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Colombie: la date du 23 mars pour un accord de paix remise en cause

© AFP/Archives LUIS ACOSTALe président colombien Juan Manuel Santos, le 4 mars 2016 à Bogota

Bogota (AFP) – La perspective d’un accord de paix définitif le 23 mars en Colombie s’est définitivement éloignée mercredi, le président Juan Manuel Santos écartant l’idée de signer « un mauvais accord » juste pour respecter la date limite fixée avec la guérilla des Farc.

« Après tant d’efforts, tant de temps, si le 23 (mars) nous ne parvenons pas à un bon accord, je propose à l’autre partie de fixer une autre date parce que je ne respecterai pas une date avec un mauvais accord », a déclaré Juan Manuel Santos, venant confirmer une hypothèse évoquée par la guérilla elle-même et auparavant par l’ONU.

« Je veux que ce soit très clair: je ne vais pas signer un mauvais accord pour respecter une date », a réitéré le chef de l’Etat, promettant de signer « un bon accord pour les Colombiens » à l’issue des pourparlers menés depuis plus de trois ans à Cuba avec la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes).

M. Santos repousse ainsi la limite du 23 mars fixée avec le chef des Farc, Rodrigo Londoño, plus connu sous ses noms de guerre, Timoleon Jimenez ou « Timochenko », après leur poignée de main historique le 23 septembre dernier à La Havane.

Le gouvernement et les Farc, première guérilla du pays avec quelque 7.500 combattants selon des chiffres officiels, négocient depuis novembre 2012 pour mettre fin à plus d’un demi-siècle de guerre interne.

– Fin juin ou fin de l’année ? –

Au fil des décennies, le complexe conflit colombien a impliqué guérillas d’extrême gauche, paramilitaires d’extrême droite et forces armées, sur fond de violences des narcotrafiquants, faisant plus de 260.000 morts, 45.000 disparus et 6,6 millions de déplacés.

Les rebelles avaient déjà semé le doute mercredi dernier sur la fin des pourparlers, leur négociateur en chef à La Havane évoquant plutôt « la fin de l’année ».

« Nous avons la certitude qu’à la fin de 2016, les Colombiens pourront compter sur un protocole de paix qui permettra de crier à tous : la guerre est terminée », avait alors déclaré Ivan Marquez, numéro deux des Farc.

Une semaine plus tôt, dans une interview à l’AFP, le coordinateur local de l’ONU, Fabrizio Hochschild, avait estimé que « parvenir à un accord final, avec tous les détails réglés (…) va peut-être prendre un peu plus de temps », en évoquant une signature « durant la première moitié de cette année », vers la fin juin.

L’ONU a accepté de superviser le règlement final du plus ancien conflit armé des Amériques via une « mission politique » composée d’observateurs internationaux chargés de surveiller le désarmement des Farc. Cette mission sera dirigée par le diplomate français Jean Arnault, nommé mercredi par le secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon.

Pour Ariel Avila, analyste de la Fondation Paix et Réconciliation, le fait de repousser la signature à une date non précisée « ne présente aucun risque, au contraire ». « Cela démontre la force du processus, qu’une date ne met pas en danger », a-t-il déclaré à l’AFP.

Un point de vue partagé par Jorge Restrepo, directeur du Centre des ressources de l’analyse des conflits (Cerac), selon lequel « ce délai faisait plus de mal que de bien » au processus de paix.

Les deux parties ont déjà signé plusieurs accords intermédiaires, notamment sur une réforme agraire, la lutte contre le trafic de drogue, la participation politique des guérilléros, la réparation aux victimes. Elles doivent encore se mettre d’accord sur les modalités d’un cessez-le-feu bilatéral et le désarmement des rebelles.

La signature d’un accord définitif avec les Farc marquera un grand pas sur le chemin de la paix. Mais il restera à reprendre les négociations avec l’autre guérilla colombienne, l’Armée de libération nationale (ELN).

Le gouvernement a entamé en janvier 2014 des « dialogues exploratoires » avec ce mouvement né comme les Farc en 1964 d’une insurrection paysanne, inspiré de la révolution cubaine et qui compte environ 1.500 combattants, selon les autorités.

Ces discussions confidentielles semblent toutefois au point mort depuis plusieurs mois et l’ELN a repris l’offensive, tuant deux membres des forces de l’ordre ce lundi après quatre autres fin février.