TOUTE PUISSANTE – Brasilia a dû voter la « loi générale de la Coupe », qui dédouane la Fifa de toute responsabilité et préserve les sponsors de la Coupe du monde.
Le Brésil doit gérer une fronde sociale et l’organisation de la Coupe du monde de football au même moment. 42 employés du métro de Sao Paulo ont été licenciés lundi pour avoir fait grève, en vertu d’une législation mise en place pour la Fifa, estiment les signataires d’une tribune dans Libération. La Fédération, elle, n’est pas très inquiète, puisqu’elle a assuré ses arrières en mars 2012 en faisant voter la Lei geral da Copa, la loi générale de la Coupe.
Le Fifa protège ses deniers. Cet appareil législatif imposé par l’instance internationale du football bouleverse fortement l’économie brésilienne. Quand la Seleçao jouera, la Fifa a ordonné un jour férié dans les villes.
Plus grave : porter atteinte à l’image de la Fifa ou à ses sponsors est désormais un crime fédéral, tout comme l’utilisation sans autorisation de l’image de la Coupe du monde. Des employés de métro de Sao Paulo ont été licenciés après leur grève justement dans le cadre de cette loi. « C’est une grave atteinte à la liberté d’expression », estime pour Europe 1 Marc Perelman, chercheur en esthétique philosophique à Nanterre, signataire de la tribune.
La tradition du football populaire en prend également pour son grade, puisque la Fifa a imposé la fin des prix réduits. Le gouvernement a malgré tout voulu maintenir des tarifs seniors.
La libre-concurrence, connais pas. Mais les vrais protégés de la Fifa avec cette Lei geral da Copa controversée, ce sont ses sponsors. Fini l’interdiction de boire de l’alcool dans les stades brésiliens. Peu importe la violence engendrée par la consommation d’alcool, la Fifa veut préserver ses relations avec un de ses plus gros sponsors, Anheuser-Busch, qui fabrique la bière Budweiser. La fédération a également assuré de gros cadeaux aux entreprises engagées dans l’organisation de la compétition, notamment les entreprises de travaux publics, grâce à des exonérations fiscales, des réductions de délais dans l’obtention de permis, …
Comme le remarque pour Europe 1 le sociologue Patrick Vassort, la Fifa a réussi à mettre la libre-concurrence entre parenthèses le temps de la compétition. Elle se réserve le privilège de toute activité commerciale sur certains produits aux abords des stades. Les 300.000 vendeurs installés dans un périmètre de 2km autour des stades devront baisser leur rideau s’ils ont l’intention de vendre des produits de sponsors de la Fifa.
Des tribunaux spéciaux. Pour juger si les Brésiliens respectent ou non cette loi Fifa, l’instance internationale de football a bien l’intention de créer des tribunaux d’exception, comme cela a été le cas en Afrique du Sud, totalement anticonstitutionnels dans un pays qui assure l’égalité de ses citoyens devant la justice. Pourtant, le Tribunal fédéral suprême a débouté une action contre la Loi générale de la Coupe.
De plus, la Fifa se dédouane par avance d’éventuels incidents : « Le gouvernement fédéral assumera la responsabilité » d’un incident « lié à la sécurité » et « objectivement attribué à la Fifa, à moins que la Fifa elle-même contribuera à cet incident », explique l’Etat.
Mais le Brésil le promet, l’Etat garde sa souveraineté, puisqu’ »aucun amendement ne va à l’encontre de la Constitution fédérale ou de l’ordre légal du pays. » Ce n’est pas l’avis des deux signataires de la tribune de Libération, qui estiment, comme l’ancien joueur brésilien Romario, que la Fifa sera le temps du Mondial « la vraie présidente du Brésil ». Cette loi temporaire, dans tous les cas, sera supprimée cinq jours après la compétition.
STATU QUO – La grève du métro suspendue
MOUVEMENT SOCIAL – Grève dans le métro à Sao Paulo
CONTESTATION – Qui sont les manifestants brésiliens ?
INTERVIEW – « La Fifa fait une sorte de néo-colonialisme », selon Sébastien Lapaque