Le parquet général, qui exerce les fonctions du ministère public devant la cour d’appel, a décidé de faire appel de la décision du tribunal de première instance de relaxer le père de famille qui cultivait du cannabis pour soulager son fils épileptique, alors même que la procureure de la République n’avait, elle, pas fait appel de ce jugement. Me Millet estime que ce dossier « fait les frais de la guerre entre le parquet de première instance et le parquet général » et affirme qu’en Polynésie, « on condamne et on emprisonne deux fois plus qu’en France métropolitaine » dans les affaires de cannabis.
Cette affaire dont la genèse remonte à 2011 n’est pas près de se terminer. À cette époque, le fils de Ariimatatini Vairaaroa commence à être atteint de crises d’épilepsie sévères, qui résistent aux traitements conventionnels et au ra’au tahiti. Le père de famille va se mettre à cultiver du cannabis dans le jardin familial de Taravao. Les forces de l’ordre y trouveront une centaine de pieds, à partir desquels est élaborée l’huile qui soulage le garçon, aujourd’hui âgé de 13 ans.
Le procureur de l’époque, Hervé Leroy, lance les poursuites judiciaires. Lors de l’audience du 14 juin dernier, fait extrêmement rare, le ministère public avait requis une dispense de peine en rappelant que le droit français permet au parquet de juger de l’opportunité des poursuites. Il avait été suivi par les juges, une décision saluée par le défenseur de Ariimatatini Vairaaroa, Me Thibault Millet.
Ce dernier a appris en fin de semaine dernière que le parquet général – qui exerce les fonctions du ministère public devant la cour d’appel – a décidé de faire appel de cette décision. Le parquet du tribunal judiciaire, dirigée par la procureure de la République Solène Belaouar, avait choisi de ne pas le faire, mais le parquet général en a également le pouvoir. Le substitut général Jacques Louvier confirme : la relaxe « ne correspond pas à ce que prévoit la loi », dit-il, et pour lui « l’opportunité des poursuites » évoquée en première instance va bien dans le sens d’un nouveau procès. Le père de famille, en état de récidive, risque deux ans d’emprisonnement.
Me Millet, qui parlait alors de « justice à visage humain », Il poursuit : « C’est révoltant parce qu’il me semble que toute la Polynéie avait été émue par cette histoire tragique. » Il estime que son client fait les frais de la guerre larvée entre magistrats qui agite le palais de justice depuis plusieurs mois et qui a provoqué une quatrième inspection en trois ans.
L’avocat dénonce aujourd’hui un « parquet général manifestement radicalisé » et « une politique pénale extrémiste et déshumanisée qui va infliger un nouveau procès à cette famille qui ne cherche qu’une chose: soigner son enfant en paix. » Et il souligne que la justice en Polynésie est particulièrement répressive sur le sujet : « On vient condammner deux fois plus qu’en France métropolitaine, on vient emprisonner deux fois plus. »
Rappelons que le projet de loi du Pays qui autoriserait la culture du cannabis à des fins thérapeutiques est toujours en préparation.