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Combien ont coûté les vaccins livrés au fenua ?

Le contre-amiral Rey, le ministre de la Santé Jacques Raynal, le haut-commissaire Dominique Sorain et le président Édouard Fritch à Faa’a jeudi soir pour accueillir la première dotation de vaccins livrée par l’État. ©C.R.

La campagne de vaccination qui doit commencer la semaine prochaine sera gratuite et non-obligatoire pour les Polynésiens. Mais les vaccins livrés jeudi eux, ont bien été achetés par l’État qui a a passé commande au travers de l’Union européenne. Et si les tarifs manquent de transparence, l’Europe semble les avoir bien négociés. 

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La question du prix des vaccins a animé les spéculations depuis le début de la crise sanitaire. Beaucoup ont alerté sur le risque que les laboratoires fassent exploser les tarifs vu l’urgence de la situation et l’énorme demande mondiale. Au creux des deux vagues de Covid, certains parlaient, en Europe, de vaccins dépassant les 3 500 Francs la dose, doit plus de 7 000 francs pour réaliser les deux injections généralement nécessaires pour atteindre une immunité maximale. Des prix qui s’expliquent par l’investissement particulièrement important pour développer ces produits dans un temps record, et le recours à de nouvelles techniques, qui reposent sur des années de recherches coûteuses. Les vaccins contre le Covid sont donc sans surprise des médicaments onéreux pour les collectivités, mais il semble que la concurrence entre les différents laboratoires a tout de même permis de limiter les tarifs.

1 434 francs la dose négociée à Bruxelles

En novembre, les États-Unis avaient ainsi fait savoir qu’ils avaient précommandé 100 millions de doses du vaccin Pfizer/BioNtech, le premier à être mis sur le marché en occident. Montant la facture : environ 2 milliards de dollars, soit 19,5 $ la dose (1 900 Fcfp). Ce sont ces mêmes vaccins qui ont été livrés jeudi soir à Faa’a, mais les 14 625 doses proviennent du stock national, lui-même issu d’une commande de l’Union européenne. Les tarifs négociés par Bruxelles étaient censés rester secrets, jusqu’à ce qu’une secrétaire d’État belge fasse fuiter un tableau récapitulatif à la mi-décembre. D’après ce document, qui n’a pas été démenti depuis, les laboratoires américains et allemands ont facturé 12 euros la dose (1 434 Fcfp). L’Europe forte de ses 27 états membres (le Royaume-Uni ne fait plus partie du club, et donc pas partie de la commande) et de ses près de 450 millions d’habitants aurait donc a obtenu une « ristourne » de près 25% par rapport à Washington. Et les doses débarquées jeudi à Tahiti représentent, hors logistique, plus de 21 millions de Fcfp, payés par l’État au nom de la « solidarité nationale ».

Mais les négociations ne sont pas arrêtées là. Soucieux de limiter les risques de pénurie, les états de l’UE ont pour l’instant ouvert une enveloppe de 2,15 milliards d’euros (236 milliards de Fcfp) pour ces achats et signé pour 1,8 milliard de doses de précommandes à six laboratoires. Des contrats s’activent (ou non) en fonction des besoins et des autorisations de mise sur le marché. Les doses sont ensuite réparties au prorata de la population entre les états membres, dont la France. L’État a assuré qu’il continuerait à doter la Polynésie de livraisons « régulières » et gratuites, selon un calendrier qui reste encore très flou.

Moderna très cher, Oxford plus abordable

Le vaccin développé par les laboratoires américains Moderna, qui vient d’obtenir le sésame européen, devraient être la première alternative à arriver sur le marché. Vaccin à « ARn messager », comme celui de Pfizer, il est plus cher que ce dernier : entre 14,7 et 20 euros (1 750 à 2 350 Fcfp) selon les sources. C’est le prix le plus élevé parmi les candidats-vaccins même si il est largement en dessous du tarif d’abord évoqué par le laboratoire américain (plus de 3 500 Fcfp la dose). Le laboratoire français Sanofi, qui teste actuellement un vaccin plus « classique » à base de protéine virale, devrait proposer des doses à 902 Francs contre 826 Francs pour celui de l’américain Johnson & Johnson. Le vaccin développé par le laboratoire britannique AstraZeneca avec l’Université d’Oxford est de loin le moins onéreux : 212 Francs par dose d’après les documents de l’UE qui ont fuité. Bénéficiant depuis peu d’une autorisation de mise sur le marché au Royaume-Uni et en attente d’une autorisation européenne, il repose, comme celui de Pfizer ou de Moderna, sur des « instructions génétiques », qui sont cette fois délivrées par un vecteur adénoviral (virus du rhume). Principal intérêt, outre le coût réduit : il peut être stocké et transporté à température ambiante, là où les vaccins de Pfizer, et dans une moindre mesure celui de Moderna, nécessitent une chaîne du froid rigoureuse. Un produit intéressant, donc, pour le fenua et ses archipels éloignés.

Récapitulatif du prix et des stade d’avancement réalisé par la rédaction de Ouest-France :

900 millions pour la logistique de la vaccination

Début décembre, Édouard Fritch annonçait à l’assemblée de Polynésie la préparation de la campagne de vaccination. Un plan visant, au total, « 130 000 personnes pour budget de 900 millions de francs », explique alors le président. D’après Jacques Raynal, cette somme n’inclurait pas le coût d’achat des vaccins, supporté par l’État, mais serait une « enveloppe » permettant d’assurer la logistique de la campagne. Le ministre de la Santé évoque « le personnel à mobiliser », les transports, à Tahiti et vers les îles, « l’achat de congélateurs à -80°C », indispensable pour stocker le vaccin Pfizer-BioNtech… « C’est toute une mise en place, et ce sont des sommes d’argent qui ne sont pas mobilisées en une fois, mais sur une période qui va durer », précise le ministre. La direction de la Santé a déjà évoqué une campagne qui pourrait durer « sur un an ». Quoiqu’il arrive, le coût de la vaccination « comme toutes les dépenses liées à la crise Covid » feront l’objet « d’une évaluation finale », reprend Jacques Raynal.

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