ACTUS LOCALESPOLITIQUE Charles III devient chef d’état de sept pays du Pacifique Charlie Réné 2022-09-08 08 Sep 2022 Charlie Réné Le prince Charles, aujourd'hui Charles III, en visite aux îles Salomon en 2019. Australie, îles Salomon, Papouasie Nouvelle-Guinée, Tuvalu, Nouvelle-Zélande, et, par association, Niue et les îles Cook… Autant de pays océaniens dont Elizabeth II, décédée à 96 ans, était la cheffe d’État. Outre les commémorations, des changements sur les pièces, les hymnes, les passeports ou les jours fériés par exemple, sont déjà à l’étude. Et la fin de ces sept décennies de règne pourrait remettre sur la table des débats sur le statut de la couronne britannique dans certains états. Si le décès d’Elizabeth II, monarque qui a eu le plus long règne au monde depuis un certain Louis XIV, a provoqué des réactions dans le monde entier, il a eu une résonance particulière dans le Pacifique. Il faut dire que le « trône d’Angleterre » rayonne bien plus loin que le Royaume-Uni : son occupant règne sur quinze royaumes du Commonwealth. Le chiffre, certes, a fondu : au plus haut de son pouvoir, Elizabeth II était cheffe d’état officielle d’une trentaine de pays, le dernier ayant quitté la liste étant la Barbade, qui a voté pour une république et une présidente en 2021. Reste tout de même le Canada, Belize, plusieurs îles des Caraïbes, mais surtout des états souverains du Pacifique, un temps colonies britanniques, aujourd’hui indépendants mais qui ont gardé leur lien avec la couronne. Le Prince Charles, devenu Charles III, est ainsi, d’ores et déjà, le chef d’état officiel de l’Australie, des îles Salomon, de la Papouasie Nouvelle-Guinée, de Tuvalu, et la Nouvelle-Zélande, soit près de la moitié des états insulaires indépendants du Pacifique Sud. Son « règne » s’étend aussi à Niue et aux îles Cook, voisin direct de la Polynésie française, du fait de leur accord d’association avec Wellington. Fidji, dont une bonne partie des billets de banque affichent encore le visage de la reine, a choisi la voie de la république en 1987, même si le Conseil des Chefs a continué de reconnaitre Elizabeth II comme monarque jusqu’en 2012. Politique à l’arrêt et hommages nationaux Charles III, comme sa mère, n’aura pas de pouvoir politique propre dans la région, à l’exception de Pitcairn, territoire intégré au Royaume-Uni. Chacune des monarchies du Commonwealth a sa propre constitution et son propre fonctionnement politique, mais la couronne est généralement représentée par des gouverneurs, souvent locaux et qui agissent sans avoir à se référer systématiquement à Londres. Leurs pouvoirs sont quoiqu’il arrive limités à des charges symboliques, et des obligations d’interventions en cas de crise institutionnelle. Mais la passation de pouvoir entre Elizabeth II et son héritier, qui l’assistait dans ses fonctions depuis déjà une cinquantaine d’années, n’est pour autant pas anodine dans les monarchies du Pacifique. 96 coups de canons sur le front de mer de Wellington, illumination de l’opéra de Sydney, suspension des travaux parlementaires, annulation d’évènements en cascade pour ne pas entrer en conflit avec les journées de deuil officiel, déplacement d’importantes délégation pour les funérailles à Londres, drapeaux en berne sur les bâtiments officiels partout ailleurs… Les hommages prennent la forme de commémorations nationales, et se posent déjà des questions sur les conséquences de cette transition. Billets, pièces, timbres, passeport Dont celle-ci, beaucoup débattue sur Twitter ces dernières heures : faut-il changer toutes les pièces et billets à l’effigie de la Reine ? Camberra a déjà répondu, en annonçant que des pièces de dollars australien à l’effigie de Charles III, conçues depuis quelques mois mais pas encore frappées, commenceront à être mises sur le marché dès l’année prochaine. « Mais contrairement à ce que nous avons pu lire, les pièces à l’image de la reine gardent un cours légal » a tenu à préciser un représentant du Trésor au Guardian. Mêmes questions en Nouvelle-Zélande, pour les billets – une nouvelle gamme ayant été éditée récemment, le changement n’est pas tout de suite à l’ordre du jour -, les timbres – qui ne changeront pas non plus pour le moment – et même les passeports, qui devront être émis « au nom de Sa Majesté Charles III ». Autre question : que faire des jours fériés liés à Elizabeth II ? Les Néo-Zélandais, comme d’autres, se sont habitués, en 70 ans de règne, à ne pas travailler pour le jour anniversaire de Sa Majesté, le 21 avril. La première ministre Jacinda Ardern a déclaré que ce jour chômé serait maintenu, avec un éventuel changement de nom, et d’autres pays ou provinces pourraient suivre. Moins de difficultés pour les hymnes qui contiennent souvent le mot « queen » : le mot « king » le remplacera sans dommage. Les républicains attendent leur heure En dehors de ces questions très pratiques, la disparition d’Élizabeth II devrait engendrer des débats profonds. Notamment sur la question du rattachement constitutionnel à la couronne. Et les partisans de la République le savent : si la population semblait jusqu’à présent largement acquise à l’idée d’avoir un chef d’état étranger, c’est un peu par tradition, et beaucoup par affection pour la personne d’Élizabeth. Aux îles Salomon, en Papouasie Nouvelle-Guinée ou Tuvalu, trois pays qui ont pris leur indépendance dans les années 70 et donc n’ont connu qu’une seule reine, la nouvelle figure du souverain pourrait créer de nouveau débats. En Nouvelle-Zélande ou en Australie, ils existent depuis beaucoup plus longtemps, avec des hauts et des bas. L’image très consensuelle d’Elizabeth II avait tendance à éloigner l’idée d’un changement de régime. Celle de Charles III convaincra-t-elle autant ? En tout cas, les républicains se tiennent prêts. « Repose en paix Reine Elizabeth II, nos pensées vont à sa famille et à tous ceux qui l’ont aimée, a ainsi écrit le leader du parti Vert australien Adam Bandt sur Twitter. Maintenant, l’Australie doit aller de l’avant. Nous avons besoin d’un traité avec les « First Nations » (mouvements aborigènes, ndr) et nous devons devenir une République ». Du côté de Wellington, l’heure est au deuil. Mais la Première ministre Jacinda Ardern, membre du parti travailliste historiquement républicain, avait déjà annoncé qu’elle « encouragerait le débat national sur la coupure des liens avec la famille royale ». 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