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Climat, grands fonds, diplomatie, Calédonie… Un FIP sous tension à Tonga

Moetai Brotherson a atterri ce samedi à Nuku’alofa, capitale du royaume du Tonga où est organisé le 53e sommet du Forum des îles du Pacifique (FIP). Un rendez-vous au programme de discussions chargé. Les leaders océaniens devraient échanger sur leur politique en matière d’exploitation des grands fonds marins, débattre des tensions entre les blocs américain et chinois, évoquer les violences en Nouvelle-Calédonie, où le FIP n’a pas réussi à mener une mission, et encore interpeller sur les effets des changements climatiques dans la région. Présent à Tonga, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a déjà donné le ton en parlant de risque « d’anéantissement » de territoires. 

Une « Polycrise ». C’est le terme qui a été utilisé par le Premier ministre des Fidji, Sitiveni Rabuka, pour qualifier les nombreuses tensions qui traversent ces temps-ci le Pacifique. Une référence aux effets des changements climatiques qui s’annoncent dramatiques pour les pays de la zone, à la fragilité maintes fois démontrée de beaucoup de territoires de la région face aux évènements climatiques, à leurs défis encore nombreux en matière de développement et de lutte contre la pauvreté, aux tensions américano-chinoises qui divisent les diplomates des états océaniens, ou encore, plus récemment aux violences que connait la Nouvelle-Calédonie depuis plus de trois mois… Autant de sujets qui, d’une manière ou d’une autre, devraient être abordés à partir de ce dimanche (lundi à Nuku’alofa) lors du 53e meeting des leaders du Forum des îles du Pacifique organisé à Tonga. Un sommet du FIP sous tension, donc, mais surtout un sommet très observé par le reste de la communauté internationale.

Elon Musk pas confirmé, Antonio Guterres déjà sur place

Les 18 états et territoires membres – la Polynésie et la Calédonie sont devenus membres à part entière de l’organisme régional en 2016 – avaient d’ailleurs lancé des invitations pour ce rendez-vous annuel. Elon Musk, convié en tant que magnat des télécoms, avec Starlink ou SpaceX, n’a pour le moment pas donné de suite à l’appel du gouvernement tongien, à qui il avait apporté une aide précieuse après l’éruption du Hunga Tonga en 2022.

En revanche, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a déjà atterri à Nukualofa, ce samedi. Dès son arrivée, il a pu échanger avec le nouveau secrétaire général du FIP, le Nauruan Baron Waqa, nommé début juin, évoquant des projets comme le Centre de résilience du Pacifique lancé par le forum, ou l’Index de vulnérabilité multidimensionnel, nouvel indicateur adopté il y a quelques jours par les Nations-Unis. Antonio Guterres avait déjà eu l’occasion de donner le ton de son intervention au sommet du FIP, depuis les Samoa où il était en visite ces derniers jours. « Le niveau élevé et croissant des mers constitue une énorme menace pour les Samoa, le Pacifique et d’autres petits États insulaires en développement, et ces défis exigent une action internationale résolue » avait-il rappelé, parlant de territoires qui risquaient d’être « anéantis » dans un futur proche.

Le diplomate portugais, cité par l’AFP, a aussi précisé, en référence au jeu d’influence des grandes puissance dans la région, que « le Pacifique est mieux géré par les habitants des îles du Pacifique. Il ne doit jamais devenir un forum de compétition géostratégique.” Il devrait sur ce point rejoindre Baron Waqa. Dès ses premières déclarations en tant que secrétaire général du FIP, en juillet, l’ancien président de Nauru, fervent défenseur d’un non-alignement du Pacifique entre les deux grands blocs américains et chinois, avait appelé les superpuissances à ne pas mener « leur bagarre dans notre arrière-cour ».

Pas de mission en Nouvelle-Calédonie

Reste que ce meeting sera, une fois de plus, un rendez-vous important dans le jeu diplomatique international. Nombre d’organismes onusiens ou régionaux seront représentés, de même que des ONG actives dans la région, et bien sûr les grandes puissances, dont l’Union européenne qui dépêche chaque année son ambassadeur pour le Pacifique. Le ministère des affaires étrangères taïwanais a aussi envoyé un émissaire au sommet. Il s’agira entre autres de s’entretenir avec les trois derniers pays de la région qui entretiennent des relations diplomatiques avec Taipei (Palau, les îles Marshall et Tuvalu), et qui sont plus que jamais courtisés par Pékin pour rompre ces liens, comme ça été le cas de Nauru en janvier. La Chine, qui doit d’ailleurs recevoir à son tour Antonio Guterres courant septembre, sera aussi représentée… Et sera quoiqu’il arrive dure à oublier puisque l’essentiel des échanges de ce FIP auront lieu dans un centre de congrès à 25 millions de dollars offert par Pékin.

Moetai Brotherson, qui a décollé jeudi soir de Tahiti – Faa’a est lui aussi arrivé ce samedi à Nuku’alofa, d’où il ne doit rentrer que le 2 septembre. Le président polynésien attend notamment, de cette semaine de discussions, une clarification de la position régionale, pour l’instant très divisée sur l’exploitation des grands fonds marins. Et des avancées sur le dossier calédonien, toujours loin d’être résolu et dans lequel il avait proposé, dès le mois de mai, l’aide de la Polynésie et de la communauté régionale.

Le FIP devait envoyer cette semaine une mission à Nouméa, ce qui aurait permis d’adresser aux leaders réunis à Tonga un rapport sur la situation. La demande avait été formulée par le président indépendantiste du pays Louis Mapou, et avalisée par Paris. Mais la mission avait été subitement « suspendue » en fin de semaine dernière, et n’a pas été reprogrammée sur le Caillou. La faute, d’après le Forum à un « problème de protocole ».

Radio Nouvelle-Zélande, Les Nouvelles Calédoniennes et Nouvelle-Calédonie la 1ere parlent plutôt de « différents entre l’État et le gouvernement » local sur l’organisation et l’encadrement de la mission. « L’État français a décidé de contrôler seul le sujet et l’objet de la mission ainsi que ses conclusions futures », avait ainsi déclaré Roch Wamytan, président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, auprès de RNZ. L’État avait de son côté rappelé ses prérogatives en matière de diplomatie et pointé, d’après LNC, un manque de coopération du gouvernement local. Pas de mission, ou en tout cas pas de mission à temps pour le sommet, donc. Ce qui n’empêchera pas les leaders du FIP d’aborder le brûlant sujet calédonien.

 

Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et l’actuel secrétaire général du FIP, le naruan Baron Waqa, ce samedi. ©FIP

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