Le ministre des Grands Travaux Jordy Chan avait réuni ce matin les acteurs du BTP pour un point semestriel sur les projets et investissements de son ministère. Les travaux menés pour réduire les délais de paiement ou faciliter les extractions de matériaux ont « rassuré », de même que les chiffres, plutôt soutenus de l’activité de travaux publics. Mais les entreprises veulent surtout des engagements de l’ensemble du gouvernement sur les commandes en matière de bâtiment. Des projets importants seraient sur le point d’aboutir, du côté de la Santé, de la CPS, du ministère des Sports ou du logement. Pas encore de quoi « combler les trous » créés par les abandons de grands projets, notent les patrons, en attendant la réactivation de l’Observatoire du BTP.
C’est désormais un rendez-vous régulier pour les acteurs du BTP. Tous les semestres, le ministère des Grands Travaux les convie à un « point d’étape », qui s’est tenu ce matin à la présidence. L’occasion pour Jordy Chan d’assurer aux représentants du secteur que le gouvernement œuvrait à « lever certains freins », et certaines inquiétudes, qui pèsent sur leur activité. À commencer par les délais de paiement de l’administration, combat permanent des entreprises répondant aux marchés publics, et dont les fluctuations sont régulièrement accusées de déstabiliser les petites et grosses structures. « Nous avons vraiment progressé : nos délais de paiement ont été réduits à 1,7 mois cette année, contre 4,3 mois en 2022, soit une diminution de 60% en deux ans », assure le ministre de tutelle de la direction de l’Équipement, qui dit avoir fait mené une analyse « de toute la chaîne administrative » pour arriver à ce résultat.
Réduire les délais de paiement et augmenter les autorisations d’extraction
Il n’est pas contredit, sur ce point, par les patrons qui se disent aussi, « dans une certaine mesure, rassurés » par ses engagements sur la question des matériaux de construction. Le problème, connu de longue date, se fait de plus en plus pressant : les carrières manquent au fenua, et les procédures administratives pour les ouvrir ou les prolonger sont lourdes. Trop lourdes, confirme le ministre. Là encore, la question des délais « a été traitée », assure-t-il, chiffrant à 2 mois le délai pour obtenir une autorisation d’extraction aujourd’hui, contre 6 auparavant. Le Pays va aussi revoir à la hausse ses activités de curage par extraction – « plus deux tiers environ », soit 30 000 mètres cube dans l’année -, pour « sécuriser nos habitants » tout en fournissant des matériaux au BTP.
« Mais surtout, on veut promouvoir la création de carrières privées, seul solution pour nous assurer un approvisionnement conséquent, pérenne, et encadré », reprend le ministre. Pour ça, un « corpus d’étude » a été mis à disposition des professionnels pour les orienter dans leurs demandes d’ouverture de nouveaux sites de construction. Le ministre annonce en outre une réforme du code des Mines, « pas adapté au pays », notamment en ce qui concerne les périodes d’autorisation et les seuils de gisements nécessaires à une ouverture. Les premières seront allongées, les secondes abaissées et ce « d’ici le mois d’octobre ». Ce qui devrait permettre, d’après le Pays, d’engendrer « dès le passage du texte à l’assemblée, la création d’une dizaine de carrières en Polynésie ». Là encore, le représentant du secteur saluent, mais espèrent que ce toilettage « ne fera pas oublier le besoin de réforme de fond » sur la réglementation minière.
« Deux à trois ans de visibilité » dans les travaux publics…
Surtout, les patrons interpellent sur le fond de leur inquiétude : les carnets de commandes. Face à eux, le ministre de l’Équipement et des Grands travaux rappelle que le « périmètre » de son action est limité. Du côté de la direction de l’Équipement, ce sont 5,7 milliards qui ont été engagés depuis le début de l’année, « ça représente le plus haut niveau d’investissement atteint par le ministère des Grands travaux depuis les cinq dernières années ». S’ajoutent les « 6 milliards de francs de travaux à venir », lancés sous forme de marché depuis le début de l’année. « Et on compte en engager davantage au cours des prochains mois, insiste Jordy Chan. Tout ça, ça permet de donner deux à trois ans de visibilité aux entreprises ».
De la visibilité, c’est aussi ce qu’a promis le gouvernement en annonçant la réactivation de l’Observatoire du BTP, toujours existant sur le papier, mais qui est inactif depuis une dizaine d’années. Les professionnels étaient sans nouvelle du ministre des Finances sur ce point : il a confirmé, via son collègue membre du gouvernement, que l’Observatoire serait réactivé en septembre. « On l’attend avec impatience, parce que ça doit nous permettre de voir l’avenir de façon plus précise sur la commande publique comme privé, et de structurer en conséquent nos actions et nos entreprises », commente Nathalie Klein, vice-présidente de la chambre syndicale des entrepreneurs du BTP.
… Et des investissements à concrétiser dans le bâtiment
Et il y aura à dire dans la prochaine réunion dédiée à cet observatoire. Car davantage que les travaux publics, c’est dans le « B » de BTP que résident les inquiétudes des professionnels. « On a eu une baisse évidente de la commande sur le bâtiment », confirme Nathalie Klein. La faute, en partie, à l’alternance politique, et à l’annulation par le nouveau gouvernement de plusieurs grands projets lancés par l’équipe précédente. Certains, comme le lycée d’Opunohu, attendent d’être « redimensionnés », d’autres, comme le Village Tahitien, sont pour l’instant mis de côté par un gouvernement soucieux de conserver des capacités d’investissements pour mener des projets inscrits dans son programme (transport en site propre, et projets touristiques dans des îles moins développés qu’à Tahiti ou Bora, par exemple). Problème, pour les professionnels : les remplaçants de ses projets tardent à être mis sur la table.
Jordy Chan, s’il n’a pas voulu s’avancer sur le programme des autres ministères durant cette réunion, assure tout de même que les grands mouvements sont lancés. Du côté de son ministère, un appel à projets a été lancé pour un grand projet en face de la gare maritime. Le ministre de la Santé préparerait aussi des annonces : la réhabilitation du centre 15, qui doit accueillir l’ICPF, doit être lancé « dès ce mois-ci ». Un chantier à 800 millions de francs, auquel s’ajoute un autre à trois milliards, avec la construction d’un immeuble mixte dans le quartier Vienot sur une parcelle appartenant à la CPS. La caisse doit aussi annoncer des plans de construction d’un autre bâtiment, là aussi « à usage mixte » et « d’envergure encore plus grande » sur une partie de la parcelle qui fait face à la clinique Paofai, et qui sert aujourd’hui de parking. Des promesses d’investissement, aussi, du côté du ministère des Sports qui « prévoit de lancer pour 10 milliards de francs de travaux » avant les Jeux du pacifique 2027. Quant à la présidence, si des interrogations persistent sur les plans de Moetai Brotherson concernant les grands projets touristiques – une AMI a été lancée en mai sur le sujet, mais le chef du gouvernement a aussi promis des investissements « sans défisc » – Jordy Chan évoque une « relance des travaux de construction de logements par l’OPH ».
Les entreprises attendent de voir
Les professionnels restent plutôt circonspects face à cette liste, encore peu détaillée. « Ce qu’on veut c’est du concret », explique un représentant, qui s’interroge sur la « réponse à court terme » du gouvernement au problème « des trous dans les carnets de commandes ». « Il s’agit d’activité, mais il s’agit aussi de ne pas perdre les compétences qu’on a dans les entreprises par manque de projet », insiste un autre.