Brasilia (AFP) – L’ex-dirigeant du géant brésilien du bâtiment Marcelo Odebrecht a été condamné mardi à près de 20 ans de prison dans le cadre du scandale de corruption Petrobras qui secoue le pays et se rapproche dangereusement de l’ancien président du Brésil Lula.
Héritier du conglomérat éponyme et habitué du forum économique de Davos, Marcelo Odebrecht, 47 ans était détenu depuis neuf mois.
Il a été à la tête du groupe, l’un des cinq plus grands groupes privés du Brésil, de 2008 jusqu’à la fin 2015.
Selon la décision du juge Sergio Moro chargé du dossier, Marcelo Odebrecht a été condamné pour « délits de corruption, blanchiment d’argent et association de malfaiteurs (…) à des peines qui totalisent 19 ans et 4 mois de réclusion ».
Les avocats de Marcelo Odebrecht ont dénoncé un « jugement inique et injuste » qui « ne peut être qualifié que de grave erreur judiciaire et d’expression de l’arbitraire total du juge ».
Ils ont annoncé leur intention de se battre pour « obtenir la mise en liberté » de leur client « devant les instances judiciaires supérieures » et « de faire éclater son innocence ».
Lancée en 2014, l’enquête « Lavage rapide » sur Petrobras a mis au jour un système de trucage systématique des marchés passés entre le groupe pétrolier d’Etat et 16 entreprises, donnant lieu à des commissions de 1 à 3% sur chaque contrat, dont une partie était reversée à des élus du Parti des Travailleurs (PT-gauche), au pouvoir depuis 14 ans, et de la coalition gouvernementale.
Ces fraudes ont coûté plus de deux milliards de dollars à la compagnie pétrolière publique.
Selon la décision du juge, le groupe Odebrecht a formé avec d’autres entreprises « un cartel pour passer des accords préalables et truquer systématiquement les appels d’offres de Petrobras pour obtenir les contrats de grands chantiers à partir de 2006 ».
Les pots-de-vin versés par Odebrecht à d’anciens directeurs de Petrobras ont totalisé plus de 63 millions de dollars (au taux de change actuel), précise M. Moro.
Cette condamnation est le dernier chapitre du scandale qui frappe l’élite industrielle et politique du Brésil en pleine récession économique, et dont l’issue est encore incertaine.
– Tension –
Dans le cadre de ce scandale, plusieurs dirigeants de Petrobras et de grandes compagnies du BPT brésilien, comme Camargo Correa ou Andrade Gutierrez, ont déjà été condamnés à de lourdes peines de prison ferme.
Le groupe Odebrecht est l’un des plus grand conglomérats de BTP d’Amérique latine, présent dans 23 pays. Il affichait un chiffre d’affaires de 40 milliards de dollars avant l’éclosion du scandale Petrobras.
Très actif dans la construction des stades du Mondial-2014 de football au Brésil, il réalise plusieurs grands travaux pour les jeux Olympiques d’août prochain à Rio de Janeiro: la revitalisation de la zone portuaire de la ville et la construction d’une nouvelle ligne de métro.
Il participe aussi à la construction d’un port à Cuba, notamment.
Dans le sillage de l’affaire Petrobras, des hommes politiques se sont également retrouvés derrière les verrous, tels que l’ex-chef de cabinet du gouvernement de Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010), José Dirceu, et l’ex-trésorier du PT Joao Vaccari.
Vendredi, c’est l’ex-président Lula, icône de la gauche brésilienne et mondiale, prédécesseur et mentor politique de l’actuelle présidente Dilma Rousseff qui a été rattrapé par cette affaire.
L’ancien chef d’Etat, qui pourrait se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2018, a été interpellé et brièvement interrogé par la police à Sao Paulo, suscitant des réactions indignées de ses partisans.
Tant du côté du pouvoir que de l’opposition, on promet de porter la lutte dans les rues du pays, tandis que, au parlement, les partis d’opposition se frottent les mains avec ce nouvel élan donné, selon eux, à la procédure de destitution lancée depuis des mois contre Mme Rousseff pour maquillage supposé des comptes publics.
De son côté, le Tribunal supérieur électoral enquête pour savoir si sa campagne a bénéficié de financements illégaux lors de l’élection de 2014, ce qui pourrait entraîner l’annulation de sa réélection.