L’office a signé il y a quelques jours un accord avec les promoteurs du câble Transpacifique Hawaiki Nui pour envisager un raccordement de la Polynésie. Cette nouvelle connexion servirait notamment à transporter les données issues du câble Chili – Tahiti, lui aussi en projet. Et ainsi faire du fenua un « carrefour régional de l’internet » entre l’Asie et les Amériques.
Des études mais pas encore d’engagement pour l’OPT. L’Office des postes et télécommunication a annoncé ce lundi avoir signé un « Memorandum of understanding » (MoU) avec le groupe Bw Digital. Une filiale d’un géant maritime norvégien qui a racheté cette année la société mère du premier câble trans-Pacifique Hawaiki, mis en service en 2018. Pas des inconnus au fenua, puisque ce câble est depuis peu connecté au câble Manatua, co-construit par l’OPT en direction des Cook, de Niue et des Samoa. Ce deuxième projet, à la tête duquel on trouve toujours l’entrepreneur Rémi Galasso, est encore plus ambitieux : Hawaikii Nui c’est 26000 kilomètres de câble qui doivent relier Singapour à l’Indonésie et à plusieurs grandes villes australiennes et néozélandaises, avant de s’élancer vers les Samoa américaines, Hawaii et enfin Los Angeles. Sur le site de BW, les cartes du tracé prévisionnel comportent déjà une bifurcation de quelques 2000 kilomètres en direction de Tahiti.
Vers une troisième et une quatrième connexion ?
Rien n’est confirmé, pourtant, loin de là. Si l’OPT a signé ce MoU, c’est justement pour étudier la faisabilité, le coût et surtout l’intérêt économique de ce raccordement. Et de l’intérêt, il n’en a que par l’existence d’un autre projet : le câble reliant les côtes chiliennes au fenua, en passant par l’île de Pâques mais aussi par Rikitea et Moruroa. « Il est clair que si le projet Chili – Tahiti aboutissait, il ramènerait des flux très importants, qui dépassent largement les capacités de Honotua et Manatua, explique Jean-François Martin, le PDG de l’OPT. Le câble Hawaiki Nui, entre Singapour et Los Angles permettrait de traiter et d’acheminer des flux d’Asie et des États-Unis, et avec cette branche vers Tahiti et le Chili, on formerait aussi une boucle avec l’Amérique du Sud ».
Cette connexion au Chili reste elle-même à confirmer. Le gouvernement de Santiago l’avait même un temps abandonnée, au profit d’une connexion directe avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Avant de se raviser et de confier la gestion du projet… à Rémi Galasso et à BW Digital, au travers une autre filiale, H2. L’entrepreneur, qui connait bien le fenua pour avoir travaillé, avec Alcatel sur le premier câble polynésien Honotua, a remis l’idée du tracé tahitien sur la table, comme une alternative ou même un ajout au câble Chili – NZ, qui passe beaucoup plus au Sud, dans les eaux froides de l’Antarctique. Un appel d’offres sur ces deux tracés devrait permettre d’y voir plus clair sur la viabilité du projet d’ici la mi-octobre.
Un « carrefour régional de l’Internet »
En Polynésie l’OPT comme les autorités n’ont de cesse de faire la promotion de cette connexion vers l’Amérique du Sud. L’enjeu premier n’est plus la sécurisation de l’accès internet, comme c’était le cas avec la pose de Manatua, mais bien l’idée de développement économique et numérique. « Si l’intérêt financier était confirmé, et ça va être au centre des études, ça permettrait à Tahiti de ses positionner comme un véritable hub dans le Pacifique Sud », un « carrefour de l’internet » entre l’Asie et les Amériques, reprend Jean-François Martin. Il faudra trouver des financements, bien sûr, mais ils pourraient passer par des pré-ventes de capacité à certains opérateurs numériques, dont les géants du net que sont Google, Facebook et les autres Gafam.
L’OPT assure travailler en « étroite collaboration » avec le Pays et l’État sur ce sujet. Édouard Fritch, qui s’était déjà rendu au Chili pour parler câble et connexion par le passé, a évoqué le sujet ces derniers jours à Paris. Et dans le contexte de hausse des tension dans le Pacifique, Paris se montre très attentif à la question des connexions internationales de ses territoires. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le PDG de l’OPT, comme Rémi Galasso, d’ailleurs, parlent de projets de « développement de l’axe Indopacifique », notion très chère à Emmanuel Macron.
Aucun calendrier, ni aucun chiffre n’est pour l’instant sur la table. Y compris pour le coût des études qui seront menées sous la houlette de BW Digital, qui a déjà lancé les premiers appels d’offres du projet. « Notre seul engagement à ce stade, si ce n’est de discuter et d’étudier ensemble, répète Jean-François Martin. Ce sont des études d’opportunités, qui seront présentées au conseil d’administration de l’OPT pour décider, ou non, de s’engager sur ce projet ».