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Comment a-t-on réalisé « Shaun le mouton » en pâte à modeler ?

© StudioCanal

COULISSES – Shaun le mouton est le dernier né du studio britannique Aardman, précurseur des films d’animation en pâte à modeler.

Wallace et Gromit, Chicken Run, ce sont eux, les doigts de fée du studio Aardman. Leur dernier petit chef-d’œuvre, Shaun le mouton, sur les écrans mercredi, a lui aussi été entièrement réalisé en pâte à modeler et en stop-motion (image par image). La pâte à modeler, c’est la marque de fabrique de ce studio britannique basé à Bristol et fondé en 1972. Contrairement à Pixar ou à Ghibli, qui utilisent des images de synthèse, le studio Aardman, lui, réalise tous ses films grâce à de petits personnages en pâte à modeler ou en papier mâché. Il les fait ensuite évoluer dans un décor en 3D. Quels sont ses secrets de fabrication ? Europe 1 a posé la question à Jean-Jacques Launier, le commissaire d’exposition Aardman, l’art qui prend forme, qui se tient jusqu’au 30 août 2015, au musée Art Ludique, à Paris.

 

Une journée de travail pour une seconde de film. Pour sortir un film comme Shaun le mouton, il faut « au minimum plusieurs années de ‘préparation du film’ et environ 18 mois à deux ans de technique pure », assure Jean-Jacques Launier, le commissaire de l’exposition Aardman, l’art qui prend forme. L’équipe du film travaille en effet seconde par seconde, en animant le corps et le visage des figurines. Et c’est un travail colossal. Il faut compter une journée entière pour obtenir… une seule seconde de film, soit 24 images.

Tout commence par le dessin. Avant de sculpter la pâte à modeler, des dessinateurs sont à pied d’œuvre. Ils produisent des multitudes de croquis. C’est l’étape de la recherche. Les personnages du futur film sont crayonnés sous tous les angles. Les artistes tentent des choses, des postures, des expressions. « Lady Tottington, l’un des personnages de Wallace & Gromit, a fait l’objet d’innombrables essais : les dessinateurs l’ont d’abord représentée en baba cool, puis avec des robes et un chapeau couleur carotte etc », se souvient Jean-Jacques Launier. Même chose pour le méchant du film. « Il y a quasiment un moment où on le découvrait en tenue de SS, puis l’idée a été abandonnée. » A ce stade donc, les dessinateurs « ne se censurent pas parce qu’ils sont vraiment dans un processus de réflexion libre. » Un vrai laboratoire.

L’étape suivante, c’est celle du storyboard. Après la caractérisation de chaque personnage, avec ses expressions propres, ses attitudes et ses gestes, on déroule l’histoire, sous la forme d’unstoryboard. On distingue alors les plans, case par case, tels que le réalisateur va vouloir les voir à l’écran. Ce story-board est même parfois animé. Chaque image est alors photographiée puis les réalisateurs la mettent en animation pour voir ce que ça donne, même si c’est seulement crayonné. A ce stade, on n’a pas encore touché à la pâte à modeler.

Les décors sont tous conçus à l’avance. Au détour des couloirs de l’exposition au Musée Art Ludique, on découvre plusieurs exemples de décors qui ont vraiment servis aux différents films produits par les studios Aardman. Ceux-ci, un bateau, l’intérieur d’une maison, un potager, ou encore une décharge, sont tous conçus à l’avance. La réalisation des décors, parfois à relativement grosse échelle (plusieurs mètres de haut), demande « de grandes compétences techniques », assure Jean-Jacques Launier. Tous les détails sont là pour que la caméra puisse ensuite s’attarder dans ces décors. Un torchon négligemment posé sur une table apparaît par exemple froissé ou sale. « Des plans techniques professionnels permettent aussi de réaliser les décors avec une immense précision », souligne Jean-Jacques Launier qui décrit « un vrai décor de film, qui permet des prises de vues très variées, sous tous les angles. »

Des professionnels dessinent la voile sur plan :

© studio Aardman

Puis le décor, de plusieurs mètres, est construit pour permettre à une caméra de s’attarder sur chaque détail :

© studio Aardman

Action. Pour le tournage, l’équipe du film se retrouve dans un immense studio. Chaque décor utilisé dans le film est déjà en place, aux quatre coins de la pièce. « Chacun des nombreux animateurs a en charge une action précise tandis que les réalisateurs supervisent l’ensemble, à la manière de chefs d’orchestre », explique Jean-Jacques Launier. « Et pour gagner du temps, tout le monde avance parallèlement. Une caméra est placée devant les personnages qu’on anime, plan après plan. Des animateurs viennent faire bouger la figurine au millimètre. Si la caméra capte une vingtaine de moutons, il faut faire bouger les vingt moutons, sans rien oublier. Pour Shaun le mouton, on a quinze figurines pour quinze décors et une équipe par décor, qui se charge d’animer le personnage selon l’action. Des images enregistrent au fur et à mesure ce qu’ils sont en train de faire et tout est vérifié, à chaque étape. On s’assure bien que chaque mouton ait bien bougé.

Les personnages sont animés seconde par seconde, dans le décor conçu à l’avance :

© studio Aardman

© studio Aardman

L’importance de la lumière. Jean-Jacques Launier souligne l’importance de la lumière dans la sculpture en général. « Sans lumière, une sculpture n’a pas son volume, on ne voit pas le modelé. » Pour une sculpture animée, elle est donc tout aussi essentielle. « La lumière est ainsi réglée par le chef opérateur, elle passe de lumière du jour à lumière de nuit et on se rend compte qu’elle crée une ambiance et interagit avec le volume de la figurine », détaille le commissaire d’exposition.

La caméra est placée face aux personnages, filmés en gros plan, puis les réalisateurs travaillent sur la lumière :

© studio Aardman

Le moins d’images de synthèse possible. « Le studio Aardman ne s’interdit pas d’utiliser l’ordinateur quand il ne peut vraiment pas faire autrement », explique Jean-Jacques Launier qui insiste sur le fait que les équipes « sont capables de tout animer en pâte à modeler. » Dans Les Pirates ! Bons à rien, Mauvais en tout, sorti en 2012, l’équipe a notamment utilisé l’aide de l’ordinateur pour animer l’eau. Pour quelle raison ? « Elle avait fait des essais et la mer en pâte à modeler attirait trop l’œil et détournait l’attention du bateau. »

Source : Europe1