Le tribunal administratif de Papeete avait, à la demande de la CCISM, annulé en octobre l’attribution de la concession de Tahiti-Faa’a au groupe Egis-Caisse des dépôts. Le Conseil d’État a confirmé cette nuit le bien-fondé de cette décision. Retour à la case départ ou attribution à un autre candidat ? Après plus d’une décennie de procédure, l’aéroport international, qui attend des rénovations de plus en plus urgentes, est dans le flou.
Qui pour gérer – et rénover – l’aéroport de Tahiti-Faa’a ? La question aurait pu trouver une réponse dès 2010, avec l’attribution de la concession par l’État à la société Egis, pour 30 ans. Mais après une longue bataille juridique, menée notamment par la mairie de Faa’a, la procédure avait été annulée en 2017. Egis, société liée à l’État au travers de la Caisse des dépôts, était tout de même restée aux manettes de la plateforme et de sa société gestionnaire, ADT. Et comptait bien remporter le nouvel appel à concurrence lancé en 2019. Ce fut chose faite en septembre dernier : le marché, estimé à 155 milliards de francs sur 40 ans, était de nouveau attribué à Egis Airport Operations et à la Caisse des dépôts et consignations. Espoir pour ceux qui espèrent voir la plateforme, de plus en plus délabrés, être rénovée rapidement : les lauréats avaient immédiatement détaillé leur plan d’investissement de 26 milliards de francs (dont 14 milliards dans les 5 premières années) et lancé dans la foulée les premiers appels pour poser les bases du chantier.
Sauf que les candidats malheureux n’ont pas baissé pas les armes. Notamment la CCISM, qui avait misé sur un attelage avec la société Boyer, le fonds d’investissement Meridiam et la société Aéroport de Marseille-Provence pour prendre le marché. Et qui en est sûre : la procédure a été « biaisée » par l’État. Parmi les dizaines de motifs d’annulation soulevés devant le tribunal administratif de Papeete, au moins un a fait mouche : Egis-CDC, dans leur offre, n’ont pas précisé qui assurera la rénovation de la plateforme. Le groupement qui, contrairement à ses concurrents, n’est pas lié à une société de BTP, comptait choisir le prestataire plus tard, par une procédure de mise en concurrence. Le hic : comme l’ont relevé les avocats spécialisés de la CCISM, le guide de constitution des offres publié exigeait bien l’identité du constructeur. Les argumentations de l’État, auteur du guide et qui assure que cette précision n’était pas finalement pas si indispensable, n’y changeront rien : pour le juge des référé l’offre d’Egis doit être réputée invalide, et l’attribution est annulée le 28 octobre dernier.
Attribution à Vinci ou nouvel appel d’offres ?
C’est cette décision que le ministère national de la Transition écologique, en charge du dossier, contestait devant le Conseil d’État, de même qu’Egis et la Caisse des dépôts. Leurs recours ont été rejetés en bloc, cette nuit par la juridiction administrative suprême. Et maintenant ? Il va falloir pour Paris faire un choix. Car ni le juge des référés ni le Conseil d’État n’ont annulé la procédure d’appel d’offres et les autorités pourraient donc théoriquement attribuer le marché au deuxième candidat le mieux classé. Pas la CCISM, donc, puisque son groupement, dénommé Ti’a, est arrivé troisième de la procédure, derrière l’offre de Vinci Airports, autre gros bonnet des marchés aéroportuaires. Les avocats de la Chambre de commerce et d’industrie, qui n’étaient pas parvenus à obtenir une annulation complète de la procédure, avaient toutefois déjà prévenu qu’une attribution sans relance d’appel d’offres ferait l’objet de nouveaux recours.
L’autre option de l’État est donc de déclarer la procédure de 2019 infructueuse, avant d’en relancer une autre. Une option qui semble être préférée du côté du Pays qui est impliqué dans la gestion de la plateforme, en tant qu’actionnaire a 49% de la société d’exploitation. Lors d’une rencontre avec le ministre des Transports, Édouard Fritch avait jugé « anormal » que la Polynésie soit « totalement absente » du processus de désignation du concessionnaire, poussant à de nouvelles règles en cas de relance de la procédure. Dans les milieux économiques polynésiens, où on attend avec impatience la reconstruction de la plateforme, on sait toutefois qu’une relance de l’appel à concurrence repousserait encore de plusieurs années le chantier.