Paris (AFP) – Accusé d’avoir caché pendant 15 ans des dizaines de millions d’euros au fisc sur des comptes à l’étranger, Serge Dassault ne doit, pour le parquet, plus siéger au Sénat: il a requis cinq ans d’inéligibilité, deux ans de prison avec sursis et neuf millions d’euros d’amende.
Si le tribunal correctionnel de Paris suivait ces réquisitions, ce serait la deuxième fois que le sénateur Les Républicains perdrait un mandat électoral sur décision de justice. Le Conseil d’Etat a annulé en 2009 sa réélection à la mairie de Corbeil-Essonnes l’année précédente en raison de « dons d’argent » et avait déclaré M. Dassault, qui avait ravi cette ville de l’Essonne aux communistes en 1995, inéligible pendant un an.
Le PDG du groupe Dassault, 91 ans, est jugé depuis lundi pour blanchiment de fraude fiscale. En cause, les comptes de quatre fondations et sociétés, basées aux Iles Vierges britanniques, au Luxembourg et au Liechtenstein, qui ont abrité jusqu’à 31 millions d’euros en 2006, près de 12 millions en 2014.
« On ne sait pas ce qu’est devenu ce petit delta de 19 millions d’euros », a souligné mercredi le président du tribunal, Olivier Géron.
Selon le parquet national financier (PNF), le sénateur de l’Essonne ne peut pas « décemment » continuer à siéger à la haute assemblée, où il fait partie de la commission des Finances.
Dans un réquisitoire à deux voix, le PNF a étrillé le « choix » de Serge Dassault de ne pas se présenter devant ses juges.
– ‘Sa loi’ et ‘la loi des autres’ –
Selon le procureur Patrice Amar, la question se pose de savoir « si M. Dassault peut décemment donner ses avis sur la loi fiscale », « sur les lois qui répriment le blanchiment ». Pour lui, la réponse est incontestablement non.
L’avionneur était il y a quelques jours à Aix-en-Provence pour un baptême de promotion à l’Ecole de l’air Marcel Dassault. « Il est évidemment beaucoup moins glorieux de se retrouver devant la 32e chambre du tribunal correctionnel et d’expliquer pour quelles raisons pendant 15 ans, de 1999 à 2014, il a dissimulé des dizaines de millions d’euros à l’administration française », a lancé la procureur Ulrika Delaunay-Weiss.
Pour Serge Dassault, « il y a sa loi et il y a la loi des autres », a-t-elle dénoncé, critiquant vertement l’élu et capitaine d’industrie qui « piétine et bafoue les valeurs républicaines ».
Pour la défense de M. Dassault, Jacqueline Laffont a étrillé un « réquisitoire militant, qui convoque des notions telles que la morale, la décence, l’apologie de la transparence ». Notions qui aux yeux de l’avocate, qui plaide la relaxe, « n’ont pas leur place dans une enceinte judiciaire ».
Serge Dassault a hérité de ces fonds placés sur des comptes à l’étranger. Le tribunal ne dispose pas d’éléments précis quant à leur origine, si ce n’est que selon la « rumeur » au sein de la famille, ils auraient été placés dans les années 1950 par Marcel Dassault, qui avait « peur de revivre la guerre » et voulait « protéger sa famille ».
Le prévenu, sénateur de l’Essonne depuis 2004, est également jugé pour avoir omis de déclarer onze millions d’euros en 2014 et 16 millions d’euros en 2011 à l’ancêtre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la Commission pour la transparence financière de la vie publique, chargée de vérifier les situations patrimoniales des élus.
Le tribunal a mis son jugement en délibéré au 1er septembre.
© AFP/Archives ERIC FEFERBERG
Le sénateur Les Républicains de l’Essonne Serge Dassault, le 29 septembre 2015 à Paris