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Commémoration : à Sétif, l’autre 8 mai en Algérie

Le secrétaire d'Etat Jean-Marc Todeschini à Sétif le 19 avril 2015. © FAROUK BATICHE / AFP

Le secrétaire d’Etat Jean-Marc Todeschini à Sétif le 19 avril 2015. © FAROUK BATICHE / AFP

FACE SOMBRE – Le 8 mai marque la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais aussi l’un des massacres les plus sanglants de l’histoire coloniale française.

Un 8 mai, deux commémorations. Il n’y a pas un mais bien deux 8 mai dans la mémoire collective. Alors que la France célèbre aujourd’hui la Libération, l’Algérie commémore l’un des pires massacres de son Histoire. Car s’il y a 70 ans jour pour jour, le 8 mai 1945 sonnait le glas de la Seconde Guerre mondiale, il marquait également les prémices d’une autre guerre, coloniale celle-ci, entre la France et l’Algérie.

Un massacre au bilan qui reste flou. Ce jour-là, à Sétif, une ville de 200.000 habitants située à 300 kilomètres à l’est d’Alger, les autorités françaises organisent un défilé pour fêter la fin de la guerre. Le Parti du peuple algérien (PPA) participe à la cérémonie, voyant là l’occasion de rappeler les promesses d’émancipation et la volonté d’indépendance du peuple algérien. Un policier tire alors sur Bouzid Saâl, un jeune scout musulman qui arborait fièrement le drapeau national. L’émeute qui s’ensuit est réprimée dans le sang par l’armée du GPRF (Gouvernement Provisoire de la République Française), qui déplorera alors la mort de 102 Européens et d’un millier de manifestants algériens. Un bilan largement sous-évalué, dont le chiffrage reste aujourd’hui sujet à débat. Le gouvernement algérien affirme que 45.000 personnes au total furent massacrées dans la vague de répression qui s’est abattue sur la région les jours suivants, dans les villes de Guelma et Kherrata notamment.

La classe politique française sort du silence. Cette tuerie, aujourd’hui considérée par les historiens comme le premier épisode sanglant de la guerre d’indépendance qui opposa les nationalistes algériens à l’armée française, reste un sujet politiquement sensible, au cœur des relations entre Alger et Paris. 60 ans durant, la classe politique française a oscillé entre silence et dénégations autour de cette période sombre de l’histoire du pays. Ce n’est qu’en février 2005 que l’ambassadeur français à Alger de l’époque, Hubert Colin de Verdière, affirme que les massacres du 8 mai 1945 constituent « une tragédie inexcusable ». Son successeur au poste, Bernard Bajolet, va même plus loin en 2008 puisqu’il parle de la « très lourde responsabilité des autorités françaises dans une folie meurtrière qui a fait des milliers de victimes innocentes, presque toutes algériennes » lors d’un discours à Guelma.

Premier déplacement commémoratif. Depuis l’élection de François Hollande en 2012, les choses se sont un peu plus décantées. Lors de son déplacement à Alger six mois après son élection, le président de la République reconnaît dans un discours « les souffrances » infligées par la France au peuple algérien lors de ces massacres, sans que cette déclaration ait un caractère officiel. Dernier épisode en date, le déplacement du secrétaire d’Etat aux anciens combattants Jean-Marc Todeschini à Sétif. Si, officiellement pour des raisons d’agenda, il n’a pas pu être présent le 8 mai, le membre du gouvernement s’est rendu sur les lieux du massacre au mois d’avril. Le 13 avril, le conseil de Paris a voté à l’unanimité un vœu adressé à l’Etat, lui demandant de reconnaître ces massacres comme crimes d’Etat.

« On ne peut pas vivre avec une mémoire falsifiée ». Une prise de position symbolique qui a poussé des militants à constituer un Collectif Unitaire pour la reconnaissance du massacre. Ses membres demandent l’ouverture des archives pour enfin établir un bilan précis de la tuerie. Michel Tubiana, président de la Ligue des Droits de l’Homme invité sur Europe 1, partage ces positions : « Je ne demande pas de repentance, je ne suis pas sur ce registre, je demande la reconnaissance d’une vérité historique et d’une responsabilité. » « Il est toujours difficile pour les Etats de reconnaître qu’ils ont fauté, et c’est à nous citoyens de le leur rappeler, pour ne pas vivre avec une mémoire falsifiée ».


Massacre de Sétif : « on a tiré par habitude » par Europe1fr

Source : Europe1

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