Christian Vernaudon, représentant de la Polynésie française au Conseil économique, social et environnemental (CESE) à Paris, sort de sa réserve habituelle pour s’insurger contre le confinement tel qu’il est appliqué au fenua. Pour lui, les décisions et les lois du Pays prises dans la gestion de la crise provoquée par le covid-19 sont potentiellement entachées d’illégalité. Il demande au haut-commissaire de prononcer sans tarder la fin du confinement en Polynésie, en s’appuyant précisément sur le texte de loi qui l’a mis en place.
Depuis le 30 mars dernier, Christian Vernaudon a écrit à plusieurs reprises au Haut-commissaire Dominique Sorain, à la ministre des Outre-mer Annick Girardin, au Premier ministre Édouard Philippe et son conseiller outre-mer Xavier Brunetière. Son sujet : le confinement en Polynésie française et la « co-gestion » de la crise par l’État et le Pays.
Pour lui, la situation juridique étant ce qu’elle est, le Haut-commissaire est la seule personne compétente en Polynésie française – par délégation de pouvoir du Premier ministre, lui-même détenant des pouvoirs exceptionnels de par la loi du 23 mars 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire – pour pouvoir mettre en place des restrictions aux libertés publiques qui sont « inédites dans toute l’histoire de la France ». L’ensemble des dispositions 1 à 10 de l’article 35 (les interdictions de circuler, de travailler, etc) revient à « mettre les gens en prison chez eux, » dit Christian Vernaudon.
« La première de nos libertés c’est de pouvoir revenir à notre domicile, dans notre famille, et sur notre lieu de travail ! »
« Il me semble que le moment est venu de respecter la loi, » dit-il en citant le texte : « les mesures prescrites en application des points 1 à 10 du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. » C’est ce passage spécifique que Christian Vernaudon voudrait que les autorités « comprennent et appliquent, » et en l’occurrence, dit-il, c’est le haut-commissaire qui doit le faire, puisqu’il est « seul responsable habilité à prendre ces mesures ».
C’est pourquoi, explique-t-il, la décision initiale d’Édouard Fritch de ne pas laisser revenir les résidents polynésiens au fenua l’a choqué. « Il n’y a aucun autre pays au monde qui dit je ne rapatrie pas mes nationaux, certainement pas la France qui a rapatrié 150 000 personnes. Thierry Santa en Nouvelle-Calédonie l’a fait. La première de nos libertés c’est de pouvoir revenir à notre domicile, dans notre famille, et sur notre lieu de travail !»
Christian Vernaudon estime qu’à présent, la Polynésie dispose des moyens médicaux pour combattre l’épidémie de covid-19. Il demande donc au haut-commissaire de décréter « sans délai, le déconfinement de toutes les îles de Polynésie, y compris Tahiti et Moorea. »
« La liberté doit redevenir la norme », estime-t-il, même s’il reconnaît que le couvre-feu a eu un effet positif pour la lutte contre les trafics de drogue. Seules doivent subsister des exceptions à la règle, comme l’obligation de confinement strict des personnes testées positives ou l’interdiction de grands rassemblements.
Dominique Sorain recevra Christian Vernaudon mardi prochain.