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Comprendre comment un élu ou un chef d’entreprise bascule dans l’illégalité

Emmanuelle Gindre et Sarah-Marie Cabon, toutes deux maîtres de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’UPF, organisent un colloque sur les atteintes à la probité dans les Outre-mer lundi et mardi prochains. Universitaires, magistrats et élus animeront différentes conférences sur la question de la prévention et de la lutte contre les atteintes à la probité dans les secteurs privé et public et notamment en politique.

L’UPF organise un colloque sur les atteintes à la probité dans les Outre-mer les 17 et 18 mai. Dans un contexte ultramarin où la promiscuité entre les milieux est une donnée factuelle, le colloque « L’efficacité des dispositifs de lutte contre les atteintes à la probité : La nécessité d’une réflexion pour les Outre-mer » vise à approfondir la réflexion sur la répression pénale face aux atteintes à la probité, en Polynésie française et dans les Outre-mer plus généralement. Pas question pour Emmanuelle Gindre, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’UPF et l’une des organisatrices de l’événement (avec Sarah-Marie Cabon, également maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’UPF) de pointer qui que ce soit du doigt. « C’est un travail académique avec l’idée de s’interroger sur l’adaptation ou la transposition d’un droit qui vient de l’État dans une collectivité comme la Polynésie française et voir ce qui fonctionne ou pas. C’est un débat que l’on souhaite ouvert : ces textes sont-ils vraiment adaptés ? Quelles sont les marges de manœuvre de la Polynésie ? » Concernant la vie politique, l’idée est d’essayer de mieux comprendre pourquoi et comment un élu bascule…

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Il n’y aura pas que des discussions sur la politique ; les entreprises, la vie commerciale et économique seront également l’objet de conférences. L’objectif est d’aborder la question de la prévention et de la lutte contre les atteintes à la probité dans les secteurs privé et public, dans leurs aspects juridiques et institutionnels tout en permettant d’obtenir – via l’expérience des acteurs de cette lutte sur le territoire – un éclairage sur les spécificités d’Outre-mer. L’événement s’adresse à l’ensemble des personnes interpellées par ces questions, plus particulièrement les acteurs professionnels qui y sont confrontés dans l’exercice de leur métier. On pourra notamment écouter Éric Courbier, déontologue et directeur des affaires financières d’EDT-Engie sur « l’intégration d’un programme de conformité dans une entreprise polynésienne : le cas d’EDT » ; Anne-Mathilde Cornec, Mahealani Marot et Aurélie Thorez, étudiantes en Master 2 de droit privé, mention droit des affaires sur « les outils de lutte contre le blanchiment : l’exemple des banques polynésiennes » ; Sémir Al Wardi, maître de conférence HDR en science politique à l’UPF sur la « vie politique en Outre-mer : la question des rapports de proximité » ; ou encore Moetai Brotherson, député à l’Assemblée nationale sur « les dispositifs pour la confiance dans la vie politique polynésienne ».

Lundi 17 et mardi 18 mai 2021 à partir de 8h, à l’amphithéâtre A3 de l’université. Cet événement est ouvert au grand public, gratuit et sans inscription. Le programme est téléchargeable ici.

Droit occidental, droit coutumier : deux visions différentes

Emmanuelle Gindre est l’auteur d’une thèse sur le droit pénal en Outre-mer. Elle s’est intéressée à l’application du droit occidental en Outre-mer, ses répercussions sur la société îlienne, mais aussi aux spécificités du droit coutumier et aux différences entre ces deux visions pour régler les conflits dans une société.

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Un des problèmes notamment est l’homologation des peines : si la Polynésie française veut assortir ses réglementations, celles pour lesquelles elle a compétence comme le droit de l’environnement par exemple, de sanctions, elle doit les faire homologuer par l’État mais cette procédure est longue et fastidieuse. Le conseil des ministres formule un vœu pour demander l’homologation et cela transite par tout le circuit administratif classique jusqu’à ce qu’une loi spécifique pour l’Outre-mer soit adoptée pour permettre l’homologation. La peine de prison pour le braconnage de tortue, par exemple, est en cours d’homologation mais la loi tarde à venir. « Aucune loi n’est encore venue homologuer les peines d’emprisonnement. Seules les peines d’amende sont applicables. En théorie, il est donc impossible d’appliquer de la prison. »

Mais d’ailleurs les peines de prison ne sont pas toujours « comprises » en Outre-mer. Bien différentes des peines parfois appliquées par la justice coutumière : « Il existe encore des sanctions physiques en Nouvelle-Calédonie. En Polynésie française, le bannissement d’une île est encore pratiqué comme à Rapa si une personne ne respecte pas le rahui par exemple. »

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Emmanuelle Gindre montre les différences de vision et de conception de la sanction mais aussi de l’insertion : « Avec la coutume du pardon en Nouvelle-Calédonie, les personnes peuvent être réinsérées dans la société. C’est beaucoup plus difficile dans le système occidental où c’est très long et compliqué. Le casier judiciaire n’existe pas dans les tribus. »