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Colombie: première session du dialogue de paix avec l'ELN

Sangolqui (Equateur) (AFP) – La Colombie et la guérilla de l’ELN doivent entamer mercredi, à huis clos en Equateur, la première session de pourparlers visant à « la paix complète » pour clore plus d’un demi-siècle de conflit armé, après l’accord avec les Farc.

ELN « Le dialogue avec l’ELN nous remplit d’optimisme. Les nouvelles générations et les victimes méritent que les pourparlers avancent et que nous parvenions à la paix complète », a écrit le président Juan Manuel Santos sur Twitter mardi soir, quelques heures après le lancement officiel du processus avec l’Armée de libération nationale (ELN, guévariste).

M. Santos, prix Nobel de la paix 2016 pour sa détermination à pacifier son pays, entend négocier avec la dernière guérilla encore active un accord similaire à celui signé en novembre avec la principale rébellion, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc, marxistes), à l’issue de quatre ans de discussions délocalisées à Cuba.

Mardi, après trois années de tractations préparatoires menées en secret et des mois de tergiversations, les délégations du gouvernement et de l’ELN ont inauguré leurs pourparlers, lors d’une sobre cérémonie d’environ 45 minutes, dans une élégante hacienda jésuite, près de Sangolqui, à environ 30 km de Quito.

« Nous avons l’opportunité de terminer, enfin, le conflit armé et tourner la page de la guerre », a lancé Juan Camilo Restrepo, chef négociateur du gouvernement, depuis l’estrade installée sous une tente blanche dressée sur la pelouse, et devant quelque 150 invités, dont des représentants des six pays garants du processus (Brésil, Chili, Cuba, Equateur, Norvège, Venezuela).

– ‘Trouver une issue politique’ –

« Nous sommes disposés à trouver une issue politique (…) à la confrontation fratricide », a assuré le représentant de l’ELN, Pablo Beltran, en réitérant toutefois qu’il faut « changer ce qu’il y a à changer pour que s’ouvrent les portes de la démocratisation du pays ».

L’Equateur, pays voisin de la Colombie, accueille la première session des pourparlers. L’agenda compte six points: participation de la société civile à la construction de la paix, démocratie pour la paix, transformations pour la paix, victimes, fin du conflit et application de l’accord.

Depuis les années 60, le conflit a impliqué une trentaine de guérillas, des paramilitaires d’extrême droite et les forces de l’ordre, faisant au moins 260.000 morts, plus de 60.000 disparus et 6,9 millions de déplacés.

« Nous allons commencer ces conversations avec deux thèmes de manière simultanée (…) l’humanitaire et la construction de gestes de confiance (…) et la participation de la société à la construction de la paix », a précisé M. Restrepo, en appelant l’ELN à renoncer aux enlèvements, arguant que « sans cette décision, il sera très difficile d’avancer dans la construction d’accords ».

Rien d’autre n’a jusqu’à présent filtré sur l’organisation pratique de cette première session de discussions, prévue derrière les portes fermées de l’Hacienda Cashapamba, propriété de l’Université Catholique.

– ‘Optimisme modéré’ –

La question des otages a déjà retardé les pourparlers, prévus à l’origine en octobre, mais suspendus en dernière minute, l’ELN n’ayant pas libéré l’ex-député Odin Sanchez, comme l’exigeait M. Santos.

La guérilla l’a finalement relâché le 2 février, après dix mois de détention, avant un militaire lundi, retenu pendant une dizaine de jours. Le nombre d’otages restant n’est pas connu. L’ELN a juste affirmé récemment en détenir « très peu ».

Cette question risque de ralentir les discussions. Pour l’analyste Ariel Avila, de la fondation Paix et Réconciliation, Juan Camilo Restrepo a tenu « un discours plus dur » que celui de Pablo Beltran qui a fait « un pas en avant », en disant que l’ELN « va demander pardon ».

Frédéric Massé, de l’Université El Externado de Bogota, exprime lui aussi « un optimisme modéré », voyant « un apaisement » avec un ton « radicalement différent » de celui « très virulent » des Farc lors du lancement de leur propre processus en novembre 2012 à Oslo.

Mais « les deux parties campent sur leurs positions », a-t-il précisé à l’AFP, le gouvernement appelant seulement « à la fin du conflit armé » face au « discours beaucoup plus axé sur le social » de l’ELN.

Cet expert en conflit armé doute que les négociations aboutissent avant l’élection présidentielle de 2018 et le départ du pouvoir de M. Santos, donc « l’enjeu est d’avancer suffisamment pour que le prochain gouvernement, le nouveau président ne puissent pas revenir en arrière ».

© AFP RODRIGO BUENDIA
Le représentant du gouvernement colombien Juan Camilo Restrepo (g) serre la main du représentant de l’ELN Pablo Beltran (d) devant le ministre des Affaires étrangères équatorien, Guillaume Long (c), lors de l’ouverture des pourparlers de paix, le 7 février 2017 à Sangolqui, en Equateur