RÉCIT – Fausses rumeurs, attaques racistes, la ministre de l’Education nationale n’est pas épargnée depuis sa nomination. Mais elle n’entend pas se laisser déstabiliser.
Depuis sa nomination au ministère de l’Education nationale, les coups pleuvent. Comme Christiane Taubira avant elle, Najat Vallaud-Belkacem fait l’objet d’attaques racistes via des unes de presse et fausses rumeurs relayées abondamment sur les réseaux sociaux. La dernière intox remonte au week-end dernier. Une fausse circulaire, présentée comme issue de la rue de Grenelle, invitant les maires à mettre en place des cours d’arabe dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. Dès dimanche soir, une plainte était déposée au nom du ministère de l’Education nationale.
Plainte du ministère. Impensable pour Najat Vallaud Belkacem de laisser passer ça. « A travers les attaques contre la ministre, c’est l’institution qu’on cherche à déstabiliser et à atteindre », explique t-on dans son entourage. « Najat ne va pas passer des heures à pourchasser ses détracteurs sur le web, mais là, il était important qu’elle marque le coup car c’est le ministère qu’on dénigre », renchérit l’un de ses proches.
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Le 26 août, NVB n’avait pas encore posé ses cartons au 110, rue de Grenelle qu’elle était déjà la cible désignée pour l’extrême droite, une partie de la droite et tous les mouvements tradis dont la Manif pour tous, très actifs sur les réseaux sociaux. Jeune, femme, d’origine marocaine, et ayant soutenu les ABCD de l’égalité, outil pédagogique qui visait à lutter contre les stéréotypes filles-garçons à l’école, la numéro trois du gouvernement Valls II cristallise les attaques, alors même qu’elle n’a encore fait aucune grande annonce à l’Education. Europe 1 remonte le fil de ces dernières semaines via des proches de la ministre.
Humour grinçant. Si elle a assuré rester « assez distante » des « polémiques sans intérêt », Najat Vallat-Belkacem a pris le temps de répondre à ses détracteurs. A chaque fois, un sourire un peu crispé et une arme qu’elle utilise peu habituellement, l’humour grinçant. Au journal d’extrême droite Minute qui a titré la semaine dernière « Une Marocaine musulmane à l’Education nationale. La provocation Vallaud-Belkacem », l’ancienne ministre des Droits des femmes a répondu par une citation de l’humoriste Pierre Desproges : « C’est beaucoup plus économique de lire Minute que d’acheter Sartre car pour le prix d’un journal, vous avez à la fois la nausée et les mains sales ».
Sur les spéculations autour de son nom de famille, elle a dénoncé « l’ère de la rumeur » selon laquelle elle serait aussi « la fille d’un grand financier milliardaire ». « Non, je suis la fille de mes parents », a grincé cette fille d’ouvrier qui se voit en « pur produit de la République ». Enfin, face aux anti mariage-gay de « La Manif pour tous » qui l’ont accusée dès sa nomination de prôner une prétendue « théorie du genre » à l’école, elle a ironisé sur sa « coupe de cheveux » qui « serait la preuve ultime » de ce qu’elle essaierait « de transformer les filles en garçons ». A chaque fois des réponses ciblées et réfléchies. « Il se passe quelque chose. Najat, la bonne élève, apprend à se lâcher et balancer des coups », estime l’un de ses biographes *Valentin Spitz.
« Tout va très bien ». A un ami qui lui demandait comment elle avait vécu ces deux dernières semaines, NVB lui a répondu par SMS : « Tout va très bien ». Invulnérable, madame la ministre ? « Sa grande force, c’est de ne pas être dominé par l’affect. D’autres pèteraient les plombs. Elle a appris à encaisser les coups », répond Valentin Spitz. « Najat ne se laisse ni habiter ni dépasser par les attaques », abonde un proche de la ministre. « Je ne la vois ni céder ni flancher, même si ça dure des mois », renchérit son ami de 11 ans et ancien collaborateur François Pirola.
Peinée mais pas blessée. Les unes de Valeurs actuelles et Minute où elle se voit qualifier d »ayatollah » et de Marocaine musulmane à l’Education nationale l’ont elle blessée ? Difficile à dire car Najat Vallaud-Belkacem serait une grande pudique, y compris avec ses intimes. « Elle n’est pas du genre à s’épancher. Au contraire. Elle n’a jamais mélangé sa vie politique, publique avec sa vie personnelle. C’est aujourd’hui sa meilleure protection face aux attaques », confie François Pirola. Pas blessée donc mais « peinée », certainement. « Que des unes outrancières prennent dans la société française autant de place, ça la préoccupe », ajoute ce proche de la ministre, qui a débuté à ses côtés à Lyon.
Les boules puantes, elle connaît. N’en déplaise à Julien Dray pour qui NVB est encore « une jeune fille », la ministre à l’ascension fulgurante a déjà plus de dix ans de politique derrière elle. Dont deux campagnes présidentielles pour Ségolène Royal en 2007 et François Hollande en 2012 où elle a occupé le poste sensible de porte-parole. Les coups, elle a appris alors à les encaisser et à en donner. François Pirola se souvient ainsi d’une boule puante née à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle où l »UMP Valérie Rosso-Debord avait accusé NVB « d’être prête à défendre l’identité marocaine » par son appartenance au Conseil de la communauté marocaine de l’étranger (CCME). « A l’époque, ça avait fait pas mal de bruit. Et Najat s’était montrée particulièrement combative », se souvient ce très proche de la ministre.
Des courriers de soutien. Décrite comme « solide » par ses proches, Najat Vallaud Belkacem est sensible aux témoignages de soutien qu’elle reçoit. Des courriers de parents d’élèves qui l’encouragent dans ses nouvelles fonctions. La FSU, première fédération de l’éducation, est aussi montée au créneau pour défendre sa ministre après les unes de Minute et Valeurs actuelles. « Il y a une campagne tout à fait inadmissible, révoltante et désolante qui monte dans notre pays autour de Najat Vallaud-Belkacem », a déploré la secrétaire générale de la fédération, Bernadette Groison, lors de la conférence de rentrée. « Quels que soient les accords ou désaccords que nous aurons peut-être avec cette ministre, on défendra toujours le respect des personnes », a-t-elle ajouté.
Si la réforme des rythmes scolaires est entrée en application sans trop de difficultés, Najat Vallaud-Belkacem sait qu’elle sera attendue au tournant sur son plan d’action pour l’égalité filles-garçons. Le dispositif, destiné à remplacer les fameux ABCD de l’égalité, sera détaillé début octobre. Lors de sa conférence de presse de rentrée, la ministre a promis d’y « associer » les parents. Sa meilleure arme face aux intox ?
* Najat Vallaud-Belkacem, Une gazelle au pays des éléphants, de Valentin Spitz et Véronique Bernheim, First Editions, 2012.