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Cancer du sein : le choix très lourd de la reconstruction

© FABIENNE FAUR / AFP

OCTOBRE ROSE – Après l’épreuve de la maladie, certaines patientes doivent choisir de reconstruire le sein opéré. Un choix souvent très délicat.

« Le cancer ne se termine malheureusement pas avec la fin de la chimio », lâche Estelle, 42 ans. Atteinte d’une forme violente de cancer du sein, elle a subi une mastectomie il y a deux ans. Dans la foulée de l’opération, le chirurgien lui a posé une prothèse. « J’ai eu beaucoup de mal à accepter ce nouveau sein, il n’était pas à moi, je ne me sentais plus femme », poursuit Estelle, encore sous le choc.

« Faire le deuil de mon sein »

Estelle n’est pas un cas isolé. Comme elle, de nombreuses femmes acceptent la reconstruction mammaire immédiatement après l’opération. Plus simple pour les chirurgiens, pas forcément pour les patientes. « Il est indispensable de consulter avant une telle opération », conseille Carole Louvel, psychothérapeute, elle-même atteinte d’un cancer en 2006. Consulter avant et savoir aussi s’entourer.  » Quand elles ont terminé les traitements, quand elles sortent de ce très long tunnel où elles ont été extrêmement encadrées par le personnel hospitalier, elles se retrouvent toutes seules », poursuit Carole Louvel.

Ester, elle, est tombée malade très jeune. A 33 ans. Elle aussi a subi une mastectomie mais Ester a voulu prendre le temps. Elle a voulu peser le pour et le contre d’une reconstruction. « J’ai déjà eu beaucoup de mal à trouver des informations sur le sujet », rembobine cette mère de deux enfants. Pas question de porter une prothèse, elle ne « l’aurait pas supportée ». Elle a trouvé la méthode par DIEP (qui consiste à prélever de la peau et la graisse sur l’abdomen pour opérer la reconstruction, ndlr). « Cette reconstruction a été indispensable par rapport à ma féminité », estime Ester. « C’est ce qui m’a permis de faire le deuil de mon sein ». Aujourd’hui, elle voit ses deux seins de la même manière, « avec leurs cicatrices, leurs parcours ».

« Des femmes mutilées par la chirurgie »

Laurent Benadiba est chirurgien plasticien, spécialisé dans la reconstruction mammaire. Des femmes mal préparées, il en a vu énormément. « On arrive derrière les cancérologues qui ont enlevé le sein et souvent, les patientes sont très en colère car elles sont mutilées », raconte ce praticien. « Elles attendent beaucoup de la reconstruction et c’est normal. Le sein est un symbole de féminité très important. Il y a la vie mais il y a aussi la qualité de vie », poursuit-il. « Il ne suffit pas d’être vivant, il faut pouvoir bien vivre. Une femme qui ne peut plus montrer son sein parce qu’il est meurtri, elle ne vit pas, elle survit ».

S’il existe différentes techniques de reconstruction (DIEP, TRAM, autogreffe de son propre gras, BRAVA-AFT, etc.), aucune ne garantit une guérison psychologique rapide. « Ces femmes ont été totalement déconstruites par la radiothérapie, la chimiothérapie », estime Jocelyne Rolland, kinésithérapeute qui aide les femmes atteintes d’un cancer du sein. En 2009, elle décide de créer le « Rose Pilates », une « gymnastique complète qui aide ces femmes à se réapproprier progressivement ce corps meurtri ».

« Une véritable sensation de renaissance »

Nouara, 59 ans, a connu cette douloureuse épreuve du cancer. Elle a eu vent de ces cours de « Rose Pilates » et a voulu essayer. Très rapidement, elle a été conquise. « Après la sensation de renaissance, après la disparition de certaines douleurs post-cancer, ma séance hebdomadaire de pilates me procure toujours autant de bien-être », confie-t-elle. Au sol, elle met son corps à rude épreuve. Et Jocelyne Rolland ne les épargne pas. « Je leur demande de s’appuyer sur leur sein meurtri, sur les endroits du corps opérés », témoigne la kiné. « Autant de gestes indispensables qui les aide se réconcilier avec leur corps et à aller mieux ». Si l’exercice physique réduit jusqu’à 50% les risques de récidive, il est aussi indispensable pour lutter contre la fatigue et les douleurs post-chimio. « Je me sens beaucoup moins seule dans cette épreuve grâce à ces cours », conclut Geneviève, qui ne rate jamais une séance de Pilates.

Source : Europe1