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« C’est Tahiti passé au lance-flammes » dit l’auteur de « Maeva nulle part »

Quatre ans après la sortie de son premier roman, Mourareau revient avec « Maeva nulle part », l’histoire de Manutahi qui à l’aube de la quarantaine revient sur son parcours depuis les Gambier jusqu’à Papeete en passant par le Mali. Une critique cinglante de la Polynésie et de ses inégalités, servie par une plume cynique et trempée dans l’encre de l’humour noir.

Méridien zéro était sorti quelques jours avant le premier confinement, coupant court à la promotion de ce premier roman dystopique mêlant absurde et humour noir, sur un couple de Parisiens qui débarque en Polynésie, persuadé de pouvoir changer de vie. « Une désillusion » provoquée par la pandémie pour l’auteur, dit son éditeur Christian Robert, mais que Mourareau a à présent surmontée pour revenir à la charge avec son nouveau roman, Maeva nulle part.

« Celui-ci est un roman qui est beaucoup plus personnel », dit Mourareau. Il s’est souvenu de sa propre enfance aux Gambier, de ses camarades arrachés à leur foyer et placés en internat, pour imaginer la suite du parcours de Manutahi, décrocheur scolaire exploité par sa famille sur une ferme perlière, petit dealer vite rattrapé par la patrouille, engagé dans l’armée comme 600 Polynésiens chaque année – « autant qu’en Île-de-France où il y a 12 millions d’habitants », souligne l’auteur -, traumatisé par son expérience militaire au Mali, revenu au fenua et nulle part chez lui, « en état de désarroi profond et de colère », dit Mourareau qui dénonce « un problème social qu’on ne veut pas voir ».

« Il y a des situations sociales dans ce pays qui sont insupportables »

« C’est Tahiti passé au lance-flammes, c’est clair, dit l’auteur. J’écris ça parce qu’il y a tellement de choses qui me sont insupportables, tellement flagrantes. J’utilise le roman pour rappeler qu’il y a des situations sociales qui existent dans ce pays qui sont insupportables, et personne n’en parle. Comme ces enfants qui passent par les internats, eux-mêmes n’en parlent pas alors que ça a été un désastre pour eux, ces parcours scolaires chaotiques, sur des programmes décidés en métropole, cette honte qui est intériorisée. Je n’en connais aucun qui est arrivé jusqu’au niveau du Bac. »

Il l’admet, « la première version était un pamphlet, Christian Robert m’a dit qu’on allait avoir des procès. Il a fallu que je mette de l’eau dans ma vodka, on n’est pas là pour se défouler, quoi. » Au total, Maeva nulle part représente deux ans de travail en collaboration avec son éditeur pour transformer le brûlot en roman. Ce qui fait que le récit d’un désastre psychologique et sociétal agrippe son lecteur, c’est le sens de la formule et l’humour noir de Mourareau, déjà présents dans son premier ouvrage. C’est ainsi qu’il résume l’arrivée du CEP : « Le béton est déglouglouté directement sur le corail décédé. (…) De Gaulle est un paysagiste. »

Ne ratez pas ce livre, écrit par un auteur qui lui non plus ne se sent nulle part chez lui, mais à qui la vie à donné les clés pour l’être partout : né et élevé au fenua d’un père français et d’une mère d’origine chinoise, doté d’un diplôme prestigieux d’une fac métropolitaine, ex supplétif de l’administration locale et créateur d’une start-up « pulvérisée par une offensive politico-judiciaire », comme le dit sa bio, Mourareau s’apprête à partir voir à Fidji s’il y est, en attendant de s’atteler au prochain roman.

  • Maeva nulle part, de Mourareau, publié par Au Vent des Îles

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