Après de longues minutes de confusion, le calme est peu à peu revenu et les chefs des groupes parlementaires se sont exprimés l’un après l’autre. Mme Rousseff a annoncé qu’en cas de courte victoire dimanche, elle proposerait immédiatement « un grand pacte sans vainqueurs ni perdants » pour tenter de sortir le Brésil de l’ornière. Une défaite compromettrait en revanche très sérieusement son avenir politique: il suffirait en effet d’un vote à la majorité simple des sénateurs, en mai, pour qu’elle soit mise en accusation et écartée du pouvoir pendant au maximum six mois dans l’attente d’un jugement final. Son ancien allié centriste, le vice-président Michel Temer, 75 ans, qui brigue son fauteuil, la remplacerait dans l’intervalle et formerait un gouvernement de transition. A Brasilia, environ 18.000 manifestants en vert et jaune favorables à la destitution et près de dix mille sympathisants de gauche habillés en rouge suivaient les débats sur des écrans géants devant l’assemblée, de part et d’autre d’une grande barrière métallique. Silmar Borazio, un grand producteur de soja et de maïs de 50 ans, a mis 20 heures en voiture pour faire le trajet à partir de l’Etat du Parana afin de ne rien perdre de cette journée, avec un groupe d’amis tous habillés en vert et jaune et coiffés de chapeaux de cow-boys. « Nous voulons que Dilma parte. Nous en avons marre de produire de la richesse et de voir que rien ne s’améliore dans le pays et que le reste est volé », dit-il à l’AFP. Les dernières estimations des quotidiens Folha de Sao Paulo et Estado de Sao Paulo donnaient dimanche une courte victoire aux partisans de la destitution. – Incompétents contre hypocrites – La présidente accuse une opposition revancharde de fomenter un « coup d’Etat institutionnel », au mépris des 54 millions de Brésiliens qui l’ont réélue en 2014. Depuis sa réélection accrochée sa popularité s’est effondrée en 2015 à un plancher historique de 10% – avec un rebond à 13% en avril. Plus de 60% des Brésiliens souhaitent son départ. « Une bataille s’est déclenchée entre un gouvernement incompétent, soutenu par un parti qui a trahi ses idéaux (le PT), et une opposition hypocrite, dirigée par un législateur accusé de corruption, Eduardo Cunha », a déclaré à l’AFP l’analyste politique Sylvio Costa. « La crise na va pas se terminer aujourd’hui. Si la destitution ne passe pas, ce qui paraît assez improbable, Cunha déclenchera une autre procédure, comme il l’a déjà annoncé » et, dans tous les cas de figure, « les perdants continueront à protester dans les rues », prédit M. Costa. « Quelle que soit la décision de la Chambre, les blessures laissées par ces mois de confrontations ne cicatriseront pas facilement », a de son côté estimé le cinéaste brésilien Caca Diegues dans le quotidien O Globo de dimanche. Les manifestations ont rassemblé beaucoup moins de monde que prévu à Brasilia, Sao Paulo ou Rio de Janeiro. En début de soirée, avant le résultat final, aucun incident violent n’avait été déploré. © AFP EVARISTO SALa président brésilienne Dilma Rousseff applaudit lors d’une rencontre avec le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) à Brasilia le 15 avril 2016 Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)