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Brexit: le divorce sera long et compliqué

Bruxelles (AFP) – La décision historique du retrait du Royaume-Uni de l’UE a plongé les deux parties dans une situation inédite, les obligeant à bâtir une nouvelle relation pleine d’incertitudes après un mariage de plus de 40 ans.

Voici un tour d’horizon des questions sur la table.

– Comment a réagi l’UE? 

Une intense séquence de rencontres entre responsables européens a commencé dès vendredi matin. Tous ont insisté sur un point: Londres doit déclencher « dès que possible » sa procédure de retrait, pour empêcher qu’un flottement s’installe.

Un bras de fer semble se préparer sur ce point avec Londres, le Premier ministre britannique David Cameron ayant annoncé que cette négociation devrait être lancée par son successeur, attendu seulement à l’automne.

– Quel cadre juridique? 

Une procédure de retrait de l’UE a bien été prévue dans les traités: il s’agit de la « clause de retrait » (article 50), introduite par le traité de Lisbonne (2009). Elle définit les modalités d’un retrait volontaire et unilatéral, qui est un droit ne nécessitant aucune justification.

Londres va devoir négocier un « accord de retrait », conclu au nom de l’Union par le Conseil de l’UE (qui réunit les 28 États membres), à une majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.

Les traités européens cesseront de lui être applicables à partir de la date d’entrée en vigueur de cet accord. Ou deux ans après la notification du retrait, si aucun accord n’a pu être conclu dans l’intervalle. L’UE et Londres pourraient toutefois décider de proroger ce délai d’un commun accord.

En attendant, « la législation de l’UE continuera à s’appliquer pour le Royaume-Uni, en ce qui concerne ses droits comme ses obligations », a souligné le président du Conseil européen Donald Tusk.

– ‘Dix ans d’incertitudes’?

Si la procédure du divorce existe, elle n’a encore jamais été utilisée: d’où de nombreuses interrogations sur les tractations indispensables pour définir une nouvelle relation, après quatre décennies qui ont imbriqué le Royaume-Uni et le reste de l’UE.

Cette nouvelle relation devra-t-elle être réglée dès l’accord de retrait? Ou faudrait-il deux négociations séparées? La deuxième option semble la plus probable. Londres devrait aussi modifier sa législation nationale pour y remplacer la multitude de textes découlant de sa participation à l’UE, comme dans le domaine des services financiers.

« Il est probable que cela prendrait longtemps, d’abord pour négocier notre sortie de l’UE, ensuite nos futurs arrangements avec l’UE, et enfin nos accords commerciaux avec les pays hors UE », expliquait le gouvernement britannique dans une étude communiquée au Parlement britannique en février.

Il y évoquait « jusqu’à une décennie d’incertitudes » qui pèseraient sur les marchés financiers ou encore sur la valeur de la livre.

– Quel modèle: la Norvège, la Suisse? 

L’hypothèse la plus simple serait que le Royaume-Uni rejoigne l’Islande ou la Norvège comme membre de l’Espace Économique européen (EEE), ce qui lui donnerait un accès au marché intérieur. Mais Londres devrait alors respecter les règles contraignantes de ce marché, sans participer à leur élaboration, et verser une forte contribution financière.

Un autre scénario serait de suivre l’exemple suisse. Mais « il est peu plausible que le Royaume-Uni veuille emprunter cette voie », estime l’ancien juriste en chef du Conseil de l’UE Jean-Claude Piris, aujourd’hui consultant.

Dans une étude sur les scénarios d’un Brexit, M. Piris relève que la Suisse a conclu plus d’une centaine d’accords sectoriels avec l’UE, excluant les services, et que l’Union est aujourd’hui insatisfaite de sa relation avec Berne.

Parmi les autres options: la conclusion d’un accord de libre-échange avec l’UE, ou une union douanière comme avec la Turquie. En l’absence d’accord, le Royaume-Uni « deviendrait simplement, à partir de la date de son retrait, un État tiers vis-à-vis de l’UE, comme les États-Unis ou la Chine », observe M. Piris.

– Quel impact pour les Britanniques dans l’UE?

Londres devra négocier le statut de ses quelque deux millions de ressortissants vivant ou travaillant dans l’UE. Leurs droits à la retraite ou encore leur accès à des services de santé dans les 27 autres pays de l’Union est en effet remis en cause.

« Les citoyens du Royaume-Uni résidant à l’étranger, dont ceux qui ont pris leur retraite en Espagne, ne pourraient pas supposer que ces droits seront garantis », observait le gouvernement britannique dans son étude.

Et chaque droit qui serait négocié en faveur des Britanniques dans les pays de l’UE serait accordé sous condition de réciprocité pour les ressortissants de l’UE au Royaume-Uni, notait-il.

A Bruxelles, l’inquiétude est forte parmi les fonctionnaires européens de nationalité britannique, inquiets de leur avenir. « Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, comme président de la Commission, pour vous soutenir et vous aider dans ce processus difficile », s’est efforcé de les rassurer vendredi Jean-Claude Juncker dans un courriel interne.

© AFP BEN STANSALL
David Cameron devant le 10 Downing Street le 24 juin 2016 à Londres